Comment promouvoir l’investissement dans le monde rural ?

• L’accès au financement ne constitue plus une contrainte • Des centres régionaux des jeunes entrepreneurs sont mis en place • Des initiatives sont lancées pour mieux structurer le secteur et identifier les besoins des agriculteurs.

Le capital humain est toujours au centre des préoccupations des intervenants dans le monde agricole, référence faite à la stratégie Génération Green 2020-2030 dont l’un des principaux objectifs est la nécessité de créer une classe moyenne rurale et partant contribuer à la création d’emplois. D’ailleurs, «les besoins dans le secteur de l’agriculture sont relatifs à 81 métiers», assure Mohamed Alamouri, président de la Comader. Pour rappel, cette stratégie vise à développer une nouvelle génération d’organisations agricoles et de mécanismes d’accompagnement. «Cette classe moyenne devrait naître non seulement par l’amélioration des revenus et des conditions de vie, mais également à travers l’accès aux différents services. D’où les efforts déployés actuellement pour l’élargissement de la couverture sociale», a signalé Mohamed Sadiki, ministre de l’agriculture, lors d’une conférence au sujet de la dynamisation de l’entrepreneuriat agricole et rural. «A cette fin, poursuit-il, plusieurs démarches sont à suivre autant par le secteur public que privé dont les rôles sont importants pour transformer l’agriculture d’une logique de subsistance à un secteur d’investissement». Pour cela, plusieurs obstacles sont à lever dont la difficulté d’accès aussi bien aux exploitations agricoles qu’au financement, le manque d’accompagnement et de suivi, la lourdeur des procédures administratives, ainsi que les divers facteurs liés à l’esprit de l’entrepreneuriat.

Si le financement ne constitue pas une contrainte pour des porteurs de projets dans le monde agricole, comme se targuent de le répéter des intervenants lors de cette rencontre, l’accompagnement technique fait encore défaut. Ainsi, une approche d’accompagnement et de mise en œuvre ciblée, intervenant tout au long du cycle du projet, a été adoptée autour de la mise en place d’un «centre régional des jeunes entrepreneurs agricoles et agro-alimentaires». Il s’agit d’un guichet unique d’accompagnement des jeunes entrepreneurs mis en place par le département de l’agriculture et constitue une plateforme de partenariats avec les partenaires de développement territorial et local, notamment l’INDH, CRI, les banques, les interprofessions agricoles, les Chambres d’agriculture et un pont fonctionnel à proximité des Instituts techniques agricoles du ministère, l’OFPPT et l’ANAPEC. Actuellement, 6 centres ont été créés dans 6 régions et proposent une offre complète incluant le volet financement et accompagnement.

A côté de cela, le groupe Crédit Agricole du Maroc, toujours impliqué dans la mise en valeur du secteur agricole, a créé un nouveau centre d’accompagnement destiné à apporter un appui non financier aux TPE, notamment rurales : Dar Al Moustatmir Al Qaraoui. «Ces centres prouvent toute leur importance dans la mesure où certains porteurs de projets souffrent de plusieurs lacunes liées tant à la gouvernance, qu’à la gestion d’entreprises, à la tenue de compatbilité…», explique Hanane Aajli, directeur pôle accompagnement du développement agricole au sein du CAM. Ils ont donc pour principale vocation d’encadrer les jeunes porteurs de projets et de les accompagner à chaque étape de la constitution de leur TPE, ainsi que lors du montage de leur dossier de financement. «L’objectif est donc de présenter un dossier complet et bancable avant même la demande de financement», ajoute-t-elle. Un accompagnement post-création est également prévu pour les projets financés par la banque afin d’aider l’entrepreneur durant toutes les phases du cycle de vie de son projet. A cette date, ce sont 13 centres régionaux qui ont été déployés et 15 autres seront lancés dans une seconde phase. Il est à noter que cette structure d’accueil offre des services d’accompagnement et d’orientation totalement gratuits, pour les clients et les non-clients du CAM.

Par ailleurs, plusieurs autres chantiers sont lancés afin de mieux connaître le secteur et mieux organiser ses intervenants. L’un des plus importants reste le registre national agricole, initiative lancée par le ministère. «Il repose sur 3 axes dont la disponibilité des données, le système d’information en charge de la gestion de ces données et le cadre réglementaire les régissant», précise Redouane Arrach, directeur de la stratégie et des études au sein du ministère de l’agriculture. Son objectif est de fournir des données précises sur les exploitations agricoles et les exploitants. Ce qui permettra, entre autres, de garantir une exploitation optimale et efficace des terres agricoles, promouvoir et faciliter l’accès aux programmes gouvernementaux de promotion du secteur agricole et améliorer les outils de pilotage dans le domaine agricole… Parallèlement, le GCAM a lancé un programme «Know Your Farmers». Il porte sur le diagnostic approfondi des exploitations agricoles, afin de mieux connaître les besoins des clients et prospects, et proposer ainsi des solutions adaptées telles que l’accompagnement de l’expansion et le développement de l’activité des agriculteurs, ou encore les inscrire dans un programme de refinancement et de relance économique. Le groupe a également lancé un projet de big data en vue de proposer un accompagnement financier et technique adapté. Amal Bennani, directeur pôle développement chez GCAM, détaille: «Plusieurs applications sont en cours de développement relatives à la proposition de cultures à planter au profit de l’agriculteur en fonction de l’emplacement de son exploitation, de solutions pour augmenter la productivité… et à divers conseils quotidiens et hebdomadaires afin de faciliter la prise de décision». En outre, une carte de rentabilité agricole est initiée et pilotée par le GCAM dans le cadre d’un partenariat avec la KFW. Ce projet porte sur l’élaboration d’un système d’analyse de la rentabilité des activités agricoles, par région, province et commune. Il aboutira ainsi à la réalisation d’une carte de rentabilité digitale et interactive dédiée aux activités agricoles, ainsi qu’un simulateur de rentabilité. Une application mobile sera développée pour permettre aux petits agriculteurs de calculer le bénéfice net généré par leurs exploitations, et avoir ainsi une idée précise du gain potentiel suite à une transition vers une autre culture à haute valeur ajoutée et plus adaptée au marché.

Des centres d’animation, d’orientation et de coaching sont créés pour capter cette demande latente

Il n’est nul doute que l’offre de financement des projets d’investissement dans l’agriculture est disponible. L’offre d’accompagnement technique est en cours de mise en place. «Notre mission actuellement est de chercher cette demande latente et ce, à travers ce type de centres qui sont essentiellement des centres d’animation», souligne M.Arrach. En plus de l’accueil et de l’orientation, les centres régionaux des jeunes entrepreneurs agricoles et agro-alimentaires  ont pour mission d’identifier les jeunes entrepreneurs potentiels, l’accompagnement et l’assistance des projets en pré-création, le coaching pratique des porteurs de projets dans les démarches administratives pour la création de leurs entreprises et l’intermédiation entre les jeunes entrepreneurs et les différentes structures impliquées, la coordination avec les différentes parties prenantes et l’établissement de partenariats et l’accompagnement en post-création.