Les crédits du Fonds d’équipement communal désormais soumis à la TVA, les communes en colère

En 2007 déjà , la loi imposait au fonds d’appliquer la TVA sur les intérêts de ses prêts mais les communes étaient exonérées de TVA. Le 1er janvier 2010, l’exonération n’est plus de mise.
Les élus ont demandé une formule pour pouvoir récupérer la TVA payée. Les Finances refusent.
C’est classique : chaque année l’entrée en vigueur de la Loi de finances apporte son lot de mécontents. Et les présidents des collectivités locales en font partie pour l’exercice budgétaire qui vient de commencer. C’est que, désormais, les crédits qu’ils contracteront auprès du Fonds d’équipement communal (FEC) seront soumis à la TVA au taux de 10%.
Les prêts octroyés aux communes sont, ainsi, traités de la même manière que les crédits accordés par les banques à leurs clients. Fini cet avantage dont bénéficiaient les collectivités locales depuis plusieurs années. Et cela ne semble pas du goût des élus qui redoutent ainsi des répercussions néfastes sur les budgets de leurs institutions. «Au moment où nous cherchons les moyens de renforcer nos trésoreries, cette mesure va, à l’inverse, alourdir nos charges», se plaint un président de commune et conseiller parlementaire. D’ailleurs, le sujet a fait l’objet d’un long débat, lors de la discussion du projet de Loi de finances 2010, au sein de la Chambre des conseillers où siègent un nombre important d’élus locaux.
Le FEC, une banque comme les autres
Leur frustration est d’autant plus grande que les collectivités locales n’ont pas la possibilité de récupérer le produit de cette TVA. A défaut de surseoir à la mesure, «nous demanderons au ministre de l’économie et des finances de trouver une formule susceptible de nous permettre de récupérer la TVA», souligne un conseiller de l’opposition. Mais Salaheddine Mezouar a déjà donné sa réponse et elle est négative. Pour les responsables du ministère, il n’y a aucun moyen de répercuter cette TVA sur une autre partie. «Il ne faut pas oublier que 30% des revenus de cette taxe vont aux collectivités locales, soit près de 15 milliards de DH en 2009 ; ce qui veut dire que si ces recettes augmentent, les communes en profiteront aussi», réplique un cadre du département des finances.
Il faut dire que l’exonération de la TVA sur les crédits contractés par les collectivités locales devait être supprimée bien avant 2010. «En principe, le recours à cette disposition était prévu en 2007», rappelle le même responsable. Car, cette année-là, le gouvernement avait pris la même décision à l’égard du FEC, le seul organisme habilité à octroyer des crédits aux collectivités locales. Comme plusieurs organismes financiers de l’Etat, le FEC jouissait depuis 1986 de l’exonération de la TVA sur ses opérations de crédit aussi bien à l’emprunt qu’à l’endettement. Mais après la promulgation de la loi bancaire en 1993, tous les établissements à vocation bancaire devaient subir le même traitement fiscal.
C’est donc dans le souci d’uniformiser le traitement fiscal des opérations bancaires et d’assurer une concurrence loyale avec le secteur privé que les pouvoirs publics ont aligné, progressivement, le CIH, la Caisse nationale de crédit agricole (actuellement le Crédit agricole du Maroc) et les Banques populaires sur les autres organismes bancaires. Mais pas le FEC qui faisait l’exception et ce malgré l’élargissement de ses prérogatives en 1996 lorsque le gouvernement avait mis en place une loi dotant le fonds d’un statut d’établissement de crédit au même titre que les institutions bancaires.
Ce n’est qu’en 2007 que le texte de loi (Loi de finances) contraignant le FEC à soumettre ses opérations de crédit à la TVA au taux de 10% a été promulgué. Mais encore une fois, cette disposition ne pouvait être appliquée, à défaut d’un texte de loi stipulant l’abrogation de l’exonération de la TVA au profit des crédits contractés par les collectivités locales auprès du FEC. C’est désormais chose faite depuis le 1er janvier 2010.
La mesure concerne-t-elle uniquement les nouveaux prêts ?
Les transactions liant les deux parties seront régies, sur le plan fiscal, de la même manière que les crédits bancaires classiques. Tout à fait normal, puisque le FEC applique le même principe et le même traitement commercial dans ses interventions. Avec, toutefois, une différence au niveau des taux d’intérêt. La preuve: pour un crédit de 5 MDH sur dix ans par exemple, la commune est appelée à payer une annuité d’un montant de 720136 DH, soit un taux théorique de 9%. Cela permet au FEC de dégager une marge sur intérêts de 2,2 MDH sur dix ans. Le montant total des intérêts sur les crédits qu’il a perçus en 2009 dépasse les 660 MDH.
En 2009, cet organisme financier a octroyé aux collectivités locales des crédits d’un montant total d’un peu plus de 1,75 milliard de DH. Il a récupéré, auprès de cette clientèle, un montant de 1,55 milliard de DH au titre d’encours de la dette pour la même année. A fin juin dernier, il comptait 8,44 milliards de DH de créances qu’il devait à sa clientèle composée principalement des collectivités locales. Ses dettes cumulées, contractées essentiellement auprès des établissements de crédit et assimilés, totalisent 4,1 milliards de DH.
S’il est sûr que l’application de la TVA ne risque d’avoir aucune incidence sur la santé financière du FEC, la TVA étant par définition une taxe neutre, l’enjeu pour les collectivités locales, en revanche, peut être de taille puisque le surcoût serait certainement très lourd au titre de la TVA qu’elles ne pourront pas, de surcroît, récupérer. Il reste à savoir maintenant si la mesure sera appliquée uniquement aux nouveaux contrats ou également aux contrats en cours.