La nouvelle réglementation internationale de transport maritime inquiète les opérateurs marocains

Elle rend le transporteur responsable de la marchandise durant tout le processus de transport, y compris hors navigation par mer.
Une fois signée et ratifiée par 20 pays, elle entrera en application après un an.
Avec l’adoption d’une nouvelle convention internationale sur le transport maritime, ce dernier va connaître une petite révolution. Adopté en décembre 2008 par l’Assemblée générale des Nations Unies, le nouveau texte intitulé «Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer» a été ouvert à la signature le 23 septembre dernier à Rotterdam. Mais déjà son adoption par la communauté internationale ne fait aucun doute, puisque, dès le dépôt, 16 Etats sur les 20 requis pour lui conférer une force de loi internationale l’ont déjà signé en attendant de le ratifier. Il s’agit, entre autres, des Etats-Unis (qui sont à l’origine de ce texte) mais aussi de la France, de la Hollande et la Norvège, soit des puissances maritimes bien établies, en plus de quelques pays africains (Guinée, Ghana, Gabon, Togo, notamment).
Quels sont les apports de ce texte, appelé désormais «les règles de Rotterdam» et qui ont vocation à remplacer à terme «les règles de Hambourg», datant de 1978, qui régissent aujourd’hui le transport maritime de marchandises ?
On y trouve d’abord une nouveauté de taille dans la mesure où le texte ne se limitera plus à régir le transport de marchandises par mer uniquement, mais englobe les autres modes de transport (routier, ferroviaire) qui précèdent ou succèdent au transport par mer. C’est à cela que renvoie le mot «partiellement» qu’on peut lire dans l’intitulé de la convention. Une telle nouveauté change entièrement les relations entre les deux principaux contractuels que sont le chargeur et le transporteur, puisque, désormais (Article 12), «le transporteur est responsable des marchandises en vertu de la présente convention depuis leur réception (…) jusqu’à leur livraison». Selon Najib Benhaddou, spécialiste en transport, une telle convention avantagera à coup sûr les grands armateurs qui vont pouvoir dominer de bout en bout la chaîne du transport de marchandises sous toutes ses formes. S’agissant du Maroc qui n’a ni flotte maritime, ni flotte TIR (transport international routier) de grande taille, ce sont, selon lui, les chargeurs qui vont en pâtir le plus, car ils dépendront intégralement, ou presque, des sociétés maritimes.
Une rencontre est prévue pour en débattre
En outre, rien n’empêche aujourd’hui les grands armateurs de créer leurs propres sociétés de transport routier en amont et en aval du port de chargement ou de déchargement, avec les conséquences que l’on imagine pour les transporteurs nationaux, estime M Benhaddou.
En tout cas, si la nouvelle réglementation introduit plus de liberté contractuelle entre les intervenants, elle suscite malgré tout beaucoup de craintes chez les opérateurs marocains. Ainsi, selon une source à la Marine marchande, le Maroc n’est pas encore prêt pour signer cette convention, et l’on est aujourd’hui au stade des consultations avec les professionnels (armateurs, transporteurs routiers, commissionnaires, etc.) pour connaître leur avis sur la question. L’idée est d’organiser une grande rencontre sur la question et sortir avec une position commune. On estime du reste qu’il n’y a pas urgence dans la mesure où l’entrée en vigueur d’une telle convention doit avoir lieu un an après la ratification par les pays signataires.
Ceci étant, la nouvelle convention apporte aussi des choses positives en la matière en adaptant la réglementation maritime aux évolutions technologiques des dernières années. Et en premier lieu, elle reconnaît les documents électroniques dans ces transactions entre les contractants, ce qui est de nature à faciliter et à fluidifier plus les flux commerciaux et à alléger la documentation. Cependant, le document électronique doit être approuvé à la fois par le chargeur et le transporteur et contenir toutes les informations relatives aux marchandises et à l’organisation de leur transport. Le développement du transport par conteneurs qui a connu aussi ces dernières années un développement rapide est pris en considération.
Il reste que ce texte soulève des critiques même au niveau international, les experts l’estimant ambigu et lourd sur certains aspects dont, notamment, la période de responsabilité du transporteur qui , selon la convention, va au delà de la phase maritime, c’est-à-dire de la réception à la livraison de la marchandise. A cela s’ajoute le fait que le chargeur et le transporteur peuvent selon la convention même se mettre d’accord contractuellement pour convenir d’autres clauses concernant la manutention, l’arrimage ou le déchargement des marchandises, ce qui pourrait se traduire par de mauvaises surprises pour les opérateurs non initiés en cas de problèmes.