3,4 millions des personnes actives sont dans l’auto-emploi

Le dispositif «Moukawalati» a généré 3 200 entreprises et 9 500 emplois depuis 2006.
Les sans diplôme sont les plus nombreux à se lancer dans la création de leur entreprise.
Le déficit de la culture entrepreneuriale et l’absence de financement alternatif sont parmi les principaux freins à la création d’entreprise.
L’auto-emploi, comme moyen de création de revenus et, pourquoi pas…d’emplois, commence à se développer, malgré l’insuffisance des conditions objectives (faiblesse du financement adéquat, notamment) et culturelles (culture embryonnaire de l’entrepreneuriat) pour son expansion, comme l’ont noté, à propos de l’ensemble des pays arabes, certains experts lors du séminaire international sur le sujet organisé récemment à Marrakech.
Pour aider les diplômés chômeurs et les chercheurs d’emplois à intégrer la vie active, le Maroc a mis en place en 2006 un dispositif d’appui à la création de la toute petite entreprise (TPE), connu sous le nom de «Moukawalati». Depuis le démarrage de ce programme à la fin de 2006 et jusqu’à la fin du mois de novembre 2010, 3 200 entreprises ont été créées dans ce cadre (voir histogramme), selon Hafid Kamal, directeur général de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences (Anapec), gestionnaire du dispositif. Et ces entreprises ont généré 9 500 emplois, soit près de trois emplois par unité. D’ici la fin de l’année, près de 200 autres TPE devraient voir le jour, selon les estimations de M. Kamal.
Ce rythme de création est évidemment lent et les responsables, aussi bien de l’Anapec que ceux des départements ministériels concernés comme l’Emploi et le Commerce et l’Industrie, le reconnaissent. Surtout lorsqu’on sait que, faute de structures d’accompagnement post-création, les entreprises créées n’arrivent pas toutes à se maintenir en vie.
Même en atteignant «un régime de croisière» avec 1 000 à 1 500 créations par an, «cela reste très faible en comparaison avec ce qui se fait dans d’autres pays», explique le DG de l’Anapec.
«Moukawalati» en synergie avec l’INDH
Les diagnostics réalisés par l’Anapec sur l’auto-emploi, et plus particulièrement sur son programme «Moukawalati», mettent en évidence des difficultés de plusieurs ordres. On peut citer, pêle-mêle, le déficit de la culture entrepreneuriale, l’absence de financement alternatif au financement bancaire, guère adapté aux besoins de la TPE, la complexité des procédures administratives pour le démarrage des activités, les difficultés d’accès au foncier, l’absence de protection sociale (en dehors de contrats privés, jugés onéreux)… Bref, l’environnement, dans sa configuration actuelle, paraît peu propice au développement de la TPE. Ceci a amené l’Anapec à entreprendre, à partir de 2009, certaines actions en vue de pallier les déficits constatés. Outre la multiplication de campagnes audiovisuelles autour du sujet, elle a surtout opéré un rapprochement avec l’Initiative nationale de développement humain (INDH) pour le financement de certains projets. Moyennant la conclusion de conventions de partenariat avec des provinces, une vingtaine d’entreprises ont pu être créées cette année par ce mécanisme.
Toujours pour atténuer les difficultés de financement, l’Anapec a également mis en place des plates-formes régionales d’appui à la création de la TPE, et l’expérience menée à Agadir, baptisée «Souss Massa Draa Initiative», a permis le financement de 43 projets depuis 2009. «Cela laisse penser que cette expérience pourrait donner encore de meilleurs résultats», espère-t-on à l’Anapec.
Mais au-delà du dispositif «Moukawalati», qui est, après tout, de création récente, que représente aujourd’hui l’auto-emploi dans le développement de l’emploi au Maroc de façon générale ? Selon les statistiques du Haut commissariat au plan (HCP), l’auto-emploi (dans lequel sont regroupés les indépendants et les employeurs(*)) pèse un bon tiers dans l’emploi total : près de 33% au troisième trimestre de 2010, soit environ 3,4 millions d’emplois.
Les diplômés de niveau supérieur peu présents dans l’auto-emploi
Ce n’est évidemment pas négligeable, sauf que cette proportion semble s’inscrire dans une certaine stagnation. Et cette stagnation concerne aussi bien les indépendants que les employeurs (voir tableau). L’explication de ce phénomène, outre les difficultés déjà mentionnées, pourrait avoir un lien avec la qualification des porteurs de projets. La structure de l’auto-emploi selon le diplôme montre en effet, chez les indépendants, que les sans diplôme sont les plus nombreux : 2 287 232 personnes, soit 80,5% des travailleurs indépendants. Quelque 485 089 personnes ont un niveau moyen (17%) et seulement 70 182 ont un niveau supérieur (2,5%). C’est exactement la même configuration que l’on observe chez les employeurs, avec certes une différence moins prononcée quant aux écarts qui séparent chaque catégorie : 45,2% pour les sans diplôme, près de 30% pour les diplômés moyens et moins de 25% pour les diplômés du supérieur.
L’autre caractéristique de l’auto-emploi, qui découlerait d’ailleurs probablement de ce qui précède, c’est qu’il est marqué par un sous-emploi assez élevé ; du moins comparativement au sous-emploi dans l’emploi total. En effet, le sous-emploi pour l’année 2009 (cette donnée est seulement annuelle) représente 30% de l’auto-emploi quand il n’est que de 10% dans l’emploi total !
Tout cela corrobore le constat selon lequel l’auto-emploi est encore faible, non plus seulement d’ailleurs au Maroc mais partout dans les pays arabes. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que «75% de l’économie arabe et 90% de son commerce» soient contrôlés par…5 000 familles, comme l’a indiqué un responsable de l’Organisation arabe du travail lors du séminaire de Marrakech sur l’auto-emploi.
(*) Définition : les indépendants sont les personnes qui travaillent pour eux-mêmes, et les employeurs sont ceux qui emploient les autres et…s’emploient eux-mêmes.