Facture pétrolière : +66% pour les deux premiers mois et ça continue

Le Maroc a déjà déboursé 4,74 milliards pour ses importations de pétrole en janvier et février. L’arrêt de la production libyenne, qui représente 2% de la consommation mondiale, pousse les prix à la hausse.
Le baril de pétrole de la mer du Nord, le Brent, cotait à 115,22 dollars le lundi 21 mars. Depuis le 1er janvier, le Brent (référence des achats de pétrole du Maroc) a ainsi augmenté de 22%. Par rapport à son cours d’il y a un an, la hausse était de 44,3%. Alors que la catastrophe survenue au Japon semblait donner un léger coup de frein à la montée des cours de l’or noir, les frappes sur la Libye entamées depuis samedi ont provoqué un mouvement contraire. Le baril de Brent à Londres pour livraison en mai a pris 2,22 dollars de plus à 116,15 dollars par rapport à sa clôture du jeudi 17 mars, et le light sweet crude, à New York, 2,10 dollars à 103,17 pour livraison en avril.
La crainte d’une baisse de la demande du Japon, troisième consommateur mondial de pétrole, est vite «balayée» par la perspective d’un enlisement en Libye. C’est que la production de ce pays, qui représentait 2% de la consommation mondiale de pétrole, soit 1,6 million de barils par jour, est quasiment à l’arrêt ces derniers jours. «Un retour rapide de la Libye sur le marché mondial du pétrole est improbable, et cela devrait soutenir les prix à long terme», estimaient les experts de Commerzbank, en début de semaine. Pour leur part, Barclays, Merril Lynch et JP Morgan déclarent s’attendre à ce que les infrastructures pétrolières libyennes restent en grande partie à l’arrêt en 2011.
A l’inconnue libyenne, il faut sans doute ajouter les troubles politiques dans la péninsule arabique (à Bahreïn et au Yémen, notamment). Du coup, de lourdes incertitudes pèsent désormais sur le prix du brut et, au-delà, sur la croissance mondiale.
Certes, l’Arabie Saoudite a assuré ses clients qu’en cas de besoin, elle augmenterait sa production pour équilibrer le marché. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas. Selon l’ancien ministre saoudien du pétrole, Zaki Yamani, la production saoudienne ne s’est accrue que de 200 000 barils/jour depuis le début de la crise libyenne. Ce qui est évidemment peu. Surtout lorsqu’on apprend que dès le mois d’avril, c’est-à-dire dans une semaine, la demande mondiale de pétrole «pourrait augmenter d’un million de barils par jour avec la fin de la période de maintenance des raffineries du bassin Atlantique», indique l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Un responsable au sein de cette agence précise également que «la baisse de la demande japonaise va être plus courte que ce qui était prévu», en raison du redémarrage rapide d’une grande partie des raffineries nipponnes.
Reprise molle en Europe, principal partenaire commercial du Maroc
Tout cela, à l’évidence, n’est pas bon pour l’économie marocaine, dépendante à plus de 96% de l’extérieur pour ses approvisionnements énergétiques. Le gouvernement a certes déjà réagi face à cette nouvelle donne en ajustant à la hausse le budget de compensation. Mais cela ne changera pas fondamentalement les choses : les prix des produits pétroliers continueront d’être soutenus, mais la ponction sur les réserves de devises sera, elle, bien réelle. Si en 2010 la facture énergétique a représenté un quart des importations, en 2011 elle risque d’aller au-delà si les cours du pétrole continuent de monter ou même stagnent à leurs niveaux actuels. Déjà sur les deux premiers mois de l’année, la valeur des importations de brut a progressé de 66,4% par rapport à la même période de l’année dernière à 4,74 milliards de DH, d’après les statistiques provisoires de l’Office des changes.
Outre les considérations budgétaires, l’enjeu se situe aussi au niveau de la balance des paiements, des prix élevés signifiant plus de sorties de devises. Cette perspective inquiète d’autant plus que la demande mondiale qui sera adressée au Maroc (les exportations, en d’autres termes) pourrait pâtir d’une économie mondiale plombée par les prix du pétrole. D’ailleurs, dans son budget prévisionnel pour 2011, le HCP prévoit une accentuation du déficit du compte courant de la balance des paiements qui passerait de 2,7% du PIB en 2011 à 3,6% du PIB en 2011.
Il y a quelques jours, l’AIE, dans son rapport mensuel, mettait en garde contre un «ralentissement marqué» de l’économie mondiale si les prix du pétrole devaient rester à leurs niveaux actuels. Selon des études citées par l’AIE, une hausse de 10% des cours du brut ampute le PIB mondial de 0,2 à 0,7 point après un an, et jusqu’à deux fois ces valeurs l’année suivante. Or, à un peu plus de 115 dollars, le baril coûte 50% de plus qu’en 2009. Ce qui amène l’agence à conclure que si l’on reste à ce niveau de prix, la croissance mondiale en 2011 pourrait perdre 1 à 3,5 points par rapport à la prévision de 4,3% avancée par le Fonds monétaire international (FMI). Surtout, l’Europe, principal partenaire économique et commercial du Maroc, serait plus affectée encore, elle dont la reprise en 2011 est plus molle (+1,5%) qu’en 2010 (+ 1,8%).