Expropriations : l’Etat pointé du doigt
Le bien-fondé de cette mesure est remis en cause lorsqu’elle a pour fin la réalisation de logements
Dans le cadre de la politique des 100 000 logements par an, l’Etat dispose d’assez de terrains pour les 5 ou 10 prochaines années.
L’Etat a besoin de terrains pour construire des édifices publics, faire passer une voie de communication ou édifier un barrage, mais il n’en dispose pas dans l’endroit désiré. Pas de problème : il enclenche la procédure de l’expropriation pour utilité publique. Rien à dire si les terrains récupérés sont effectivement destinés à la construction d’équipements mis à la disposition de l’ensemble de la communauté.
Mais quand ils sont affectés à la réalisation de logements, le bien fondé de la décision est foncièrement contesté, même si ces logements sont destinés à la réinstallation des habitants des bidonvilles. Et pour cause, ces logements ne profitent qu’à des citoyens précis.
La justice n’a pas toujours été favorable aux expropriés
De plus, les programmes de relogement ne comprennent pas uniquement des lots pour les habitants de bidonvilles, ils incluent aussi des produits pour la classe moyenne, dont la vente permet d’assurer l’équilibre financier. C’est ce qui fait dire à certains qu’il est maladroit de «faire des heureux sur le dos de malheureux».
Ce sentiment d’injustice a persisté malgré la création des tribunaux administratifs et la possibilité accordée aux expropriés de remettre en cause le montant des indemnités arrêtées par la commission d’évaluation chargée de l’expropriation. Même au niveau du département de l’habitat, on estime que l’expropriation des terrains privés pour la production de logements sociaux est de plus en plus difficile à justifier. C’est dans tous les cas l’avis de Mohamed Oukmal, directeur du patrimoine foncier de la nouvelle Holding Al Omrane, qui a eu à gérer des opérations menées par l’ex- Agence nationale de lutte contre l’habitat insalubre (ANHI). Il précise toutefois qu’«il n’est pas question de substituer aux bidonvilles en baraques des bidonvilles en pierre». Autrement dit, il est nécessaire de favoriser la mixité sociale en vue de réduire les clivages.
Pour ce faire, une campagne de sensibilisation des juges a été nécessaire pour éviter qu’ils alignent l’indemnité sur le prix de vente de la parcelle la plus chère. «Le ministère de la Justice a été réceptif aux argumentaires présentés par l’ex-ANHI», indique M. Oukmal. Ainsi, au fil des années, les juges ont revu leurs positions. Des recours en appel à des jugements en première instance ont permis de réduire de 50 % la valeur de l’indemnité finale servie aux expropriés. Il n’en demeure pas moins que les opérations d’expropriation ont exigé une mobilisation importante de moyens humains et financiers.
L’ex-AHNI n’a exproprié que 115 ha sur les 3 000 ha mis en valeur
Aujourd’hui, il est admis que, dans le cas où l’expropriation s’avère nécessaire, pour des raisons de rareté du foncier ou du caractère urgent de certains programmes de lutte contre l’habitat insalubre, il est souhaitable que ce soit la puissance publique, l’Etat ou les collectivités locales qui procèdent à l’expropriation. Dans une seconde phase, ces derniers peuvent mettre les terrains expropriés à la disposition d’Al Omrane ou des organismes publics pour qu’ils puissent mener à bien leurs programmes de relogement.
Fort heureusement, pour l’heure, l’Etat n’a pas besoin de recourir aux expropriations. On indique que le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme a mobilisé, dans le cadre de la politique des 100 000 logements par an, des terrains lui permettant de lancer des programmes d’habitat pour les 5 ou les 10 prochaines années, sans y recourir.
En tout état de cause, il faudrait ramener l’expropriation des établissements publics à sa propre dimension. A titre d’exemple, au niveau de l’ex-ANHI, sur les 3 000 ha traités dans le cadre de programmes de relogement, seulement 115 étaient concernés par des opérations d’expropriation. Actuellement, les responsables assurent que seuls deux dossiers sont encore en justice pour des montants d’indemnité maximum de 8 MDH.
Au total, l’ex-ANHI, devenue Al Omrane, a créé, pour résoudre le problème des
logements vendus sans titre, 47 000 titres fonciers, représentant 80 % de sa production. Actuellement, l’objectif est de traiter 800 dossiers en 2004 pour résoudre définitivement le problème en 2005 (voir encadré)
L’ex-ANHI a créé, pour résoudre le problème des logements vendus sans titre, 47 000 titres fonciers, représentant 80 % de sa production. Actuellement, l’objectif est de traiter 800 dossiers en 2004 pour résoudre définitivement le problème en 2005