Accord Maroc-UE : les professionnels protestent, le ministère se veut rassurant
30% de la contrepartie financière ira au développement du secteur.
L’accord de pêche que le Maroc a signé avec l’UE le jeudi 28 juillet, au-delà de son contenu, a pris de court tout le monde par la rapidité de sa conclusion. Alors que l’on était dans une perspective de plusieurs rounds de négociations et voilà que trois jours auront suffi pour un accord présenté comme délicat. Pour Mohamed Tarmidi, secrétaire général du département des Pêches, cela n’a pas été sans mal et la partie juridique a donné du tournis aux négociateurs et leur a valu une nuit blanche. Mais, selon lui, ce qui a facilité la tâche, c’est que les Européens ont compris deux choses : d’abord, céphalopodes et crevettes ne peuvent faire l’objet d’aucune entente et étaient hors discussion. Ensuite, le nombre de bateaux devrait être très limité et de 600 unités de pêche dans l’ancien accord, on en est à 119 dans l’actuel.
En fait, le contenu de l’accord est diversement apprécié par la profession, même si nombre d’entre les armateurs ou les industriels affirment ne pas en connaà®tre les détails, notamment Omar Akouri (pêche hauturière) ou encore Mohamed Bouayad (Fédération des industries des produits de la mer).
En dépit de la réduction de la flotte, Lahcen Bijdiguen, président de la Confédération de la pêche côtière, estime que «cet accord est une ponction de la ressource. Si nous savons que le Maroc devait, néanmoins, le signer pour des considérations qui vont certainement lui ouvrir d’autres portes, je considère personnellement que la contrepartie financière est très insuffisante». Et puis, ajoute-t-il, les petits palangriers marocains qui constituent près de 40 % des 2 000 unités marocaines, et qui sont déjà mis à rude épreuve par les unités des sociétés mixtes, vont souffrir beaucoup plus qu’auparavant avec l’exacerbation de la concurrence.
Les scientifiques ont conseillé d’aller jusqu’à 100 000 tonnes par an
Le secrétaire général du Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière n’est pas plus tendre : ni avec la démarche qui a abouti à l’accord ni avec son contenu. Pour Abderrahmane El Yazidi, il s’agit ni plus ni moins d’un accord anti-démocratique puisque, d’une part, les Marocains n’ont pas été correctement informés et qu’il n’y a pas eu de débat sur la question. D’autre part, non seulement les professionnels ont été tout simplement ignorés, mais cet accord désavantageux pour le Maroc, affirme-t-il, s’est conclu alors que le Maroc n’a pas encore de plans d’aménagement en matière de pêche ou de pêcherie.
Hassan Sentissi, président de la Fédération nationale des industries de la pêche, apporte un jugement nuancé : «Cet accord ouvre au pays des horizons avec les 25 pays membres de l’UE et le maintien de son absence nous aurait certainement desservis. Il se trouve qu’il n’a pas été mal négocié, ce qui en fait un deal de moindre mal que ses prédécesseurs. Maintenant, il faut que cela s’accompagne par une arrivée d’investisseurs européens, qu’il s’agisse d’unités dans les chantiers navals, de transformation ou d’intrants. Et puis, il faut qu’une partie de la contrepartie financière aille aux infrastructures portuaires et à la mise à niveau de la profession».
Mohamed Tarmidi, secrétaire général du ministère en charge du dossier et patron des négociateurs marocains qui ont scellé l’accord de pêche signé la semaine dernière, reste de marbre devant toute protestation et mise en cause. Pour lui, il faut d’abord relativiser : «Tout d’abord, c’est un petit accord, qu’il s’agisse du nombre de bateaux autorisés ou de quantités à pêcher : 119 unités, côtières et artisanales, autorisées à faire des extractions de 60 000 tonnes par an. Les scientifiques nous ont conseillé d’accepter le seuil d’extraction de 100 000 tonnes par an, sachant que le stock disponible est de l’ordre de 600 000 à 900 000 tonnes. Alors qu’on ne me dise pas que nous n’avons pas su négocier. Et puis, nous avons pris soin de préserver la plus grande part aux nationaux. Ce n’est pas pour rien que les senneurs étrangers au nord de Kénitra ne sont autorisés à pêcher qu’au-delà de 9 miles, laissant à notre flotte la possibilité de se servir dans la partie entre 3 et 6 miles, la zone la plus proche et la plus poissonneuse. Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres». Pour Mohamed Tarmidi, résumer la contrepartie financière à 36,1 millions d’euros par an est une erreur, car il faut y ajouter les redevances annuelles (3,6 millions d’euros) et les droits de licence que paient les unités autorisées à pêcher (ces droits trimestriels vont de 50 à 70 euros par unité).
S’agissant de ce qui va revenir au secteur de la manne financière de l’accord, l’engagement est pris d’en faire bénéficier les filières de la pêche. Si on ne veut pas donner de chiffres, on affirme qu’outre la recherche et la mise à niveau de la flotte côtière et artisanale, le fonds de restructuration de la pêche artisanale bénéficiera d’une part conséquente des fonds.