Les investissements étrangers n’arrivent pas à décoller

En dehors des opérations exceptionnelles, la courbe des IDE reste plate.
L’Etat tarde à définir une politique cohérente permettant
d’améliorer l’attractivité du pays.
La fiscalité et le foncier sont toujours des freins.
Mitigé ! C’est l’appréciation que l’on peut formuler à propos de l’évolution des investissements directs étrangers durant ces dernières années, et 2005 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. D’un côté, on a assisté à des opérations remarquables, qui ont placé le Maroc au devant de la scène, de l’autre, il semble qu’en dehors de ces opérations (2e licence GSM, Régie des tabacs, privatisation d’IAM, etc.), l’investissement, si l’on peut dire normal, reste tout à fait timide, comme en témoignent les statistiques de l’Office des changes. Ainsi, en tenant compte également des prêts privés, le Maroc a enregistré 5, 4 milliards de DH en 1998, 18, 46 milliards en 1999, repli à 12,6 milliards en 2000, puis un pic de 33,26 milliards en 2001. En 2002, retour à la «normale » avec un montant de 6,8 milliards de DH, puis de nouveau 23,9 milliards en 2003 et 15,1 milliards en 2004.
L’explication de cette tendance erratique est à chercher dans la capacité d’attractivité du pays par rapport à ses concurrents de la région euro-méditerranéenne, et, depuis quelques années, les pays de l’Europe de l’Est, estime un analyste de l’investissement. Et ce ne sont pas les chiffres officiels qui vont le démentir. En 2004, les plus gros projets d’investissement réalisés émanent de groupes nationaux : le groupe Chaâbi dans le tourisme, avec différents projets totalisant 1,68 milliard de DH, et la Cosumar, pour 800 MDH.
D’une manière générale, un nombre important de projets d’investissement domestiques, étrangers, ou mixtes sont adossés au Fonds Hassan II ou bénéficient des avantages conférés par la charte d’investissement. La tendance se poursuit en 2005. Les 20 projets d’investissements, d’un montant de 11,24 milliards de DH, recensés par la DIE (direction des Investissements), en dehors des avenants à des projets en cours de réalisation, sont régis par des conventions obligeant souvent le gouvernement à intervenir en accordant des avantages supplémentaires aux promoteurs pour éviter qu’ils ne se dirigent vers d’autres pays. La concurrence est effectivement rude dans ce domaine, et il est acquis aujourd’hui que le cadre juridique mis en place, il y a presque 10 ans, est largement dépassé.
Une réflexion est engagée depuis maintenant plus d’un an au niveau de plusieurs ministères pour définir un nouveau cadre juridique apte à augmenter l’attractivité du Maroc. Espérons qu’il en sorte des décisions pertinentes.
En effet, jusqu’à présent, les décideurs semblent tourner en rond. Pour preuve, le projet de regrouper tous les organes de promotion au sein d’un organisme unique (ONIX), comme c’est le cas dans la plupart des pays, a été bel et bien sacrifié faute de consensus entre les directions des différents organes. A croire qu’il n’y a personne, au niveau du gouvernement, pour trancher, même quand il s’agit d’une question aussi sensible que celle de l’investissement.
Il faut une veille au niveau international en matière d’investissements
Or, en matière d’attrait, la fiscalité et le foncier restent les principaux freins et risquent de rendre vains les efforts accomplis, entre autres, en matière de procédures administratives liées à l’investissement et de justice économique, et de nuire à terme à l’économie. La charte de l’investissement de 1996 préconisait noir sur blanc une réduction du taux de l’IGR (Impôt général sur le revenu) de 44 % à 41 %, à l’horizon 2007. Or, depuis, chaque année, cette question revient sur le tapis et se heurte au veto du ministère des Finances, avec toujours le même argument, en l’occurrence le manque à gagner qu’occasionnerait cette baisse. Un tel raisonnement est jugé simpliste par beaucoup d’économistes qui estiment que la baisse des recettes, suite à de telles décisions, est limitée au court terme, pourvu qu’elle s’inscrive dans une réforme globale et cohérente de la fiscalité.
Pour plus de clarté, les encouragements fiscaux pour l’investissement doivent quitter la sphère des exonérations et des dérogations pour s’inscrire dans un nouveau système de droit commun applicable à tous. Mais ceci nécessite sans doute une révolution dans notre système. A preuve, il a fallu que le gouvernement intervienne auprès de Maroc Telecom, il y a quelques mois, pour qu’il baisse ses tarifs de sorte à retenir des call centers qui menaçaient d’aller s’installer en Tunisie ou à l’Ile Maurice.
Le Maroc jouit, certes, d’une certaine confiance auprès des investisseurs, comme en témoignent certains investissements dans des domaines sensibles comme l’aéronautique qui trouvent ici des cadres et des techniciens qualifiés. Mais, cela n’est plus suffisant et il faut désormais une veille au niveau international et, surtout, être en mesure de faire des offres concurrentielles.