Les Tours Balzac, vaisseau blanc ancré sur le boulevard d’Anfa

L’architecte Arnauld Gilles, lauréat d’un concours gagné il y a quatre ans, a conçu pour le groupe Holmarcom un bâtiment imposant sa façade sur le boulevard d’Anfa.
Un exercice d’émancipation de l’attraction du plan pour
créer des façades à surprises en dialogue avec leur environnement.
Arnauld Gilles travaille ses projets à partir du plan. «Je n’ai jamais commencé à faire un projet en volume. Je fais des organigrammes de fonctionnement, ce qui me permet de positionner des points durs. À partir d’eux, je commence à rechercher une structure. Quand il s’agit d’un bâtiment à étages, je me projette en sous-sol et je vais chercher une trame de parking qui va être facile à superposer». Pour lui, un immeuble part du sol pour s’élever. Parmi les nombreuses contraintes d’urbanisme à résoudre aujourd’hui à Casablanca, la plus importante est, lui semble-t-il, celle des parkings qu’un architecte a le devoir de régler le mieux possible.
Quatre unités fonctionnelles distinctes
Dans l’immeuble construit pour le groupe Holmarcom, deux niveaux de parkings souterrains répondent aux besoins des usagers. Une partie des 23 000 m2 construits est destinée à la location. L’autre accueille les bureaux du holding qui gère le patrimoine du groupe ainsi que les filiales Sanad et Atlanta selon une répartition autonome : deux directions et des espaces bien différenciés. Au rez-de-chaussée, des surfaces commerciales avec mezzanine. Du 1er au 7e niveau, des plateaux de bureaux d’une surface de 800 m2 ; au 6e étage, 500 m2 sont réservés à la restauration collective. Les 8e et 9e niveaux accueillent la présidence des assurances.
En plan, les Tours Balzac sont l’expression de l’approche de l’architecte. La superposition des étages dessine un parallélépipède rectangle qui suit la forme de la parcelle, plus petit côté sur le boulevard d’Anfa. Le bâtiment est divisé en quatre unités fonctionnelles distinctes, de plans similaires. Deux axes structurent le bâtiment, tant en plan qu’en volume, et désignent ses accès. Un premier, longitudinal, est perpendiculaire à la façade principale, il ouvre sur Anfa. Un second vers l’arrière de la parcelle est perpendiculaire aux voies latérales. En rez-de-chaussée, une rue intérieure traversante matérialise son tracé. Deux unités – situées en cœur d’îlot – regroupent les circulations verticales qui desservent tous les niveaux. Retournées dos-à-dos elles sont séparées par les surfaces commerciales du rez-de-chaussée, puis par une cour intérieure à partir du premier étage.
En volume, l’architecte s’est affranchi de la masse compacte du plan. En fonction de la réglementation urbaine – R+9 sur Anfa, R+6 sur les autres rues – il a modelé un bâtiment à plusieurs corps. Aux extrémités, deux ensembles de hauteur différente semblent séparés par le principe de la dalle horizontale de toiture qui se casse à angle droit pour descendre jusqu’au sol, le long d’une verticale vitrée formant un large joint creux en retrait. Au centre, une unité longitudinale plus basse, structurée par trois piliers qui s’élèvent en contreforts dès qu’ils s’échappent du plan de façade. Une peau relie sur trois côtés ces corps de béton blanc : une façade lisse et claire travaillée d’une alternance de raies opaques ou transparentes – baies vitrées ou parements en Alucobon blanc – sectionnée par endroits de verticales en verre noir.
Dans cette portion du boulevard d’Anfa encore plantée de ficus sur le terre-plain central, pas de recul. Avec la dynamique d’un rapprochement automobile, on découvre en premier l’enchaînement de plans successifs comme flottant dans l’espace. Ce n’est qu’au pied de l’imposant T, formé d’un large retrait dans l’axe central chapeauté des deux derniers étages, que l’on comprend les articulations des volumes, en encorbellement ou en recul, et l’alignement du bâtiment. À gauche, l’ensemble de la façade se plie sur le côté avec la douceur de l’arrondi du verre, alors qu’à droite des coupes tranchent et chahutent sa silhouette. Dans cette partie de la ville, à l’arrière du boulevard, il y a encore des parcelles non construites, elles fournissent la distance nécessaire à une autre approche. C’est avec la lenteur et les options d’une marche à pied que l’on découvre, comme s’il y avait plusieurs bâtiments, les surprises des façades latérales et leur ancrage à l’échelle urbaine.