Khalid SEMMAOUI : «Nous pouvons faire encore mieux dans les énergies renouvelables»

Le bilan de la Stratégie énergétique nationale est globalement positif. Meilleur accompagnement des TPE et des PME, refonte du cadre légal, ouverture du marché électrique de la moyenne tension, développement de l’export sont les défis à relever.

Créée en 1987, l’Amisole est une association professionnelle de premier plan dans le secteur des énergies renouvelables. Ses membres ont accompagné différents chantiers dès les années 80 à l’époque de l’arrivée du pompage solaire et le démarrage de l’électrification rurale jusqu’à aujourd’hui. La légitimité de l’Association marocaine des industries solaires et éoliennes (Amisole), lui permet de rejoindre en 2010 la Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables (FENELEC). Son président Khalid Semmaoui dresse pour «La Vie éco» un bilan détaillé de la nouvelle stratégie énergétique du Royaume dans le secteur des énergies renouvelables.

Il y a dix ans, le Maroc a mis en place une nouvelle stratégie énergétique. Quel bilan en faites-vous ?
ça dépend où l’on regarde. En termes de réalisations des grandes centrales solaires et éoliennes de MASEN et l’ONEE, le bilan est plutôt positif, puisque les projets sont terminés pour certains et bien avancés pour d’autres. En termes de développement de savoir-faire local et exportable, le bilan est plus mitigé.
Globalement, ce qui rend le bilan plutôt positif est le véritable engouement du citoyen et de l’entreprise pour les énergies renouvelables, suscité d’abord par l’intérêt royal, et par la communication qui a accompagné cette stratégie ainsi que par des événements très médiatiques tels que la COP22.

L’écrasante majorité des membres de l’amisole sont des TPE et des PME. On dit souvent que celles-ci n’ont pas assez profité du chantier de déploiement des énergies renouvelables. Est-ce vrai ?
Oui, c’est incontestable. S’il y a eu une croissance importante dans certains secteurs d’activité de nos membres, elle est due à la baisse importante des coûts des composants ces 10 dernières années, et malheureusement pas à l’implication de l’entreprise marocaine (dans les métiers propres aux énergies renouvelables) dans la stratégie nationale.

Quelles sont les principales revendications de l’Amisole pour booster l’activité des entreprises marocaines de son secteur ?
Ce sont les mêmes demandes que nous réitérons depuis des années : réglementation plus flexible, financements appropriés, qu’une partie des projets soit à la portée des entreprises locales et donc une place plus importante en valeur et en valeur ajoutée renouvelable, pour l’entreprise marocaine. Il est vrai par contre qu’il y a une vraie écoute depuis près de deux ans de la part du ministère de l’énergie qui a organisé plusieurs ateliers durant l’année 2018 pour écouter, échanger et préparer l’amendement de l’arsenal juridique autour des énergies renouvelables. Et nous attendons avec impatience ces amendements.

La poursuite de la libéralisation du secteur électrique est envisagée, en l’occurrence, via l’ouverture de la moyenne tension. Dans quelle mesure ce chantier est important pour vous ?
La moyenne tension est importante pour nous, parce qu’il n’y a pas d’alternative. D’une part, il paraît que c’est compliqué pour la basse tension et qu’une ouverture n’est donc pas à l’ordre du jour à court terme. D’autre part, le marché est presque saturé en haute tension – ça fait plusieurs années par ailleurs qu’aucun projet en haute tension n’a été approuvé dans le cadre de cette loi. Il n’y a donc plus que la moyenne tension pour espérer développer ce marché.

Les énergies renouvelables se déploient partout en Afrique. Le Maroc a une certaine longueur d’avance. Comment peut-il intégrer l’industrie des EnR ?
Le Maroc avait de l’avance il y a plusieurs années. Il en a peut-être encore aujourd’hui sur la taille des projets réalisés, notamment en éolien, mais beaucoup de pays africains sont venus plus tard que nous aux énergies renouvelables, avec notamment un cadre réglementaire plus attractif. Il suffit de prendre l’exemple de la Tunisie. Je crains que nous n’ayons plus tant d’avance que ça. En fait, quand on discute avec les acteurs qui font le marché aujourd’hui, que ce soit le ministère de l’énergie, Masen ou l’ONEE, leur sincérité et volonté de développer le secteur et les entreprises marocaines ne font aucun doute. C’est la traduction de cette volonté affichée et avérée dans des mesures concrètes qui tarde à se réaliser alors que d’autres pays, comparables au nôtre, y arrivent bien.

Enfin, quelles sont les perspectives de développement dans votre secteur ?
Le secteur, hors grands projets, devrait continuer à se développer à son rythme, c’est-à-dire moyen, grâce à la baisse des prix des composants qui rendent les énergies renouvelables économiquement intéressantes dans certaines conditions. D’autres facteurs viendront impacter le secteur, comme le prix de l’énergie ou le développement et la baisse du prix du stockage. Les perspectives de développement sont donc réelles et nous devons faire en sorte qu’elles soient au niveau du potentiel de notre pays et des perspectives d’export qu’offre l’Afrique notamment.
En conclusion, beaucoup de très bonnes choses se sont passées durant cette décennie : lancement et réalisation de grands projets (MASEN, ONEE), lancement d’instituts de formation spécifiques (IFMEREE), réalisation de centres de recherche en relation avec le secteur (IRESEN notamment), installation d’un acteur fort devenu incontournable dans le secteur (MASEN), clarification des rôles d’organismes connexes au secteur, début de mise en place de l’Autorité de régulation (ANRE), sensibilisation du citoyen et de l’entreprise aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique…Nous en sommes ravis. Nous pouvons faire encore mieux, notamment pour développer les PME du secteur, créatrices de valeur ajoutée et d’emplois et exportatrices de savoir-faire et de solutions.