Le CIH à  la recherche d’une sortie de crise

Pour l’exercice en cours, le déficit devrait atteindre 900 MDH n Le conseil d’administration s’est réuni jeudi 18 décembre pour étudier l’évolution des comptes de l’actuel exercice.

Aquelques jours de la fin de l’exercice, la situation se corse pour le CIH qui se dirige vers un résultat encore une fois plus alarmant que prévu. Le Conseil d’administration de la banque, qui s’est tenu jeudi 18 décembre, devait se pencher sur un état des lieux qui n’incite pas à l’optimisme. Ainsi, selon des sources bien informées à Rabat, les objectifs du plan de redressement pour la réussite duquel ont été mis en place une augmentation de capital (2 milliards de DH), un prêt bancaire à taux avantageux (3 milliards de DH, dont la moitié déjà consommée) et un prêt du Trésor (1 milliard de DH), ne seront pas atteints, du moins pour ce qui concerne 2003. Le déficit attendu pour cet exercice frôle la barre des 900 MDH (contre déjà 820 MDH à fin 2002 et un peu plus de 550 MDH prévus pour 2003 par le plan de redressement), les fonds propres se rétrécissent aussi rapidement qu’ils ont été reconstitués. Pis encore, l’écart par rapport audit plan ne se manifeste pas uniquement au niveau de la dernière ligne du compte des produits et charges, il commence déjà au niveau des produits d’exploitation bancaire en passant par le PNB qui, en totalisant probablement 570 MDH à la fin de l’exercice (321 MDH à fin juin), sera inférieur aux prévisions d’une centaine de millions de DH. Sauf miracle, les espoirs de sortir du tunnel en 2004 ou 2005 au lieu de 2007, dernière année du plan de redressement, semblent s’éloigner.

La dette compromise des ERAC dépasse un milliard de DH
En d’autres termes, ce n’est pas un effort inouï de provisionnement qui plombe, à lui tout seul, le résultat. L’établissement souffre en fait de plusieurs maux.
En premier lieu, la production de nouveaux crédits sains, notamment accordés aux particuliers, sur lesquels mise énormément la nouvelle stratégie du CIH, ne parvient pas à compenser la contraction des encours, due aux opérations de titrisation réalisées (1 milliard de DH en 2003 et 500 MDH en 2002) et, par ricochet, le repli significatif des produits d’exploitation.
En deuxième lieu, le rachat partiel de la dette onéreuse en 2002 est encore insuffisant. L’encours des emprunts obligataires, de l’ordre de 5,6 milliards de DH à fin juin 2003, représente toujours un fardeau pénalisant le CIH sur le segment du financement de l’immobilier aux particuliers, un de ses objectifs majeurs.
En troisième lieu, et en dépit des efforts organisationnels consentis (création d’une direction Recouvrement grandes branches et séparation entre l’assainissement de la banque et son développement) pour optimiser la politique de recouvrement, le volume est en deçà des attentes. Ainsi, l’objectif annuel de 500 MDH serait, selon une source bien informée, assez hypothéqué au vu des réalisations à ce jour. Bon nombre de gros débiteurs, notamment du secteur hôtelier, ont signé des protocoles d’accord très accommodants, mais ont par la suite renâclé pour passer à la caisse. Quant aux ERAC, leurs dettes compromises vis-à-vis du CIH dépasseraient toujours le milliard de DH malgré les promesses du gouvernement de les sommer d’honorer leurs obligations. Et pour ne rien arranger, une bonne partie du portefeuille compromis (environ 2 milliards de dirhams) est constituée d’affaires complexes.
Enfin, un autre volet de la politique d’assainissement, mise en place depuis deux ans, a indéniablement montré ses limites. Il s’agit de la conversion de la dette compromise en participations au capital des sociétés débitrices envers la banque. Cette option avait permis de réintégrer des provisions conséquentes. Mais au bout de deux ans, elle devrait coûter imparablement au CIH en 2003 quelques centaines de millions de dirhams en provisions pour dépréciation de titres de participations. L’incapacité des sociétés hôtelières concernées à renouer avec les bénéfices fait que la facture reste la même (voire plus salée), même si elle change de forme.

Le sauvetage devrait passer par une structure de défaisance
Seul point rose dans un tableau noir : certaines activités affichent des réalisations honorables. A fin juin 2003, les dépôts de la clientèle affichent une progression annuelle de 12,7 %, contre 6,3 % pour le système bancaire. La tendance pour la fin de l’exercice serait à l’avenant, nous dit-on de source fiable, et l’essentiel de cette embellie proviendrait des dépôts à vue, ce qui abaisse légèrement le coût global des ressources clientèle. Par ailleurs l’investissement intensif en parc de guichets automatiques simultanément aux ouvertures de nouvelles agences semble donner ses fruits avec une progression attendue à fin 2003 de l’ordre de 30 % des cartes émises auprès de sa clientèle, ce qui portera le stock à plus de 60000 unités. Mais ces quelques lueurs émanant de l’activité de banque de détail, particulièrement des particuliers, sont étouffées et noyées par les difficultés déjà signalées.
En somme, il semblerait que le CIH a du mal à se tirer d’affaire. Le Premier ministre, qui apparemment ne rechigne jamais à aller au charbon pour régler tous les dossiers chauds, a bien cerné le problème. Au ministère des Finances, on annonce sans ambages que «la question de l’avenir du CIH est posée et que des choses se préparent». C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la décision prise par Driss Jettou de commander une étude sur la situation financière exacte de la banque et les différents scénarios de redressement (voir La Vie éco du 12 décembre 2003).
Entre la liquidation, la fermeture par fusion avec une autre institution, la recapitalisation et une opération de défaisance (ou plutôt de cantonnement, dans ce cas), le choix paraît difficile. La dernière option semble, aux yeux des spécialistes, la plus pertinente car elle permettrait de transférer à une structure ad hoc les actifs insupportables qui compromettent la continuité de l’exploitation. Mais, à l’instar des opérations de sauvetage de ce genre (cas du Crédit lyonnais en France), il faudrait aussi apporter à ladite structure les financements qui lui permettent de porter les actifs dans l’attente de les vendre au meilleur prix. Si cette dernière option est retenue, le grand dilemme à résoudre serait celui de la composition du tour de table de l’entité rescapée. Naturellement, au cas où aucun actionnaire autre que l’Etat ne participe au financement de la structure de défaisance-cantonnement, ce dernier se retrouvera largement majoritaire dans le capital du nouveau CIH. Cette technique aboutirait in fine à séparer définitivement la bonne banque de la mauvaise, mais ne dispensera nullement l’Etat de mettre la main à la poche. Le coût pour le contribuable ne sera pas léger, mais il risque de s’avérer encore plus exorbitant si le gouvernement verse dans la procrastination