Crédit Jeunes promoteurs : l’Etat décidé à  recouvrer ses deniers

Pas de solution «politique» en dépit des espoirs.
La BCP, qui a distribué 70% des crédits, évalue le taux de contentieux à 38%.
Les débiteurs appelés à rembourser jusqu’au dernier centime, sous peine d’être poursuivis.

L’Etat est décidé à recouvrer la partie en contentieux des prêts qu’il a octroyés dans l’opération «Jeunes promoteurs». Alors que l’on pensait à l’éventualité d’une solution «politique», auprès des Finances le message est désormais clair : l’argent dû devra être récupéré jusqu’au dernier centime selon les dispositions de la loi et à partir de la plate-forme que constitue la lettre de Fathallah Oualalou, adressée aux banques en novembre 2003.

Des solutions adaptées
à chacune des trois catégories de jeunes promoteurs définies
Dans cette missive, en effet, l’argentier du Royaume a mis en branle les mesures suivantes, applicables aux trois catégories définies de jeunes promoteurs : à ceux qui connaissent de grandes difficultés de remboursement, il est proposé un prolongement de la durée de remboursement (qui ne peut dépasser 15 ans, et sans aucun abandon de dette) qui tient compte de leur capacité de paiement. Pour la seconde catégorie, définie comme ayant enregistré des arriérés et souhaitant procéder à une sorte de solde de tout compte, il est accordé, notamment, un retraitement des arriérés au taux de 2 % applicable à chaque échéance depuis sa date de valeur… Quant aux «jeunes promoteurs de mauvaise foi ainsi que les jeunes promoteurs qui ont cessé toute activité… le recouvrement devrait être engagé dans les meilleurs délais conformément aux lois n° 36-87 et 13-94…».
Il est donc clair que le département des Finances balise la voie aux banques, restées dans l’expectative étant donné la dimension politique du dossier, pour qu’elles lui emboîtent le pas. Pour Drissi El Idrissi Lalami, directeur adjoint du Trésor (Finances publiques), la récupération de cette dette en souffrance ne saurait être régie par un autre cadre que les lois en vigueur et l’Etat est décidé à aller dans ce sens.
Les banques ont écrit aux clients concernés pour les inviter à choisir parmi les procédures proposées. Ainsi, à la BCP, on explique que les clients ont été approchés et que les négociations sont en cours. Pour l’heure, aucune poursuite n’a été engagée dans l’attente d’épuiser les moyens amiables. Mais, le moment venu, on passera à la vitesse supérieure.

On veut épuiser
la procédure amiable avant d’engager les poursuites
Combien de jeunes promoteurs sont-ils en contentieux et pour quel encours ? A cette question, on ne sait pas répondre ni au département des Finances ni du côté des banques. A la BCP, cependant, qui a instruit près de 70% des quelque 10 400 dossiers de l’opération «Jeunes promoteurs» – estimation de l’Union PME -, les éléments livrés donnent l’ordre de grandeur suivant : sur l’ensemble des crédits alloués, 38 % sont classés «créances en souffrance», ce qui est énorme. Aux Finances, on argue que les dossiers portant sur la dette en souffrance sont entre les mains des percepteurs pour le suivi et qu’il est difficile d’en évaluer le nombre, qui varie de jour en jour.
Les jeunes promoteurs, eux, estiment que la lettre de Oualalou ne constitue pas un cadre efficace pour une solution définitive du contentieux. Alors qu’aux Finances on rétorque que ce document est issu d’un consensus et que banques et jeunes promoteurs ont été associés à la démarche.
L’expérience «Jeunes promoteurs» est-elle finalement un échec ? A en croire les appréciations de l’Union des PME, elle a tout l’air d’un succès puisque les dossiers en contentieux représentent à peine 10 à 20 %, sur un total qui est de l’ordre de 10 400 projets instruits et finalisés entre 1991 et 2001. On sait que les politiques aux affaires, à l’époque, considéraient qu’avec seulement 50 % de réussite, l’opération «Jeunes promoteurs» était plus qu’acceptable pour insuffler à l’économie la dynamique escomptée.
Sur l’expérience même des «Jeunes promoteurs», aucune évaluation officielle ne filtre au niveau du département des Finances. Cependant, on estime que c’est grâce à ces crédits que «près de 13 000 projets ont abouti et 49 000 emplois créés en quelque 15 années. Et puis c’est un investissement total de 6 milliards de DH qui a été mobilisé et dans lequel l’Etat a contribué pour moitié à travers ses prêts».

L’insuffisance des textes n’explique pas tout
Les problèmes ont commencé dès le départ, au niveau de l’application et du suivi des textes, puisque les bénéficiaires ont été livrés à eux-mêmes, expliquent leurs représentants. Ballottés entre plusieurs instances (le défunt CNJA, le Département de la petite et moyenne entreprise qui, lui aussi, fit long feu… et, aujourd’hui, celui de la Mise à niveau), les jeunes créateurs d’entreprises n’ont pu faire valoir nombre d’avantages que leur accordaient pourtant explicitement les lois 16 et 36 puis les amendements (lois 13 et 14), introduits en 1994. Moncef Kettani, président de l’Union des PME, en donne deux exemples frappants : primo, l’exonération fiscale de 100 % pour les cinq premiers exercices et de 50 % pour les cinq années suivantes était garantie par les textes. Malheureusement, faute de décrets d’application, rares furent les jeunes entrepreneurs à avoir bénéficié de telles mesures. Secundo, la loi autorisait les jeunes entrepreneurs à s’associer à deux ou à trois en plafonnant les crédits auxquels ils pouvaient prétendre à 1 MDH chacun. Mais le même texte n’avait prévu aucun mode de partage de responsabilité ou de séparation en cas de litige. A tout cela, il faut ajouter les erreurs dues à l’inexpérience, les instructions tatillonnes des banquiers…
Mais si l’on peut effectivement considérer que les lacunes des textes ont brisé l’élan de quelques jeunes promoteurs, on ne peut les incriminer totalement dans l’échec de l’expérience dans sa globalité et on a d’ailleurs constaté, dans un grand nombre de cas, que les jeunes promoteurs étaient à l’origine de l’échec