Associations de micro-crédit : Un secteur résilient en dépit des contraintes

• Il peine à revenir aux fondamentaux d’avant-Covid
• Certains engagements de l’Etat ne sont toujours pas honorés
• Le taux du risque est compris dans une fourchette entre 15 et 20%
• Les acteurs maintiennent les aides aux emprunteurs, ainsi que les emplois.

Le secteur du micro-crédit, aussi résilient soit-il, fait toujours les frais du passage de la crise sanitaire. Selon les statistiques trimestrielles de Bank Al-Maghrib, l’encours des crédits accordés pour la micro-entreprise a atteint 5,8 milliards de DH à fin septembre, en baisse de 8% par rapport au début de l’année. Dans ce cadre, le secteur peine à revenir aux fondamentaux d’avant-Covid. «La production de crédits n’a toujours pas repris le rythme d’auparavant, et ce pour deux raisons. D’un côté, les demandeurs potentiels préfèrent reporter leur projet dans un contexte de manque de confiance et d’augmentation de risque. Et, d’un autre, les agents de crédits sont plus réticents à accorder des crédits ; les conditions étant plus resserrées», explique un directeur d’une association de micro-crédit.

La situation délicate dans laquelle se trouve ce secteur est due certes aux facteurs intrinsèques liés à la pandémie qui continue de sévir ; mais également à d’autres éléments relatifs aux engagements de l’Etat et aux différentes mesures prises. Autant certaines ont été complètement honorées, autant d’autres ne le sont toujours pas et les acteurs sont toujours dans l’attente. Allusion faite essentiellement à la prise en charge des intérêts partiels dus aux reports des remboursements, sur une période allant jusqu’à 3 mois. «Rien n’est fait jusqu’à présent. Ce sont donc les associations de micro-crédit qui endossent ces intérêts au détriment de l’effritement de leurs fonds propres, dans l’attente d’un remboursement de la part de l’Etat», se désole un membre de la Fédération nationale des associations du micro-crédit (FNAM). Si les big players du marché ont les reins solides pour supporter le volume découlant de ces intérêts partiels, pour le moment, les associations de petite taille, elles, sont dans une mauvaise posture et c’est vers elles que l’attention du gouvernement doit être le plus accordée, surtout qu’elles éprouvent beaucoup de difficultés à accéder aux lignes de liquidité des banques. D’ailleurs, toujours selon BAM, l’encours des emprunts auprès des banques a affiché un ralentissement. Il a réalisé une hausse de 8% à fin septembre, totalisant 4,1 milliards de DH, contre une augmentation de 24% en 2020. En détails, l’encours des emprunts de trésorerie est en baisse de 48% à 272 MDH sur les 9 premiers mois (-24,6% au T3 2020), au moment où celui des emprunts financiers a augmenté de 17% à 3,8 milliards de DH (38% au T3 2020).

Compte tenu de ces conditions dans lesquelles évolue le secteur, les revenus ne seront pas au rendez-vous cette année. «Le chiffre d’affaires sectoriel devrait atteindre en moyenne les niveaux affichés en 2016/2017», estime notre source. Pour ne rien arranger à la situation, ajoute le membre de la FNAM, le recouvrement des impayés devrait prendre des années, surtout qu’on est à un niveau situé entre 15% et 20% du portefeuille affecté. Pour illustrer, notre source fait le comparatif : «Suite à la dernière crise qu’a connue le secteur en 2011, nous avons recouvré 50% du portefeuille affecté, 5 ans plus tard» ; cela, sachant que la durée de la crise n’est pas la même que celle actuelle.

En dépit de toutes ces complications, le secteur continue de résister, pour une crise d’une telle ampleur, de par la vocation sociale qu’il joue, mais aussi du fait qu’il soit consacré comme catalyseur important dans l’implémentation de la stratégie nationale d’inclusion financière. «Nous avons mis en place des dispositifs que nous essayons tant bien que mal de sauvegarder. Entre autres, nous n’avons pas réalisé les garanties présentées dans certains dossiers de crédit. A côté, nous avons distribué des aides aux emprunteurs les plus touchés et, sur le plan de l’activité, nous avons maintenu les emplois…», indique notre interlocuteur. Toutefois, il reste primordial et urgent de prêter main forte à ce secteur dont les réalisations restent importantes tant sur le plan économique que social. D’ailleurs, les associations de micro-crédit marocaines figurent parmi les plus dynamiques du monde arabe. Le Maroc se positionne juste après l’Egypte en termes de portefeuille de crédits. A fin 2020, l’encours accordé au niveau national s’élève à 760 millions de dollars contre 1,23 milliard de dollars alloué en Egypte. De même, le Maroc figure encore une fois en deuxième position, en termes de clients actifs. Sur les 5,54 millions de clients recensés dans le monde arabe, 910 000 émanent des associations de microcrédit marocaines contre 3,2 millions de clients actifs en Egypte.

Des conditions préférentielles en matière d’impôt sont espérées par les acteurs

Le cadre législatif des associations de micro-crédit a évolué, à travers la promulgation en juillet dernier, de la loi n°50-20, censée insuffler une nouvelle dynamique à ce secteur considéré comme levier de lutte contre la précarité. Parmi les nouveautés apportées, au-delà du relèvement du plafond des crédits accordés à 150 000 DH, en fonction de l’activité de l’emprunteur, la possibilité d’opter pour deux statuts : une association assimilée à un établissement de crédit ou une société par actions assimilée à un établissement de crédit. Toutefois, les acteurs s’attendent à des conditions préférentielles, en faveur des associations de micro-crédit converties, notamment en matière d’impôt. «Les futures associations transformées en établissements de crédit ne peuvent supporter une imposition dans les mêmes conditions que celles des banques ou des sociétés de financement. Ce ne sont pas les mêmes montants engagés, encore moins les mêmes bénéfices dégagés ou les mêmes risques supportés», conclut le directeur d’une association de micro-crédit.