Les clés de la réussite d’une PME qui s’est fait un nom dans le caoutchouc

Sodevic, entreprise de transformation d’élastomères, a quintuplé
son chiffre d’affaires en quatre ans d’activité.
Les qualités et l’expérience de l’initiateur ont prévalu
sur les moyens financiers.
Délégation, formation, recherche et développement ont permis
à l’affaire de progresser.
Il n’y a pas que des PME en difficulté ou en déliquescence, comme le laissent supposer les plaintes de bon nombre de patrons. Il y aussi celles qui réussissent. Parmi elles, La Vie éco en a choisi une, au hasard, pour tenter de comprendre les clés de son succès.
Sodevic, c’est d’elle qu’il s’agit, est une entreprise de transformation des élastomères (dérivés du caoutchouc) et sa clientèle se recrute aussi bien parmi les fabricants de chaussures ou de sanitaires que les constructeurs automobiles. Elle livre aux uns des semelles, et aux autres, joints et fournitures qui constituent la matière première de leurs produits finis. Son installation est toute récente. L’activité a démarré au cours des trois derniers mois de 1998. Mais dès l’exercice suivant, elle réalise un chiffre d’affaires de 5 MDH, qui grimpe à 24 MDH en 2004. Sur la même période, l’effectif passe de 2 à 25employés.
Elle passe de deux employés, en 1999, à 25 aujourd’hui
Mais pour comprendre une entreprise, il faut reconstituer une partie de l’histoire de son créateur. Mohamed Yahia Zniber a commencé sa vie professionnelle à la SNEP (Société nationale d’électrolyse et de pétrochimie), à Mohammedia. Ingénieur chimiste, il avait terminé ses études en 1982, à Lille, où il avait décroché également un troisième cycle en physique du solide. Il commence sa carrière dans la production et devient, au bout de quelques années, directeur commercial. Après une douzaine d’années, il est approché par une multinationale et pressenti pour le poste de DG de son antenne au Maroc. Après plusieurs péripéties, l’expérience tourne mal. Il se retrouve au chômage. Nous sommes en 1996.
Pour un cadre de ce niveau, trouver un emploi qui colle à ses qualifications et à son âge est très difficile. M. Zniber vend sa maison et achète un terrain au complexe industriel et commercial Ezzahra, dans le quartier de l’Oulja, à Salé. Il y investit 600 000 DH, avant même de savoir ce qu’il va en faire. Plusieurs mois après, il entre en contact avec le groupe italien Valero Franschetti Elastomeri qui était alors en train de prospecter le marché marocain. Les choses ne vont pas traîner et les Italiens acceptent une association 50/50. Les locaux sont construits sur le terrain, propriété de Yahia Zniber, pour un montant de 1,2 MDH, tandis que les premiers équipements sont acquis pour 2,5 MDH. Les choses vont vite et bien puisque l’investissement cumulé est de l’ordre de 10 MDH entre 1998 et 2004. Pour 2005, l’entreprise compte ajouter 5 MDH pour compléter ses deux lignes de production.
Comment a été vécu le démarrage ? Yahya Zniber raconte : «Il n’y avait que moi et une secrétaire et je m’occupais de tout, même de faire la queue pour payer les redevances téléphoniques ou les charges d’électricité. Je me souviens de cette époque où je m’acquittais de toutes sortes de servitudes et où je n’avais pas suffisamment de temps à consacrer à la stratégie. Cependant, j’ai vite compris qu’il fallait que je structure de manière performante mon entité».
Effectivement, dès que quelques clients lui ont assuré un rythme de croisière, M. Zniber va recruter des personnes qualifiées pour prendre en charge, qui les finances, qui le contrôle qualité, la maintenance et la logistique… Aujourd’hui, il garde néanmoins la direction commerciale et, bien entendu, la stratégie et il passe une dizaine d’heures à son bureau, où il traite les affaires de tous les jours.
La recherche et développement, une priorité
Quand on l’interroge sur le secret de son succès, Yahia Zniber souligne qu’il y a d’abord le fait qu’il n’est pas sorti du domaine de son expertise. «Ensuite, poursuit-t-il, j’avais une expérience administrative et commerciale qui m’a beaucoup servi sans compter que je comprenais le langage de mon banquier qui, d’ailleurs, m’a suivi sans trop de réticence. Cela dit, pour réussir, il faut investir dans trois domaines importants : la formation du personnel, l’exploration du marché pour définir les créneaux où il faut se placer et, enfin, la recherche et développement». Et concernant cette dernière question, Yahya Zniber regrette que son banquier le serve si mal. Voilà ce qu’il en dit : «On ne veut pas croire au Maroc que la recherche est un tremplin pour l’entreprise, et, quand je demande à y investir, on me demande les mêmes garanties et on m’oppose les mêmes arguments que pour un équipement productif». Sur cette question, il est vrai que la demande des entrepreneurs bute sur la difficulté de mobiliser les ressources et les 10% du bénéfice net, dont le fisc autorise la déductibilité, sont insuffisants.
L’autre obsession de M. Zniber aujourd’hui, en dehors de la gymnastique de l’équilibre des comptes, est de voir une partie de son personnel qualifié se faire débaucher par des entreprises qui lui offriraient des carrières et des salaires plus motivants. Mais alors, pourquoi ne pas prendre les devants et les payer de sorte de s’assurer leur fidélité ? Réponse de l’entrepreneur : «Je ne demande pas mieux mais, au jour d’aujourd’hui, je n’en ai pas encore les moyens !». Cela ne l’empêche cependant pas d’entrevoir l’avenir avec sérénité .