La majorité des constructions hors-la-loi

La prolifération de l’informel dans le secteur des BTP rend aléatoire
le contrôle du respect de la réglementation.
Les secousses telluriques enregistrées ces derniers jours dans le pays appellent deux questions majeures. Les constructions peuvent-elles résister à ce phénomène naturel ? Les promoteurs immobiliers et autres professionnels des BTP respectent-ils les normes antisismiques? Aucune réponse claire n’a pu être fournie par les parties concernées. Du côté de la FNBTP (Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics), on avoue volontiers son incapacité à donner des informations précises. Même son de cloche au ministère du Logement et de l’urbanisme. Ce qui revient à dire que l’acquéreur d’une maison ou d’un local commercial ignore tout des spécifications techniques de son immeuble. Inquiétant!
Surcoût de 15% à 40 %
Pourtant, une nouvelle loi fixant les normes antisismiques est entrée en vigueur en septembre 2002. Ce texte appelé RPS 2000 rend désormais obligatoire le respect de ces normes dans toutes les constructions et fixe les règles auxquelles doivent satisfaire toutes les constructions pour une plus grande sécurité. En réalité, le législateur a élargi à l’ensemble du pays un dispositif qui ne concernait que la ville d’Agadir.
Toutefois, le nouveau dispositif exclut de son champ d’application les bâtiments dont «la structure portante utilise essentiellement la terre, la paille, le bois, le palmier, les roseaux ou des matériaux similaires et les bâtiments d’un niveau à usage d’habitation ou professionnel, d’une superficie totale inférieure ou égale à 50 m2».
En tout cas, l’adoption du RPS 2000 constitue une avancée. Le problème, c’est que sa mise en application s’avère très difficile. Au ministère du logement, on attribue ces difficultés à l’organisation du secteur et à la loi du silence imposée par «les intérêts corporatistes». Pour justifier le non-respect des normes antisismiques, nombreux sont ceux qui évoquent le surcoût. Selon un responsable du LPEE, il varie entre 3 % et 4 % au niveau du béton et de l’acier. Cependant, la facture finale peut augmenter de 15 % à 40% en fonction du type d’ouvrage et de sa complexité. Pour le département de tutelle qui en est actuellement à une phase de sensibilisation, «l’impact financier est un faux problème, d’autant que la sécurité n’a pas de prix». Et d’ajouter : «l’introduction des normes du RPS 2000 va coûter entre 0,3 et 0,5% seulement. Par contre, la consolidation des bâtiments existants entraînerait un surcoût de 10 à 15%». Un professionnel du bâtiment abonde dans ce sens, mais souligne que «le problème doit aussi être ramené à deux réalités marocaines : l’absence de contrôle et la prédominance de l’informel dans le secteur du bâtiment». A en croire cette même source, «les entreprises construisent n’importe quoi et n’importe comment en raison de l’importance de l’informel dans le secteur des BTP». La moitié des programmes immobiliers serait en effet réalisée par des entreprises informelles qui «fraudent à volonté sur les matériaux utilisés».
Il est donc urgent de mettre en place «des mesures d’accompagnement garantissant un minimum de contrôle et la compétence des exécutants de chantiers». A la FNBTP, on suggère l’obligation de suivi de tout chantier par un bureau d’études agréé, le recours à un bureau de contrôle pour vérifier le travail du même bureau d’études et le contrôle de la qualification de l’entreprise qui exécute le chantier. Néanmoins, rien ne peut être réglé si l’impunité et les passe-droits perdurent