Assurance : les banques font de l’ombre aux courtiers

BMCI et Crédit du Maroc ont ouvert le bal, les autres devraient suivre au plus tard courant
2006.
Elles comptent ainsi contourner les dispositions du Code des assurances leur
interdisant de percevoir des commissions sur les produits dommage.
Les courtiers indépendants dénoncent une concurrence déloyale.

Ilfallait s’y attendre. Les banques n’ont pas mis longtemps pour contourner les dispositions du nouveau code des assurances, entré en vigueur en 2004, qui leur interdit de percevoir des commissions sur la distribution de produits d’assurance dommage (voir La Vie éco du 26 septembre 2004). BMCI et Crédit du Maroc (CDM) viennent d’ouvrir le bal en créant leur filiale spécialisée dans le courtage en assurance. Mais elles ne seront pas les seules, d’autres filiales similaires seraient en cours de création dans toutes les autres banques de la place et devraient être opérationnelles durant le prochain exercice et même, affirment les professionnels, avant la libéralisation totale du secteur, qui devrait entrer en vigueur en juin 2006.
Dénommées respectivement BMCI Assurance et CDM Assurance, les entités créées vont s’intercaler entre leurs maisons mères et les compagnies d’assurances partenaires pour tous les produits de bancassurance dommage. Le montage mis en place vise à permettre aux filiales de BNP Paribas et Crédit Lyonnais, qui visent (à l’instar de leurs concurrents) à améliorer leur marge sur commissions, d’être moins tributaires de la baisse des taux d’intérêt en percevant indirectement les commissions sur les produits d’assurance habitation commercialisés par leurs réseaux bancaires respectifs. Comme cette activité est en plein essor, dans le sillage de la forte croissance du crédit immobilier, une telle diète devenait inconcevable même pour les banques qui distribuent les produits d’une filiale du même groupe. Mais, avec une captive en courtage, la perte de la commission par l’établissement bancaire est récupérée par cette filiale qui, avec une structure de fonctionnement assez légère, peut rapidement devenir une machine à cash et donc rémunérer son actionnaire en dividendes.

Les banques lorgnent également le risque entreprise et l’automobile
Mais avant d’en arriver là, les banques devaient faire sauter un verrou réglementaire. Car l’arrêté du ministère des Finances du 16 août 1999, relatif aux conditions de prise de participations par les établissements de crédit, interdisait à ceux-ci de détenir 30 % du capital social ou des droits de vote de sociétés autres que
«les établissements de crédit, les sociétés exerçant des activités connexes à celles de ces établissements et les sociétés de services contrôlées par ceux-ci ainsi que les sociétés d’investissement et de portefeuille». En activant un fort lobbying en 2004, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) a obtenu l’intégration des compagnies d’assurance et assimilées dans ces dernières exceptions. Le contournement des restrictions du code des assurances – maintenant réalisé – devenait un simple jeu de montage financier.
L’ambition des banques ne s’arrêtera sans doute pas à l’assurance dommages habitation, greffée à leur produit d’appel de crédit immobilier, puisque de nouveaux flux d’affaires en bancassurance, notamment le risque entreprise et l’automobile, devront, à terme, être également distribués dans les réseaux bancaires. Une révolution qui a déjà connu un certain succès dans les pays occidentaux, mais que les courtiers indépendants voient comme une concurrence «déloyale». Par conséquent, ils dénoncent vivement le projet d’amendement de la loi sur l’assurance visant l’extension du champ d’activité de la bancassurance à l’automobile. La Direction de l’assurance et de la prévoyance sociale (DAPS) soutient quant à elle que la création de cabinets de courtage par les banques aura des répercussions positives sur le secteur. Thamy Barki, son directeur, estime que «l’on aura certes les grosses structures organisées d’un côté et les petits courtiers qui devront, à terme, entamer leur mise à niveau ou se regrouper. Mais, tout cela aboutira in fine à la modernisation du secteur et à l’amélioration des modes de travail et de gestion. Ce qui ne peut qu’être bénéfique au secteur».

Et si les banques se mettaient à faire de l’assurance auto…

Le projet d’amendement de la loi sur l’assurance visant l’extension du champ d’activité de la bancassurance à l’automobile représenterait à l’évidence une menace pour les courtiers. Si une telle disposition venait à être adoptée, elle se traduirait par la fermeture de plusieurs cabinets. Il existe actuellement environ 1 000 cabinets, dont 180 nouvellement agréés, en juin 2005, et le ministère entend, selon un courtier de la place, organiser un autre examen d’accès. Ce qui fait dire à un courtier qu’il n’y a «aucune logique dans l’approche du ministère qui connaît bien les répercussions que cette mesure aura sur le marché ». Autrement dit, l’autorité de tutelle accroît en connaissance de cause les difficultés des indépendants.