Le flou persiste autour du Smig
Des inspecteurs du travail somment les entreprises de verser un Smig de 10,45 DH/h.
Le département de l’Emploi mène des concertations à ce sujet.
On voudrait s’en défaire – momentanément – qu’on ne le pourrait pas. Du Smig et de la réduction du temps de travail. Cette semaine, La Vie éco a même reçu le courrier d’un chef d’entreprise qui nous saisit pour, tenez-vous bien, une consultation sur le sujet. Il s’interroge et nous interroge sur le salaire à servir à son ouvrier et qui correspondrait le mieux aux textes en vigueur (Code du travail et décret sur l’augmentation du Smig). Un autre employeur, lui, a envoyé pour publication, dans notre rubrique «Courrier du lecteur», une missive dans laquelle il déclare que l’inspecteur du travail en visite chez lui est formel : il lui demande de servir un Smig à 10,54 DH/h !
Décidément, nombre d’employeurs ne savent plus à quel saint se vouer. Et comment le sauraient-ils, d’ailleurs, alors que même les inspecteurs du travail, dont c’est le métier de connaître la législation et de la faire appliquer, semblent eux aussi dépassés face à une inflation d’interprétations des textes qui, au premier abord, «se tiennent» les unes aussi bien que les autres. Des chefs d’entreprises déclarent, la main sur le cœur, que la question est simple, il suffit de s’en tenir aux textes qui, somme toute, sont relativement assez clairs. Le Smig est horaire, disent-ils, et il est fixé à 9,66 dirhams après qu’il a été augmenté de 10%. Avec la réduction de la durée légale du travail de 48 à 44 heures par semaine, le salaire hebdomadaire serait donc de 9,66 x 44 = 425,05 DH, soit 4 dirhams de plus qu’avant la réforme (8,78 DH x 48 h = 421,44 DH).
Quand on raisonne en mois ou en heure, le calcul diffère
Tout change quand on raisonne en mois. Avant, le salaire mensuel était de 8,78 DH x 208 h = 1 826,24 DH ; aujourd’hui, suivant l’interprétation de cet employeur, le salaire mensuel serait donc de 9,66 DH x 191 h = 1 845,06 DH. Cela fait une augmentation de 18,82 DH. Où sont les 10 % d’augmentation ? Mais qui parle de Smig mensuel ?, s’insurge notre employeur. Et puis, qui a dit que les «smigards» doivent bénéficier à la fois de la hausse du Smig et de la baisse du temps de travail qui correspondrait, si on l’acceptait, à une hausse de 10 % ?, se demande-t-il.
Le problème vient en fait de l’article 184 du Code du travail qui, traitant de la réduction du temps de travail, énonce que celle-ci ne doit entraîner aucune diminution du salaire, mais ne précise pas s’il s’agit du salaire mensuel, horaire ou hebdomadaire. Pour Driss Jettou, qui s’exprimait dans nos colonnes il y a quelques semaines, il est évident que «quand le code dit que la réduction du temps de travail ne doit pas s’accompagner d’une perte de revenu, il s’agit du revenu horaire». Ce n’est pas l’avis du syndicaliste UMT Abdellah Lefnatsa qui, pour commencer, estime que le premier ministre n’est pas habilité à interpréter le code, «seule la justice est qualifiée pour le faire». Ensuite, pour lui, il est clair que le code parle de salaire mensuel. Le salarié, dit-il, est payé sur une durée du travail qui est la quinzaine ou le mois. Et enfin, l’augmentation du Smig a été décidée lors de l’accord sur le dialogue social du 30 avril 2003 et si cette hausse avait été appliquée au moment convenu, c’est-à-dire avant l’avènement du nouveau Code du travail, il n’y aurait pas eu toute cette polémique. «Pourquoi faire coïncider l’entrée en vigueur de l’un avec l’autre si ce n’est pour créer cette confusion ?», s’interroge-t-il.
Le ministère de l’Emploi, en ce qui le concerne, tente de trouver une solution au problème. Selon une source proche du dossier, des concertations sont en cours pour trouver une formule «acceptable pour tous». Laquelle ? Sous toute réserve, on s’acheminerait vers la formule suivante : pour les nouveaux, le Smig serait de 9,66 DH x 191 h = 1 845,06 DH. Quant aux anciens, ceux d’avant le 8 juin 2004, le calcul à faire serait celui-ci : 9,22 DH x 48 h / 44 h = 10,05 x 191 h = 1 919,55 DH. Cela signifierait-il un abandon de la deuxième tranche d’augmentation du Smig pour les anciens ? Quel cafouillage !