Les états généraux du tourisme reportés à cause de divergences sur la Vision 2020

Pour des professionnels, la fédération devait soulever les bonnes questions avant l’élaboration de la nouvelle stratégie et pas après. Le Conseil régional du tourisme d’Agadir s’oppose à la création d’agences de développement touristique.
La Vision 2020 pour le tourisme vient de connaître son premier couac avec le report à une date ultérieure des états généraux de la Fédération nationale du tourisme (FNT) qui devaient se tenir les 9 et 10 février à Marrakech. La raison : les Conseils régionaux du tourisme de Marrakech et d’Agadir, les deux principales destinations du pays, ont refusé d’y participer. Mais pour mieux comprendre les raisons de ce report, il est nécessaire de revenir aux objectifs que se fixaient ces états généraux, tels que décrits dans la note de cadrage adressée par la FNT aux professionnels à la veille de la tenue de cette manifestation avortée.
Cette note précise que les objectifs consistent à «consolider le processus d’appropriation par les professionnels de la Vision 2020, à donner un sens commun et un contenu concret aux modalités de mise en œuvre de cette vision et à faire du secteur privé un acteur actif et engagé de la Vision 2020». Le résultat escompté est de faire participer activement les professionnels à la mise en œuvre de cette vision, «tant au niveau des régions que sur le plan de la gouvernance», deux thèmes qui devaient faire l’objet de deux ateliers avec, à la sortie, des réponses et des recommandations.
A vrai dire, toutes les questions qui devaient être posées dans ces ateliers, et qui restent d’actualité, sont de bonnes questions et relayent les critiques émises par beaucoup d’opérateurs depuis la signature du contrat programme le 30 novembre dernier à Marrakech. Sauf que, estiment certains professionnels, elles auraient dû être posées au moment de l’élaboration de la vision, pas après. Qu’on en juge : parmi les interrogations sur le pilotage et les règles de jeu d’une manière générale, la FNT s’interroge sur la représentativité des professionnels du tourisme dans les nouvelles instances de pilotage prévues. Le pilotage se fera au niveau national certes, «mais l’implémentation sera-t-elle confiée aux instances territoriales ?», s’interrogent certains. Sinon, comment s’articulera le système de prise de décision entre le niveau central et territorial ? Ou en d’autres termes, «quel sera le degré d’autonomie des instances régionales ?».
Incertitudes sur la gouvernance au niveau des régions
Autres questions que se posent les professionnels : le secrétariat du Conseil national du tourisme (CNT) sera assuré par le ministère du tourisme, mais «qui en assurera la présidence ?», sachant que, selon le contrat programme 2020, le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et 5 membres du secteur privé choisis par lui, y siègeront. «Mais lesquels ?», se demande la FNT.
Sur le volet régional, la FNT se pose autant de questions, notamment, sur les rédacteurs des feuilles de route régionales (futurs contrats programmes), les signataires des contrats au nom du secteur privé, les statuts des agences de développement touristique (ADT) qui remplaceront les Conseils régionaux du tourisme (CRT) dont certains craignent déjà qu’elles ne deviennent de «super délégations» du ministère. Qu’en sera-t-il de leur autonomie financière et de leurs rapports avec les autres acteurs ? Qui s’occupera du marketing au niveau des régions ?
Dans l’attente de la mise en place de ces ADT, le contrat programme prévoit que le ministère du tourisme, les wilayas, les provinces et les CRT se chargeront de l’élaboration et de l’exécution des feuilles de routes régionales.
La FNT accusée d’avoir laissé le champ libre à la CGEM
Selon de nombreux observateurs, si la FNT, qui invoque des raisons de calendrier pour expliquer le report des états généraux, se pose autant de questions, c’est qu’elle est passée à côté de l’essentiel, faute de n’avoir pas fédéré les professionnels autour d’elle au moment de la conception de la Vision 2020. Elle a par contre laissé le champ libre à la CGEM.
«Pour une fédération qui s’est externalisée de la Confédération patronale, c’est le comble», dénonce un professionnel. Il ajoute que «la FNT, qui ne dispose ni des moyens humains ni des moyens financiers suffisants et qui n’a pas su réunir autour d’elle toutes les compétences qui existent dans le secteur, n’avait pas d’autres choix que d’aller s’abriter sous le parapluie de la CGEM». Allusion faite au refus de la fédération d’accepter en son sein les aménageurs développeurs, ce qui a débouché sur la création de l’Association nationale des investisseurs touristiques (Anit), et à des divisions dans la profession.
Tenir des états généraux dans ces conditions pour rectifier le tir ou du moins essayer d’y parvenir était donc voué à l’échec, car tout en restant plus ou moins discrets, certains professionnels attendaient au tournant le président de la FNT que nous n’avons pas pu faire réagir puisqu’il était en voyage au moment où nous mettions sous presse.
Les opérateurs d’Agadir, pour leur part, estiment que les CRT ne devraient pas laisser place aux agences, et c’est normal, car le CRT de cette région est le seul qui fonctionne sans grands tiraillements dans la mesure où les trois collèges travaillent en bonne intelligence. Ceux de Marrakech ne veulent pas que leur ville fasse les frais du rééquilibrage prévu par la Vision 2020 entre les régions en matière d’investissements touristiques. Et tout cela pèse lourd quand il s’agit des deux premières destinations touristiques du pays.