Les chauffe-eau à gaz causent 60 décès chaque année

Avec les produits d’origine asiatique, le marché est passé de 40 000 à 120 000 unités.
Les décès sont pour l’essentiel causés par la défectuosité de
l’installation et le manque d’aération.
Les pouvoirs publics sont décidés à combattre le phénomène des accidents mortels dus aux chauffe-eau à gaz. Après la décision de l’étiquetage obligatoire des appareils pour les procédures d’installation (cf. lavieeco.com), c’était, mardi 23 mai, une visite sur le terrain qui était programmé. Salaheddine Mezzouar, ministre du Commerce et de l’Industrie dans les locaux de Labométal, entreprise privée à capitaux publics, agréée pour contrôler les appareils de ce type.
Il faut dire que le gaz tue en cascade au Maroc. Depuis l’hiver dernier et jusqu’au 20 mai, ce sont 64 personnes qui ont perdu la vie suite à l’inhalation du monoxyde de carbone dégagé par des chauffe-eau à gaz. Chaque année, on enregistre, en moyenne, une soixantaine de décès dus à l’inhalation de gaz, selon le département de toxicologie de l’Institut national d’hygiène. On le voit bien, l’augmentation du phénomène est sensible et l’on ne sait pas ce que nous réserve la fin novembre et décembre prochains.
Pour l’heure, une question s’impose : comment en est-on arrivé là ? Abdesselam Benayaà¯ch, chef de la division des laboratoires à la direction de la Normalisation au MCI (ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie), s’explique : «Suite aux premiers accidents qui se sont déclarés durant les trois premiers mois de l’année en cours, nos services de contrôle ont procédé à 31 prélèvements, sur des chauffe-eau à gaz importés. Très vite, la non-conformité d’une marque a été constatée et celle-ci a été interdite sur le marché national. Aujourd’hui nous en sommes à 87 prélèvements et les produits incriminés ont été interdits et des poursuites engagées contre leurs vendeurs».
Les couches moyennes payent un lourd tribut au gaz
Cependant, souligne ce responsable, le département est convaincu que les décès constatés ne sont pas dus à une défectuosité du matériel mais à des problèmes liés essentiellement à l’installation et à l’absence ou au manque d’aération des espaces o๠ce matériel a été placé. Ce qui, ajoute Abdesselam Benyaà¯ch, explique la majorité des accidents survenus dans le pays.
Armel Driss, professionnel du secteur, tout comme la majorité des opérateurs, associés à la démarche actuelle du MCI, souscrit à cette thèse qui tient compte également d’un autre paramètre : la nouvelle configuration du marché. En effet, il se vendait au Maroc autour de 40 000 chauffe-eau à gaz jusqu à ce qu’on assiste, durant les derniers mois, à l’arrivée massive du matériel asiatique. Compris entre 1 500 et 2 500 DH, le prix d’un chauffe-eau d’une capacité de 5 à 10 litres/min est tombé à 400 DH. Ce qui fait qu’aujourd’hui, pas moins de 120 000 unités sont vendues. Ce produit s’est démocratisé, mais chez les consommateurs appartenant à une couche sociale au pouvoir d’achat réduit, l’installation se fait de manière approximative, dans des espaces trop réduits et non aérés vu la taille des habitations, alors que, selon la norme marocaine, un chauffe-eau à gaz correctement installé nécessite un espace de 8 m3 pour ne pas présenter de danger.
C’est ce qui explique qu’aujourd’hui on ait pris la décision d’obliger les vendeurs de cet équipement à introduire des conseils détaillés dans le kit d’installation. Le MCI prépare aussi une campagne de sensibilisation sur les dangers et les précautions d’installation et d’utilisation.
Ces mesures, qui interviennent dans l’urgence, ne nous feront pas l’économie d’une réflexion sur les dangers que représentent les chauffe-eau à gaz. Il importe d’élaborer une réelle stratégie pour réduire le nombre de morts accidentelles et même éradiquer le phénomène. 60 décès par an, ce n’est pas une fatalité.