Grève des camionneurs : qui tire les ficelles?

Beaucoup de grévistes ne sont même pas affiliés au syndicat à  l’origine des problèmes.

Drôle de grève que celle que les camionneurs de moins de 8 tonnes ont déclenchée depuis le 16 juin. Drôle, car elle s’oppose aux petites mesures instaurées par les pouvoirs publics dans la foulée de la libéralisation du transport de marchandises, pour tirer cette catégorie vers la sphère organisée. L’objet du litige qui se manifeste de façon plus ou moins violente selon les régions, mais qui n’en contribue pas moins à désorganiser la distribution de certains produits, réside dans trois mesures : la réglementation du tonnage de ces véhicules, leur inscription au registre de commerce et à celui des patentes dans un délai d’une année et l’obligation d’avoir une feuille de route. C’était sans doute trop demander à des gens habitués à travailler comme ils le désirent. On se rappelle leur refus d’équiper leurs véhicules de mouchards comme la loi les y obligeait…
Les pouvoirs publics ne sont pas exempts de reproches
Pour ce qui concerne le conflit actuel, on s’est avancé trop vite à dire que les propriétaires de camions de 8 tonnes veulent être autorisés à transporter 14 voire 18 tonnes, ce qui, présenté ainsi, les désigne comme voulant aller encore plus loin dans l’illégalité. Or le problème est tout autre, et son origine remonte à l’époque où le transport de marchandises vivait sous le règne des agréments, accordés au compte-goutte. Ce système, fondé sur le privilège, a eu ses effets pervers qu’on appelle aujourd’hui les camions de moins de 8 tonnes. En effet, pendant longtemps, les pouvoirs publics, en accord avec les constructeurs de camions, homologuaient des véhicules à huit tonnes, alors que la charge réelle qu’ils pouvaient supporter était bien supérieure. La raison : les 8 tonnes ne nécessitaient pas d’agrément.
Sur cette question, il y a aujourd’hui un grand malentendu entre le ministère et ces transporteurs. Pourtant, le projet de décret qui est au SG du gouvernement comporte un tableau qui fixe le tonnage selon la marque du véhicule et d’autres caractéristiques techniques. Cette décision gagnerait à être mieux expliquée à ces transporteurs qui sont en train de négocier un tonnage uniforme.
S’agissant des autres mesures (patente, RC et feuille de route), là aussi, il y a un problème de communication. Apparemment, le ministère n’a pas bien clarifié ses objectifs qui consistent principalement à ramener tous les opérateurs dans le secteur organisé. Ce qui facilitera énormément sa modernisation.
Pour autant et de l’avis de certains transporteurs, cette grève sent fort une manipulation au relents électoraux. La preuve, soulignent-ils, le syndicat qui a déclenché la fronde et dont le principal dirigeant reste injoignable, a été créé, il y a à peine quelques semaines et serait même courtisé, ici et là, par des partis politiques qui n’ont pas de centrales syndicales. Pour ne pas être en reste, les autres syndicats connus ont plus ou moins suivi le mouvement.
Quant aux camionneurs eux-mêmes, ils ne savent plus à quel saint se vouer. Le plus curieux dans cette affaire est que la plupart d’entre eux ne connaissent même pas le syndicat qui les a poussés à arrêter le travail, mais ont un ami qui le connaît. A l’heure où nous mettions sous presse, le mot d’ordre de grève était toujours maintenu. Mais de sources proches des transporteurs, les agressions envers les non grévistes auraient cessé à Agadir. Quant au ministère de tutelle, il a tout l’air d’être dépassé, à moins qu’il ne mise sur la lassitude des grévistes pour circonscrire le mouvement