80 milliards de DH de masse salariale et 160 milliards d’investissements publics

Le gouvernement propose d’augmenter l’investissement public pour soutenir la demande intérieure.
20 000 postes d’emplois créés dans l’Administration.
L’enveloppe de la compensation ramenée à  13 milliards de DH.
Pas d’IS à  25% pour les entreprises cette année.

Pour la deuxième année consécutive, le budget d’investissement augmente considérablement. C’est une manière de renforcer la demande intérieure, variable principale de la croissance économique du Maroc. Dans le projet de Loi de finances pour 2010, il est en effet proposé de porter l’enveloppe de l’investissement du Budget général de l’Etat à quelque 53 milliards de DH, soit une augmentation d’environ 18% par rapport à celui de 2009 (45 milliards de DH), lequel, rappelons-le, avait enregistré une hausse de 25% par rapport à 2008.
Mieux, en considérant l’investissement consolidé, c’est-à-dire la totalité de l’investissement public (entreprises et établissements publics, Fonds Hassan II, collectivités locales, comptes spéciaux du Trésor et services de l’Etat gérés de manière autonome – SEGMA), le montant s’établit à 160 milliards de DH, soit une hausse de 18,5 % par rapport à celui de 2009.
Mais si les crédits de paiement sont en hausse, ceux destinés au fonctionnement sont maintenus quasiment au même niveau que l’année dernière, soit un peu plus de 151 milliards de DH. On s’en doute bien, la détente des prix des matières premières y est pour quelque chose puisque les crédits alloués à la compensation s’élèvent à 13 milliards de DH, contre 33 milliards en 2009. C’est donc une baisse considérable sur ce poste (- 60,6 %). En revanche, le budget du personnel, lui, augmente à quelque 80,6 milliards de DH, contre 75,6 milliards en 2009 (+ 6,6 %). Il y a là l’effet à la fois des recrutements à opérer pour combler les besoins (plus de 20 000 personnes) et celui de la mise en œuvre de la deuxième tranche des augmentations de salaires, décidée dans le cadre du dialogue social conjuguée aux retombées de la réforme de l’IR.
Ainsi, malgré une maîtrise des dépenses de fonctionnement, le déficit en 2010 se situerait à 4%, sous l’effet à la fois de la hausse des dépenses d’investissement et du tassement des recettes fiscales. Avec une croissance prévue à 3,5% (sous l’hypothèse d’un baril à 75 dollars et d’une campagne agricole moyenne), les recettes fiscales, qui tendent à refléter le niveau de l’activité économique, auront du mal à retrouver le rythme de progression qu’elles ont connu ces dernières années, en particulier en 2008.

Hausse de la TIC pour compenser une partie des baisses d’impôts
C’est la raison pour laquelle le gouvernement poursuit le toilettage de la fiscalité indirecte, en particulier la TVA, dont il semble vouloir faire un impôt pivot pour l’avenir. Ce n’est certes pas nouveau, puisque la réforme de cette taxe a déjà commencé depuis 2005. Elle se poursuivra donc en 2010 (si le Parlement valide les mesures proposées) avec la panoplie de propositions que contient le projet de Budget, examiné les mardi et mercredi 13 et 14 octobre.
La particularité des mesures d’élargissement de l’assiette de la fiscalité indirecte, contexte socio-économique oblige, est qu’elles concernent des produits à impact social presque insignifiant. Au départ, il avait été envisagé de remettre sur le tapis le relèvement de la TVA sur l’eau et la taxation du sucre brut. On constate que le gouvernement a finalement choisi de surseoir à ces mesures, anticipant sans doute l’opposition qui ne manquerait pas de se manifester au Parlement au moment de leur discussion ; comme cela s’est produit l’an dernier à propos de la hausse de la TVA sur l’eau. Mais, il n’y a pas de doute là-dessus, ce ne sera que partie remise : ces réformes auront bien lieu. Peut-être en 2011, 2012, mais elles auront lieu. Ne serait-ce que pour supprimer les effets de butoir qui enlèvent à la TVA (dans le cas de l’eau, comme dans bien d’autres cas) son caractère de neutralité économique.
En lieu et place, l’Exécutif a mis le paquet sur l’augmentation de la taxe intérieure de consommation (TIC) des produits considérés sinon comme de luxe, du moins non nécessaires : les boissons alcoolisées. C’est une consécration des amendements présentés par le PJD l’année dernière (voir encadré).

La carotte fiscale ?
Pas maintenant

La difficulté du contexte a, par ailleurs, eu raison de la volonté de certains responsables, au ministère des finances même, d’introduire dans le Budget des mesures d’incitations à l’épargne longue. Le ministre lui-même, il y a encore quelques jours, avait déclaré que l’épargne longue serait encouragée dans la Loi de finances de 2010. Et toute une série de mesures avaient été préparées dans ce sens. Elles devront attendre des jours meilleurs. C’est que, estiment certains, «le moment n’est pas propice à des carottes fiscales. La réforme de l’IR en est déjà une». De la même manière, la demande du patronat de ramener l’impôt sur les sociétés à 25% passe à la trappe, et c’était prévisible. «On ne fait pas une réforme de deux grands impôts en un seul coup», explique-t-on au ministère des finances. Surtout pas lorsque la pression sur les finances publiques est ce que l’on sait, pourrait-on ajouter. En revanche, et comme nous l’annoncions dans notre édition du 2 octobre, un geste en faveur des regroupements et fusions de sociétés a été accordé. Pourquoi seulement un geste ? Parce que les opérateurs auraient souhaité que l’exonération de la plus-value de fusion soit définitive et non temporaire (trois ans), comme cela est prévu dans le projet. Pour le reste, l’essentiel des mesures se limite à la simplification et l’harmonisation de la matière fiscale. Mais ce n’est pas sans intérêt. Car l’acquittement de l’impôt ou d’une taxe n’est pas seulement une charge sur son budget, c’est parfois, et même souvent dans certains cas, une occasion pour maintes complications et tracasseries. L’impôt doit être juste et, autant que faire se peut, simple. C’est une façon d’inciter les contribuables à s’en acquitter.
Au total, le projet de Loi de finances pour 2010, en dépit des contraintes qui pèsent sur les recettes, a mis le paquet sur l’investissement, maintenu l’engagement de réformer l’impôt sur le revenu (donc encouragement à la consommation) et renvoyé à des jours meilleurs certaines autres mesures de réforme fiscale. Il faut maintenant espérer que la conjoncture se redresse, car il n’est pas dit que les 3,5% de croissance prévue soient au rendez-vous. Auquel cas le déficit pourrait filer davantage, d’autant que, avec le déficit de la balance des paiements, il faut s’attendre à la reprise de l’endettement extérieur de façon plus soutenue…