Création d’une nouvelle compagnie : les assureurs disent non à  la BCP

Pour les professionnels, il n’y a pas de place actuellement sur le marché pour un nouvel intervenant.
Ils invoquent les différentes réformes intervenues au cours des
dernières années à l’appui de leur refus.
Le dernier mot revient au ministre des Finances.

Le Comité consultatif des assureurs, réuni le 13 octobre, a émis un avis défavorable à la demande d’agrément pour la création d’une compagnie d’assurance déposée, il y a cinq années maintenant, par le groupe Banques populaires, qui revient régulièrement à la charge concernant cette question. L’avis n’est, bien entendu, que consultatif et le dernier mot revient au ministre des Finances, Fathallah Oualalou. Celui-ci a trois possibilités : abonder dans le sens du Comité consultatif des assureurs et donc notifier officiellement le rejet du dossier à la Banque populaire, passer outre l’avis des assureurs et autoriser la banque à créer sa compagnie d’assurance ou, en dernier lieu, demander un réexamen du dossier. N’étant pas tenu par un délai ferme pour trancher, le ministre des Finances prendra donc le temps nécessaire pour trouver une solution. Celle-ci devra, estime l’argentier du pays, contenter toutes les parties concernées. Comment ? Le ministre des Finances – comme à son habitude ? – reste évasif. Tout au plus, explique-t-il, un travail de sensibilisation devra être fait.
Ceci dit, la BCP ayant raté l’acquisition de la CNIA et la CDG ayant anticipé en se portant acquéreur de 40% des compagnies Sanad et Atlanta, la seule option de croissance externe qui s’offre au groupe Banques populaires se limite en fait aux parts de l’Ona dans Axa Assurances Maroc. Est-ce pour cela que l’argentier tergiverse ? En donnant son accord à la création d’une nouvelle compagnie, il risque de se mettre à dos un secteur qui joue un rôle clé dans sa politique économique du fait de sa propension à mobiliser l’épargne.

La Banque populaire fait-elle peur aux compagnies ?
En tout cas, les assureurs sont catégoriques, ils ne veulent pas d’un intervenant de plus. «Nous sommes certes dans un marché libre, mais il y a des contraintes qui justifient le rejet de la demande de la Banque populaire», indique le responsable d’une grande compagnie de la place qui, pour des raisons évidentes, souhaite garder l’anonymat. Globalement, les assureurs estiment que la création d’une nouvelle compagnie en ce moment précis ne ferait que perturber davantage le secteur qui a vécu, durant ces trois dernières années, au rythme des réformes (CIMR, AT, AMO, Code de l’assurance). Selon les professionnels, «il est nécessaire de donner le temps aux compagnies de digérer tous ces changements et de se préparer à la libéralisation de la branche automobile qui interviendra en 2006».
On indique que ces réformes coûteront très cher au secteur. Ainsi, pour l’assurance AT (accidents du travail), régie par une réglementation très sévère, la constitution de réserves coûtera à peu près un milliard de DH. A cela s’ajoute le provisionnement des impayés (12 milliards de DH en 2004) qui nécessitera un peu plus d’un milliard.
Arguant donc de cette mise à niveau financière, les assureurs soulignent que le timing de la création d’une nouvelle compagnie n’est pas adapté. Mais, au fond, ne craignent-ils pas seulement la force de frappe de la
BP ? Rappelons que les responsables de la banque expliquaient, au moment du dépôt de la demande d’agrément, que l’objectif était de mobiliser l’épargne via le produit assurance. Pour cela, la stratégie d’action a été élaborée en conséquence : cibler une population d’environ 2 millions de personnes (les clients de la banque) en s’appuyant sur le réseau qui compte 350 agences.
A en croire les assureurs, le timing constitue le seul motif du refus. Ils ajoutent que le fait «d’accepter le dossier de la BP ouvrirait la porte à d’autres demandes venant d’autres opérateurs banquiers. Et pour l’heure, le marché n’est pas prêt à accueillir d’autres intervenants». Quid alors de l’appétit des compagnies américaines, en prévision de l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange Maroc-USA ? Affaire à suivre.

Un projet qui traîne depuis 5 ans
C’est en 2000 que le groupe Banques populaires avait déposé, auprès de la Direction de l’assurance et de la prévoyance sociale, sa demande d’agrément. Le projet de création de la compagnie Ta’mine Chaâbi devait être réalisé en partenariat avec l’Assurance Banque populaire française qui aurait détenu
30 % du capital de la compagnie, la BCP restant majoritaire à hauteur de 70 %. L’activité de Ta’mine Chaâbi devait porter uniquement sur l’assurance de personnes notamment l’assurance-vie, la prévoyance sociale et l’assurance-décès