Les pharmaciens veulent des honoraires comme les médecins

Ils réclament des mesures pour limiter l’impact de la baisse des prix sur leur chiffre d’affaires. Menace de grève si le ministère ne répond pas d’ici le 25 mai.

Les pharmaciens d’officine menacent de nouveau de faire grève. Motif : pousser le ministère de la santé à se prononcer sur les doléances qui lui ont été soumises en avril dernier. «Nous allons temporiser jusqu’après notre Congrès national qui aura lieu les 24 et 25 mai. Et si d’ici là le ministère ne réagit pas, nous allons engager notre mouvement de contestation», promet Belhaj Soulami, président de la Fédération nationale des pharmaciens (FNP). Que réclament au juste les pharmaciens ?
D’abord, bien qu’ils reconnaissent que la baisse des prix est nécessaire pour certains médicaments, ils estiment qu’une telle baisse exige un minimum de mesures d’accompagnement pour éviter, disent-ils, l’aggravation de la crise dont souffre la profession depuis plusieurs années. C’est dans ce sens, d’ailleurs, que la FNP avait soumis des propositions au ministère de la santé. Les plus importantes d’entre elles portent notamment sur la mise en place d’un abattement fiscal afin de permettre une meilleure gestion des stocks, la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée (7%) qui alourdit la facture du patient, la suppression de la marge dégressive lissée et la mise en place d’un système d’honoraires pour les pharmaciens.
Concernant ce dernier point, qui constitue une revendication majeure, la fédération estime que le Maroc doit s’aligner sur les modèles de certains pays étrangers et notamment le Canada et la Belgique. Ces deux pays, expliquent les responsables de la fédération, ont opté pour un système de rémunération basé sur la boîte du médicament vendu sans tenir compte du niveau de prix. Ainsi, au Canada, le pharmacien perçoit 5 dollars sur l’ordonnance et 4,11 euros en Belgique (voir encadré). Un tel système se justifie-t-il au Maroc ? Beaucoup d’observateurs estiment, en tout cas, qu’à l’exception des nouvelles installations ou des officines dans les petits patelins, les pharmaciens marocains disposent globalement de revenus plus que confortables même s’ils parlent de crise depuis des années. Il est encore plus difficile d’admettre le chiffre avancé par la fédération qui estime le revenu mensuel moyen d’un pharmacien à 6 266 DH seulement !

La baisse du prix des médicaments engendre un recul de 20% du CA

Toujours est-il que la fédération souligne que «sur les 10  000 officines que compte le secteur, 3 000 sont en faillite et le chiffre d’affaires moyen d’une pharmacie est passé de 1,2 million à 800 000 dirhams». Elle redoute donc une aggravation de cette régression du chiffre d’affaires suite à la baisse des prix décidée par le ministère de la santé. Aujourd’hui, indique le président de la fédération, environ 300 médicaments ont vu leurs prix baisser. C’est la raison pour laquelle les professionnels revendiquent de surseoir au principe de «la marge dégressive lissée» que le ministère prévoit d’instaurer. En effet, le nouveau système de fixation de prix, à l’étude, préconise une marge de 30% pour les médicaments dont le prix varie de 60 à 500 DH. Et pour les produits coûtant plus de 500 DH, la marge serait fixée à 5%.
Au-delà de ces mesures économiques, la fédération ne manque pas d’interpeller le ministère de la santé quant à la nécessité d’accorder le droit de substitution aux pharmaciens et de sauvegarder le circuit de distribution du médicament. Autrement dit, contrôler la vente des médicaments, et une fois encore tout est lié à la rentabilité des officines, qui doit se faire exclusivement dans les pharmacies. Car, aujourd’hui, plusieurs types de médicaments, et notamment les produits très chers et les médicaments vétérinaires, échappent totalement aux officines. «Ce qui se traduit inévitablement par un manque à gagner non négligeable», précise la fédération. Il faut rappeler, à ce sujet, que le ministère de la santé s’était engagé à remettre tous ces produits dans le circuit pharmaceutique, et, en contrepartie, les pharmaciens devraient faire quelques concessions quant au réaménagement des marges. Se mettront-ils d’accord sur ce point ? Affaire à suivre…