Les producteurs de poulet vendent à perte pour limiter les dégà¢ts

Coût des poussins, prix du maïs et du soja, consommation accrue d’énergie, leur prix de revient a grimpé à 13,50 DH le kilo. Le million de poussins de plus que les besoins des éleveurs introduits sur le marché a entraîné une baisse du prix de vente, sortie ferme du poulet.
Le secteur avicole traverse une nouvelle crise que les professionnels qualifient de «préoccupante». La Fédération nationale des producteurs des viandes de volaille (APV) et la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (Fisa) viennent de sonner l’alarme. Khaireddine Soussi, président de la Fisa, et Ahmed Addioui, celui de l’APV, expliquent qu’il ne s’agit absolument pas de la traditionnelle saisonnalité du déséquilibre entre la demande et l’offre ni des fluctuations habituelles des prix, mais d’un phénomène assez nouveau. Il y a une conjonction de l’augmentation notable de la production qui coïncide fâcheusement avec la flambée des cours des matières premières, en particulier sur le marché international. Cette conjoncture a naturellement entraîné un surcoût des intrants et spécialement de l’aliment composé (maïs, soja…). En d’autres termes, le marché est inondé d’une marchandise dont le coût de revient s’est trouvé subitement majoré. «On peut imaginer les conséquences catastrophiques que produit la conjonction de tels évènements», renchérit Chaouki Jirari, directeur de la Fisa. Pour illustrer la situation, un opérateur qui préfère garder l’anonymat en ces temps qu’il juge difficiles souligne avoir baissé ses coûts de production et augmenté sa productivité, mais il a été rattrapé par l’augmentation des aliments de volaille que l’APV estime à 0,80 DH par kilo. Par rapport à la fin 2010, il y a certes eu un léger redressement des prix durant les deux premiers mois de l’année. Aujourd’hui, affirme un opérateur, les gros élevages qui fournissent 20% du marché arrivent à peine à l’équilibre, mais les très nombreux autres perdent 70 centimes par kilo et ne peuvent que vendre sous peine d’une aggravation de leurs charges puisqu’il faut nourrir davantage un poulet non vendu.
Un million de poussins de plus que la demande exprimée par les éleveurs au 2e semestre 2010
L’inquiétude est d’autant plus grande parce que les investissements cumulés de mise à niveau devraient atteindre 11 milliards de DH à l’horizon 2013 contre 9,4 milliards déjà réalisés en 2010, d’après les estimations de la Fisa. Il se posera très certainement le problème de la rentabilité.
Reste à savoir comment un secteur qui a opéré un assainissement salutaire après l’entrée en vigueur de la loi 49-99 relative à la protection sanitaire des élevages avicoles, au contrôle de la production et la commercialisation des produits avicoles, et dont le nombre d’opérateurs a baissé, réussit-il à augmenter sa production en si peu de temps ?
Les chiffres de la Fisa montrent que l’objectif fixé dans le contrat programme 2009-2013 (450 000 tonnes en 2013 contre 320 000 en 2006) est largement dépassé puisqu’en 2010 la production du poulet de chair s’est établie à 510 000 tonnes. Si la consommation n’avait pas augmenté, la crise aurait certainement été plus douloureuse. En 2010, le Marocain a en effet consommé 17,2 kg par an, soit 5,1 de plus qu’en 2006 où la consommation n’était que de 12,1, et 2,5 de plus par rapport aux objectifs fixés pour 2013.
Les professionnels parlent de déséquilibres profonds, et redoutent qu’ils soient durables. En effet, au lieu des 6 millions de poussins équivalant à la demande du deuxième semestre de 2010, un million supplémentaire a été introduit dans le marché alors qu’à quelque étage que l’on se situe dans le processus de production, l’escalade des produits agricoles au niveau des marchés internationaux n’a pas encore fini de faire des dégâts. Des poussins, aussi, ont coûté cher en raison de la même flambée des matières premières.
Pour l’instant, il n’y a pas de faillite déclarée
Si les professionnels sont d’accord sur le fait qu’il faut commencer par des efforts de régulation du marché au niveau de l’ensemble des différents filières, ils sont unanimes à reconnaître qu’ils n’y sont pas parvenus, malgré les efforts de sensibilisation qu’ils ont essayé de faire au niveau des associations. C’est pour cette raison qu’ils en appellent aux pouvoirs publics pour l’application de la loi 49-99 en ce qui concerne la protection sanitaire mais aussi au niveau de la commercialisation des produits avicoles. Ils préconisent aussi un contrôle des livraisons effectuées par certains accouveurs. Ils veulent aussi qu’outre l’organisation de circuits de commercialisation, que soit scrupuleusement appliquée la note relative à l’approvisionnement de la restauration collective via les abattoirs agréés.
Parmi les mesures demandées par l’APV et la Fisa, un mécanisme de régulation des prix des matières premières, surtout, insistent-ils, que le maïs importé par le secteur «a contribué longtemps au financement du fonds de développement agricole», grâce aux taxes qu’il génère. Pour le moment, aucune faillite n’a été enregistrée par les associations représentant les professionnels. Le secteur compte 233 fermes spécialisées dans la production d’œufs, 421 dans la dinde et 6 030 dans le poulet de chair.