Grippe aviaire : le Maroc vigilant…mais sans médicaments pour le moment

Le comité national de lutte contre l’épizootie a mis en place un dispositif de veille et le matériel déjà acheté pour contrer le Sras a été mobilisé.
Le Tamiflu, un antiviral, introuvable dans les pharmacies. La Santé ne
dispose pas de stocks.
Le premier ministre donne son accord de principe pour débloquer 924
MDH pour l’achat des médicaments.

Le Maroc est-il bien, moyennement ou mal préparé à une éventuelle intrusion de la grippe aviaire ou à une épidémie de grippe humaine ? Au moment où la communauté scientifique mondiale tire la sonnette d’alarme sur les dangers du virus, cette question mérite largement d’être posée. Le plus inquiétant, ce n’est pas la grippe aviaire elle-même, qui risque, tout au plus, d’emporter tout ou partie du cheptel de volaille, mais la mutation possible du virus. En effet, si cela arrive, le virus va alors être transmissible entre les hommes et, là, ce sont des millions de Marocains qui pourraient en être victimes. Alors, où en sommes-nous de la mise en place des mesures de protection, des précautions à prendre et des antiviraux dont il faut faire provision, comme dans de nombreux pays, notamment en Europe ? La dernière réunion du Comité national de lutte contre cette épizootie, organisée lundi 5 septembre, permet de faire le point. Pour le ministère de la Santé, plusieurs commissions techniques et scientifiques sont constituées pour prendre en charge le suivi. Le Dr Noureddine Chaouki, directeur de l’épidémiologie au ministère de la Santé, expose le plan de lutte contre une pandémie éventuelle et se veut rassurant. «Outre la mise en place de la surveillance épidémiologique et biologique, le Maroc dispose d’une veille clinique et les 375 centres de santé dispersés dans le pays pour surveiller les cas de grippe couvrent une population de 12 millions de Marocains. Pour le reste, et parmi les mesures du plan, il y a toute l’infrastructure qui a été acquise pour contrer le SRAS, maladie autrement plus redoutable que la grippe aviaire, qui peut être mobilisé le cas échéant. On y trouve aussi des laboratoires aujourd’hui extrêmement bien équipés, les ambulances, les masques, les gants… », explique-t-il.
En amont, il y a la surveillance des frontières ou encore la formation d’un personnel aguerri, estime-t-on. A rappeler que les personnes vulnérables sont aujourd’hui pratiquement recensées. Elles sont au nombre de 5,5 millions. Dans cette catégorie, on compte les personnes âgées de plus de 60 ans et souffrant de maladies chroniques, les enfants de moins de deux ans et les femmes enceintes. Il faut aussi inclure dans ce groupe le personnel stratégique, c’est-à-dire celui qui est en première ligne en cas d’épidémie (personnels de la Santé, Protection civile…), qui, bien entendu, doit recevoir un traitement prophylactique.
A la Direction de l’élevage du ministère de l’Agriculture, Ahmed Ben Touhami, qui en assure l’intérim, estime qu’il n’y a aucune raison d’être alarmiste. Il dit en substance que le département n’est pas resté les bras croisés et la vigilance se situe sur deux plans : les importations à partir des pays à risque et le renforcement de l’épidémio-surveillance.

5,5 millions de personnes vulnérables
Sur le premier point, le Maroc est très attentif, comme en témoigne la toute récente interdiction d’importation d’animaux vivants ou de poussins en provenance de Hollande où une alerte a été donnée. Cette mesure, ajoute le responsable, ne répond à aucune urgence mais participe du simple principe de précaution qui ne s’applique pas encore à des pays comme la France ou l’Espagne, d’où le Maroc importe l’essentiel de ses besoins en poussins, par exemple. Pour ce qui est de la veille épidémiologique, la direction de la santé animale s’appuie sur les laboratoires d’analyse régionaux du pays et les services des Eaux et Forêts pour la surveillance des migrations d’oiseaux. Des spécimens seront capturés et diagnostiqués pour vérifier leur état de santé. Parmi le faisceau de mesures préconisées, il a été demandé aux aviculteurs de signaler au plus vite tout incident pouvant être en rapport avec l’épizootie. Sachant que leur fédération est très réactive et que l’activité est encadrée par des vétérinaires, une telle mesure n’est pas un vain mot.

