De nouvelles mesures pour sauver le textile
Le Foman et le Fortex seront fusionnés et octroieront des prêts à un taux inférieur à 6 %.
L’utilisation des concours financiers est étendue à la recapitalisation des entreprises.
La primature annonce un plan pour les jours à venir.
Le textile se porte de plus en plus mal et le plan de relance devant aider les textiliens à sortir la tête de l’eau n’est toujours pas ficelé. Les industriels ont été invités, selon le cabinet de Driss Jettou, «à revoir et approfondir certaines de leurs propositions». Des réunions avec le ministère des Transports et l’administration des Douanes sont programmées.
Cependant, de sources informées, La Vie éco a appris que la primature doit annoncer, au cours de la semaine du 16 mai, de nouvelles mesures pour le financement du secteur. Tous les détails de ces dispositions ne sont pas encore disponibles, mais on retiendra que les nouvelles mesures consistent en un regroupement des deux fonds existants, Foman et Fortex, en un seul fonds qui, nouveauté, servira des prêts aux industriels à un taux d’intérêt inférieur à 6 %. Autre nouveauté : ce fonds n’aura pas pour seul objectif la mise à niveau des entreprises, il servira également à leur recapitalisation. Ainsi, les entreprises lourdement endettées pourront recourir à ce fonds pour régulariser leur situation auprès des banques.
L’Amith réclame trois ans d’exonération de l’IGR pour les nouveaux recrutements
Si le gouvernement a accepté de faire des efforts sur le volet financier, il reconnaà®t par contre «avoir une marge de manÅ“uvre limitée pour agir sur le coût des facteurs de production». Et ce sont justement les coûts de production qui minent, selon l’Association marocaine de l’industrie textile et de l’habillement (Amith), la compétitivité de l’industrie textile.
Une étude comparative du Smig et des cotisations sociales dans les pays du bassin méditerranéen démontre que le Maroc est relativement cher. Ainsi, pour le Smig, si le Maroc vient après la Turquie, il paie plus que l’Egypte, la Roumanie ou encore la Tunisie (voir graphe). «De plus, le débat actuel concernant l’augmentation du Smig démontre que l’on n’a pas une stratégie déterminée. Ces augmentations répétées du Smig vont entraà®ner d’importantes pertes d’emplois et par là -même une perte des marchés extérieurs», estime Badr Berrada, consultant en textile. Concernant les charges sociales, le Maroc se place une nouvelle fois devant ses concurrents, Egypte, Roumanie et Tunisie. Le montant des cotisations (pour ceux qui les paient) est de 42,65 euros contre 34,11 euros en Tunisie, 33,8 en Roumanie et 18,8 seulement en Egypte. Le contrat-programme avait, rappelons-le, introduit une réduction des charges sociales. Seulement, peu d’entreprises, notamment celles qui avaient apuré leurs arriérés auprès de la CNSS, en ont bénéficié.
Autre conclusion de l’étude comparative : l’IGR au Maroc est plus élevé que chez ses concurrents méditerranéens. Pour un salaire moyen annuel de 60 000 DH (5 000 DH/mois), il est de 1020 euros au Maroc contre à peine 890 euros pour la Turquie et 394 euros pour la Tunisie. L’Amith suggère d’ailleurs une exonération totale de l’IGR pour une durée de trois ans pour les nouveaux recrutements afin de permettre aux entreprises voulant se spécialiser dans des niches à grande valeur ajoutée d’embaucher des profils (techniciens, créatifs et force de vente) de haut niveau tant au niveau local qu’international.
Dernier coût de production montré du doigt : le prix de l’énergie. Là encore, le Maroc est plus cher que la Tunisie, la Roumanie et l’Egypte (voir graphe).
Et enfin, pour le transport, le Maroc n’est pas mieux loti. Pour une remorque complète de 92 m3, le prix moyen/heure (aller/retour par mer en provenance d’un pays européen) est de 296 euros pour le Maroc contre 32 seulement en Tunisie. Si les frais de passage par le port sont négligeables en Tunisie, ils s’élèvent à 450 euros au Maroc.
Une enquête sur les fermetures d’usines est lancée
Pour les industriels, la réduction de ces coûts est une nécessité pour l’amélioration de la compétitivité et un meilleur positionnement sur les marchés extérieurs. Pour un opérateur, il revient donc à l’Etat d’agir. Cette revendication a peu de chance d’aboutir car, comme le reconnaà®t le président de l’Amith, les moyens financiers publics font défaut. Alors que faire pour sortir le secteur de la crise ? Les professionnels attendent énormément du plan de relance, en chantier depuis le 12 janvier 2005. En attendant, beaucoup d’entre eux, pour continuer à tourner, ont dû réduire d’un tiers leur prix de vente et réduire le temps de travail ainsi que leurs effectifs. D’autres, moins chanceux, ont dû arrêter provisoirement ou même définitivement leur production. Aucun chiffre précis n’a été avancé, mais l’on parle de nombreuses fermetures d’usines. Le ministère du Commerce et de l’industrie a entamé une enquête à ce sujet.
Aujourd’hui, les professionnels disent n’avoir aucune visibilité. Les exportations ont accusé une chute de 16% à fin mars et les carnets de commandes se dégarnissent. Le secteur vit actuellement au rythme d’une baisse d’activité industrielle, des mises en chômage technique et des fermetures d’usines. «Tout le monde est responsable de cette situation et tout le monde a péché : le gouvernement bien qu’averti n’a pas pris les mesures nécessaires et les entreprises, il faut le dire, ne se sont pas préparées à faire face à la montée de la concurrence chinoise et des pays de l’Est», conclut M. Berrada .
Il faut jouer la carte de la synergie avec la Turquie
Tout d’abord, il faudrait changer notre cadre de réflexion : les solutions à proposer pour sauver le textile ne peuvent plus être maroco-marocaines. L’ouverture des marchés, la puissance de nos concurrents et notre situation géographique doivent nous inciter à une réflexion régionale. Il faut aussi abandonner les attitudes revendicatives et adopter une vision réaliste et stratégique tenant compte des contraintes de l’environnement international.
Les textiliens devront donc engager la bataille sur le plan de la qualité et de la réactivité. Autrement dit, il faut s’orienter vers la fabrication de produits haut de gamme et adapter la structure et la taille des ateliers à la nouvelle configuration de la demande pour que les temps de réponse aux clients soient assez réduits. Par ailleurs, le Maroc doit jouer la carte de la synergie avec la Turquie. Si, jusqu’à la fin de 2004, l’option du produit fini était impossible en raison de l’absence des matières premières au Maroc, aujourd’hui, avec l’accord de libre-échange avec la Turquie, une intégration régionale peut être envisagée