Chaque année, 1625 entreprises naissent et 157 meurent

La période 1994-1999 s’est caractérisée par un dynamisme
plus important que celle couvrant les années 2000 à 2004.
Le solde entre les embauches et les dégraissages reste positif, mais insuffisant
pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail.

Combien d’entreprises naissent chaque année, et combien meurent ? Une question à laquelle peu d’organes peuvent apporter une réponse. C’est chose faite aujourd’hui avec des statistiques établies par la direction du travail (ministère de l’Emploi).
A la lumière des chiffres, on se rend bien compte que, mine de rien, entre les créations et les disparitions, le bilan est plutôt positif. Mieux, en termes d’emplois, les effectifs embauchés à l’occasion de ces créations sont plus importants que le nombre de licenciés pour fermetures d’établissements et/ou compression du personnel.
D’aucuns objecteront que si tel était le cas, pourquoi alors le chômage sévit toujours (10,8 % de la population active à fin 2004) ? Question de rythme ! Autrement dit, même si l’économie nationale crée des emplois, ces créations demeurent insuffisantes : celles-ci parviennent tant bien que mal à compenser les destructions d’emplois causées par les fermetures, les compressions d’effectifs et les réductions du temps de travail, mais restent en deçà des demandes nouvelles qui s’expriment sur le marché du travail. Autre explication : les statistiques ici déclinées concernent les secteurs industriel, commercial et de services, elles n’incluent pas le secteur public et l’activité primaire.
Quoi qu’il en soit, les chiffres de la direction du travail, recueillis par les délégations régionales, à défaut de refléter la réalité dans ses moindres détails (car, il y a toujours des fermetures non signalées et des ouvertures non déclarées), constituent tout de même un indicateur de l’évolution de l’activité.
Ainsi, en 2004, le cumul des établissements ayant enregistré une extension d’activité s’élevait à 1780, dont 1535 créations de nouvelles unités (86,2 %), 186 réouvertures (10,5 %), 30 rétablissements de la durée normale du travail (1,7 %) et 29 augmentations des effectifs (1,6 %).

En moyenne, 1957 entreprises ont été créées par an entre 1995 et 1999, contre 1875 en 2000-2004
En revanche, le nombre d’entreprises en difficulté n’était, en 2004, que de 323 unités. Celles-ci se répartissent entre 111 fermetures (34,4 %), 158 réductions de la durée du travail (48,9 %) et 54 compressions du personnel (16,7 %). La balance est donc positive de 1457 entreprises.
En termes d’emplois, cette situation s’est traduite par l’embauche de 21 940 personnes. En décomposant ces recrutements, on constate que l’essentiel (64,8 %) provient des créations de nouvelles unités (14 225 embauchés) ; viennent ensuite, pour 25,5 %, les réouvertures d’établissements fermés (5 590 recrutés), et enfin les augmentations d’effectifs (9,7 %, soit 2 125 personnes) dues vraisemblablement à la reprise de l’activité.
Au même moment, le nombre total de travailleurs ayant perdu leur emploi s’élevait à 11 195, dont 7981 pour fermetures d’établissements (71,3 %) et 3 214 pour compression d’effectifs (28,7 %). Là encore, la comparaison entre l’effectif embauché et l’effectif licencié dégage un solde positif de 10 745.
Mais c’est en les situant dans le temps que ces indications prennent davantage de relief. Ainsi, sur une période de 11 ans couvrant les années 1994 à 2004, les entreprises en expansion d’activité se sont élevées à 21 046, soit une moyenne annuelle de 1913 unités. En parallèle, les établissements en difficulté (comprenant les fermetures, les compressions d’effectifs et les réductions de la durée du travail) n’étaient que de 4 595, soit une moyenne annuelle de 417 entreprises.
Toutefois, en décomposant cet ensemble en sous-périodes, on constate que les années 1994-1999 furent, toute proportion gardée, légèrement plus dynamiques en termes d’extension de l’activité, que la période 2000-2004 (voir encadré en page précédente).
Si on compare les deux sous-périodes, on peut y déceler une légère différence : entre 2000 et 2004, la moyenne annuelle des entreprises en extension d’activité est de 1875. Entre 1995 et 1999, cette moyenne est de 1957 entreprises par an, soit près d’une centaine d’entreprises de plus, par rapport à 2000-2004.

Le solde net d’emplois entre 1994 et 2004 est de 76 000
Cela peut paraître dérisoire de chicaner sur une différence aussi peu significative, mais dans une économie de plus en plus soumise à la concurrence – conséquence des multiples accords de libre-échange conclus par le Royaume – chaque entreprise qui naît ou qui s’agrandit est assurément une victoire contre le chômage toujours menaçant.
Cela dit, si on ne retient sur la période 1994-2004 que les créations nouvelles et les fermetures d’entreprises, le résultat est très positif : en moyenne, cela fait 1625 entreprises qui naissent chaque année pour 157 qui disparaissent (9,66 %). Mais ce résultat doit être fortement relativisé, insiste-t-on à la direction du travail : comme déjà souligné, beaucoup d’entreprises naissantes ne se déclarent pas ; mais, surtout, nombreuses sont celles qui s’éclipsent en catimini.
Par ailleurs, pour mesurer l’importance du rapport création/disparition d’entreprises, il faudrait en vérifier les retombées sur le rapport embauche/licenciement. Et là, le résultat est plutôt décevant. En effet, si environ 166 348 personnes ont été embauchées au titre des créations nouvelles d’entreprises entre 1994 et 2004, ce sont 90 586 salariés qui, au même moment, ont été licenciés pour fermeture d’établissements, soit 54,4 %.
A vrai dire, les statistiques du ministère de l’Emploi ou celles que le Haut commissariat au Plan envisage d’élaborer, quand bien même elles seraient complètes, resteraient bien en deçà de la réalité en matière de démographie des entreprises. Pour une raison simple : les statistiques ne retiennent pas les projets d’entreprises qui meurent au stade de projets en raison des innombrables difficultés que les promoteurs rencontrent en cours de route ; sans parler des projets qui existent dans les têtes mais qui ne connaissent pas même un début de concrétisation.
Du coup, le taux de mortalité des entreprises au Maroc, vu sous cet angle, doit certainement être plus élevé qu’on le croit. Selon une étude sur la démographie des entreprises marocaines, réalisée par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), en 2000, «si on additionne le nombre de promoteurs qui abandonnent leur projet à cause du manque d’information à ceux qui sont, dès le départ, dissuadés à cause des difficultés d’accès aux autorisations administratives, on peut estimer que les abandons représentent 40 % à 50 % des entreprises créées» ; autrement dit, chaque fois qu’on crée 10 entreprises, par exemple, il faut savoir qu’on aurait pu en créer 15.
Les choses ont-elle évolué depuis cette étude ? En principe, oui. D’autant que, entre temps, les Centres régionaux d’investissement (CRI) ont vu le jour et leur mission est justement de faciliter la tâche aux porteurs de projets. Sauf qu’aujourd’hui les difficultés ne sont plus seulement liées aux procédures administratives (encore que…), mais aussi à des paramètres plus compliqués, comme l’accès au financement, l’exacerbation de la concurrence, la taille du marché, etc.