Le Maroc est plus avancé en matière de prévention que les autres pays de la région
Si, de manière générale, le Maroc est en train de se préparer aux risques de propagation avec un plan de vigilance apparemment rodé, il n’en demeure pas moins qu’il y a quelques questions à poser sur la réaction à avoir en cas de déclenchement d’une épidémie. Par exemple, on constate qu’aucune réserve d’antiviraux n’est encore disponible dans le pays, alors qu’à l’international, on recommande une réserve d’antiviraux couvrant 25 % de la population. De fait, et c’est là que ça se complique, le seul médicament relativement efficace, le Tamiflu, fabriqué par les laboratoires Roche, est introuvable en ce moment dans les pharmacies au Maroc. Selon le ministère de la Santé, le Maroc s’est inscrit depuis avril dernier sur la liste des pays demandeurs. Pourtant, à en croire la représentation du laboratoire Roche au Maroc, aucune commande de l’Etat ne lui est parvenue à ce jour, alors que le fabricant a soumis une offre de prix avantageuse (7 euros par dose pour le produit en vrac, 12 euros en tablette, contre environ 65 dollars par prescription en Europe). En fait, la demande marocaine de ce médicament existe bel et bien, mais comme elle ne porte aucune indication sur les quantités que le pays compte acheter, elle ne peut être considérée comme une commande ferme. Bien entendu, les pays de la région sont bien moins avancés que le Maroc dans sa préparation contre une invasion de la grippe aviaire (même les pays du Golfe, plus riches et plus exposés au risque de pandémie, n’auraient pas encore sérieusement réagi à une possible propagation du virus), mais cela, loin d’être rassurant, montre que le pays sera encore plus vulnérable, dans le cas d’une catastrophe du genre.
Si le Maroc ne peut être tenu pour responsable de la préparation des pays de la région contre le fléau possible – c’est la mission des institutions internationales comme l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qui a commencé à récolter des réserves d’antiviraux, il se doit, néanmoins, de mobiliser des moyens pour se prémunir contre les risques possibles. Et la primature est sollicitée pour trouver des fonds en vue de financer les mesures de protection nécessaires. Selon les dernières nouvelles, Driss Jettou a déjà donné son accord de principe pour l’octroi d’une enveloppe de 924 MDH pour l’achat d’antiviraux, dans un premier temps

Circuit de la contamination. Le véritable danger viendrait d’une mutation du virus qui permettrait la contamination de l’homme par l’homme.

Y a-t-il un traitement contre la grippe aviaire ?
La grippe aviaire, qui s’est déclarée depuis la fin 2003, a touché 115 personnes en Asie et provoqué 59 décès. Elle se transmet par contamination de l’homme par la volaille. Le danger viendrait de la mutation du virus qui pourrait alors conduire à une contamination de l’homme par l’homme. Comment s’en protéger ? A l’heure actuelle, faute d’un vaccin opérationnel, un seul médicament permet une efficacité – contestée par certains spécialistes -, à condition d’être administré dans les 48 heures suivant l’apparition des premiers symptômes de la maladie. Il s’agit de l’Oseltamivir, commercialisé sous le nom de Tamiflu par les laboratoires Roche, médicament introuvable au Maroc. Cependant, des médecins recommandent d’abord le recours au vaccin anti-grippe humaine qui, selon eux, diminue et la virulence de la grippe aviaire et sa possible mutation. Les autres mesures de prévention relèvent de l’hygiène quotidienne.