Les banques nettement plus prudentes sur l’immobilier

Les crédits à  l’économie continuent de croître à  un rythme moins soutenu que par le passé.
Nette décélération pour les crédits à  la promotion immobilière. Leur encours à  fin septembre a baissé de 4% par rapport à  fin juin.
Les banques continuent de financer normalement les autres secteurs.

Les crédits à l’économie continuent de progresser, mais le rythme de cette progression connaît un ralentissement depuis fin 2008. D’un montant de 645,1 milliards de DH à fin septembre 2010, ils ont augmenté de 11,2% par rapport au même mois de 2009, de 8% par rapport à décembre 2009 et baissé de 0,14% par rapport à juillet 2010.
Cette tendance à la modération dans la distribution du crédit se poursuivra-t-elle sur les trois derniers mois de l’exercice ? Probablement, si l’on tient compte du fait que, d’une part, il existe une volonté des autorités monétaires de faire correspondre l’évolution du crédit à celle de l’économie nationale, et que, d’autre part, la crise internationale a produit des effets sur certains segments de l’activité, notamment sur l’immobilier haut de gamme, qui sont encore très perceptibles.
Lors de la quatrième réunion du Conseil national du crédit et de l’épargne le 6 juillet dernier, le gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, constatant un repli dans la hausse du crédit à 13,6% à fin mai 2010 contre 19,1% et
28,6% le même mois respectivement en 2009 et 2008, expliquait que ce repli «(…) traduit le retour vers un niveau en cohérence avec les fondamentaux de l’économie».
Et, en effet, ces dernières années, le crédit semblait s’inscrire dans une dynamique…assez déconnectée de la réalité économique. Même en période de crise, l’activité du crédit est restée vigoureuse, alors que dans plusieurs pays elle a connu des perturbations, sinon même des interruptions.
Ainsi, après avoir augmenté de 29% en 2007, les crédits bancaires au Maroc se sont inscrits en hausse de
25% en 2008 pour atteindre 537,8 milliards de dirhams. En 2009, ils ont crû à un rythme nettement inférieur: +11,2% à 597,9 milliards de DH, selon les statistiques monétaires de Bank Al-Maghrib. Il y a donc un tassement, mais, malgré tout, cet encours représente 81,2% du PIB, soit un niveau très largement supérieur à celui affiché par les pays de la région MENA qui s’établit en moyenne à 60%. Autre chiffre qui indique l’importance des crédits bancaires : la part de ceux-ci dans le financement de l’économie est passée de 53,8% en 1980 à 60% en 1990 avant de dépasser 90% ces dernières années. Cela explique, soit dit en passant, la très faible contribution de la Bourse à ce financement.

Crédits aux promoteurs immobiliers : – 0,8% entre décembre 2009 et septembre 2010

En fait, le ralentissement concerne surtout le secteur immobilier et, à l’intérieur, le segment haut de gamme. «Il y a en effet un recul dans la distribution des crédits immobiliers mais à l’endroit des promoteurs, notamment dans les villes qui vivent une crise de la demande, comme Marrakech où il y a une mévente sur les segments des résidences secondaires et de haut standing en général», confie Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération de l’immobilier. M. Ibn Mansour explique par ailleurs que, au-delà des effets de la baisse de la demande, il y a aussi la volonté des autorités monétaires de réfréner quelque peu la croissance des crédits immobiliers : baisser la part des crédits aux promoteurs dans l’encours des crédits immobiliers et, plus globalement, celle des crédits immobiliers dans le total des crédits.
Le directeur général délégué de la BMCE, M’fadel El Halaissi, tout en excluant tout resserrement ou toute restriction du crédit pour le logement social ou même pour le moyen standing, admet que face à la baisse de la demande, consécutive à la crise économique, les banques sont aujourd’hui plus sélectives sur les projets haut de gamme et résidences touristiques. «Et puis, lâche M. El Halaissi, les banques ne peuvent pas financer indéfiniment et de façon aussi accrue qu’elles l’ont fait ces dernières années, un seul secteur». Sans doute, le directeur général délégué de la BMCE faisait-il allusion aux règles prudentielles qui obligent les banques à ne pas mettre toutes leurs billes dans un même secteur ou un même opérateur. Rachid Agoumi de la Banque populaire est du même avis : «Un banquier analyse l’environnement dans lequel évolue une activité avant de distribuer des crédits. Quand les banques constatent, comme aujourd’hui, les stocks d’invendus que connaît une ville comme Marrakech, il est bien normal qu’elles fassent attention».
Mais comme dans tous les autres secteurs, les projets viables sont financés.
Auprès d’Attijariwafa bank, on fait le même constat. L’immobilier, et plus précisément le haut standing, est approché avec davantage de vigilance.
Malgré la décélération de la croissance des crédits immobiliers, leurs encours à fin septembre 2010 (soit 184,3 milliards de DH) représente 28,6% du total crédits. En 2009, cette proportion était de 30,5%, contre 29,4% en 2008 et 27,6% en 2007 (cf. rapport annuel de Bank Al- Maghrib). Toutefois, lorsqu’on décompose cet encours par segment, on constate que les crédits aux promoteurs immobiliers sont carrément en baisse : d’un montant de 62,7 milliards de DH à fin septembre 2010, ils accusent une baisse de 0,8% par rapport à décembre 2009 et de 4 % par rapport à juin. Nous sommes donc loin des croissances qui pouvaient atteindre jusqu’à…58,5 %, comme ce fut le cas en 2008.
Les crédits aux acquéreurs, en revanche, restent en augmentation : d’un montant de 120,7 milliards de DH à fin septembre, ils ont crû de
10 % par rapport à décembre 2009 et de 3 % par rapport à juin 2010. Mais là encore, si le crédit pour les particuliers demeure en croissance, son rythme ralentit  nettement : + 12,3 % en 2009, + 15 % en 2008 et + 27,8 % en 2007.
Mais que dire alors des crédits de trésorerie, en baisse de près de 3 % en 2009 par rapport à 2008 et même ordre entre juillet et septembre 2010 ? C’est la même logique de vigilance à l’œuvre dans l’immobilier que l’on retrouve à propos des crédits de trésorerie. Il y a un contexte d’incertitude économique et les banques doivent en tenir compte.