Les propos rassurants du ministre de la santé

Le ministre de la santé, Mohamed Cheikh Biadillah, est catégorique. Aucun cas de grippe aviaire n’a encore été détecté au Maroc. De même, les oiseaux migrateurs dans les zones humides marocaines n’ont encore présenté aucun signe de maladie. M. Biadillah passe en revue le plan de riposte. En cas de pandémie, cas de figure pessimiste, la priorité des soins sera donnée aux populations stratégiques et fragiles. Le Maroc a pris ses dispositions pour s’approvisionner aussi bien en antiviral qu’en vaccin si jamais il est fabriqué.

La Vie éco : De plus en plus, les oiseaux migrateurs sont mis en cause. Ils pourraient être à l’origine d’une pandémie de la grippe aviaire. Sommes-nous prêts au Maroc pour accompagner le flux de ces oiseaux ?

Mohamed Cheikh Biadillah: Au Maroc, nous comptons des zones humides qui reçoivent des dizaines d’espèces d’oiseaux migrateurs. Aujourd’hui, le Haut Commissariat des eaux et forêts assure le suivi épidémiologique de ces oiseaux et s’assure de leur état de santé. Il faut impérativement éviter qu’ils se partagent avec les volailles les mêmes eaux qui sont un véhicule du virus. Ce dernier est transmis par la salive et la fiente qui peuvent contaminer l’eau. Le calcul des scientifiques établit qu’un gramme de fiente peut contaminer jusqu’à un million de volailles. D’où le danger de se partager l’eau des lacs et rivières avec les volailles. Heureusement, chez nous, la plupart des élevages sont situés dans des fermes protégées.
L’autre grand risque vient de certains oiseaux migrateurs qui sont des porteurs sains. Le virus est certes très pathogène et tue rapidement son hôte mais il accepte des exceptions. C’est le cas du canard et du canard sauvage, de l’oie, et du cygne qui sont des porteurs sains. Ils ne présentent pas de symptômes du virus, mais en même temps, ils le véhiculent, d’où leur danger.

Quelle est la situation au niveau des zones humides marocaines qui accueillent des oiseaux migrateurs?
Les services chargés de la surveillance, notamment le Haut Commissariat aux eaux et forêts, surveillent régulièrement ces zones et n’ont pas encore décelé de cas de grippe aviaire chez ces oiseaux migrateurs.

Qu’en est-il des populations qui vivent dans ces zones humides. Est-ce qu’elles font l’objet d’une surveillance particulière ?
Ces personnes ne courent pas de danger car elles ne manipulent pas directement les oiseaux migrateurs. Ceux qui ont attrapé le virus en Asie ont été contaminés par les volailles et non pas par les oiseux migrateurs. Les volailles constituent un chaînon entre l’homme et l’oiseau migrateur. Or, chez nous, il n’y a pas de contact direct entre les deux. Ce chaînon manque heureusement.

Mais cela n’exclut pas le risque pour les populations installées dans les zones humides. Est-ce que les services responsables se sont assuré que, dans la vie quotidienne, ces personnes ou leurs volailles ne sont pas en contact avec des zones à risque ?
Le virus de la grippe aviaire est transmis chez l’oiseau par la voie digestive. L’homme, quant à lui, est contaminé par voie aérienne. Donc, il n’y a pas de risque. Quant aux personnes qui vivent dans ces zones, elles ne courent encore aucun danger. Nous n’avons pas encore décelé jusqu’à présent le virus de la grippe aviaire chez les oiseaux migrateurs qui viennent au Maroc.

Comment se fait la coordination sur le terrain ?
Chacun travaille de son côté. Nous ne sommes pas encore dans une phase qui justifie des réunions hebdomadaires. Ces réunions sont tenues lorsque des éléments nouveaux apparaissent. Ce qui n’est pas encore le cas.

Le plan d’action mis en place n’exclut pas le risque de pandémie. Si jamais nous atteignons ce niveau d’alerte, comment sera organisée la riposte ?
Si la pandémie, et j’espère qu’elle n’aura pas lieu, vient à être déclarée, nous serons appuyés par l’OMS et le monde entier ira au secours de la ville ou la région touchée. Cette pandémie viendrait si le virus acquiert les caractéristiques génétiques lui permettant de se transmettre d’homme à homme. Or, le virus, encore une fois, n’a pas encore atteint ce stade.

Mais si jamais nous sommes au Maroc face à cette mutation génétique, comment allons nous réagir ?
J’espère que ce ne sera pas le cas. Mais nous sommes au même niveau de préparation que l’Europe et les Etats-Unis. Nous avons préparé d’abord le réseau épidémiologique (vétérinaires, réseau du ministère de l’Agriculture, le Haut commissariat des eaux et forêts, les médecins), qui nous permettra de savoir au jour le jour quelle est la nature des virus qui circulent au Maroc pendant la saison grippale.
Le pays a l’expérience du Syndrome respiratoire aigu sévère (Sras). En 2003, lorsque la crise avait éclaté, le Maroc avait préparé un plan de riposte sur haute instruction de SM le Roi qui avait permis de mettre sur pied deux laboratoires de haute sécurité capables d’isoler un virus et de le typer. Le premier laboratoire est abrité par l’hôpital militaire d’instruction de Rabat et le deuxième par l’institut pasteur de Casablanca. A l’époque aussi, nous avions acquis des ambulances spéciales pour la protection civile, les militaires et la santé publique en plus d’équipements hospitaliers dont certains n’ont pas encore été utilisés et qui peuvent encore servir en cas de besoin.

Je rappelle encore une fois que le monde est toujours au stade 3 de cette épidémie (les stades 4, 5 et 6 n’ont pas encore été atteints). Mais, évidemment, nous nous préparons à l’arrivée éventuelle du virus au Maroc. Dans ce cadre, nous avons constitué un stock d’oseltamivir (ndlr : appellation scientifique du Tamiflu, antiviral produit par les laboratoires Roche). Un stock national est constitué. Nous avons été le premier pays africain à constituer ce stock. Nous avons aussi préempté pour le futur vaccin qui sera désigné contre le futur virus de la grippe que le monde attend !

Quel est le niveau du stock marocain. Permet-il un traitement de toute la population ?
Ce stock est raisonnable par rapport à une éventuelle pandémie. Les produits ne seront pas donnés à toute la population. Son administration sera d’abord effectuée pour les personnes qui sont en première ligne, les personnes fragiles et celles atteintes de maladies pathologiques chroniques. C’est une nuance importante à éclaircir. On ne pourra pas assurer le traitement de toute la population. On connaît d’autres antiviraux pour lesquels les virus ont développé une résistance. L’utilisation sera donc ciblée.
Nous avons aussi postulé pour l’acquisition d’un vaccin éventuel. Nous sommes parmi les rares pays qui ont pris cette initiative. La conduite à tenir est dictée par les résolutions de l’OMS, de la FAO et du COIE.

Quelle est la capacité de réaction du laboratoire pour une demande marocaine ?
Dans le monde entier, la capacité de production du vaccin contre la grippe saisonnière est de seulement 280 millions de doses, dont 180 millions produites en Europe et exportées à hauteur de 100 millions de doses. Si demain le monde dispose du vaccin de la prochaine grippe qui serait due au virus AH5N1, il sera administré dans les mêmes proportions que la vaccination contre la grippe saisonnière, qui concerne entre 400 000 et 440 000 personnes.

Mohamed cheikh biadillah Ministre de la Santé
Nous avons constitué un stock d’oseltamivir. Nous avons aussi préempté pour le vaccin qui sera désigné contre le futur virus de la grippe.