Pour un réajustement progressif du dirham

Le contexte économique mondial impose au Maroc d’améliorer sa compétitivité. Dans ce sens,
le réajustement du dirham et son décrochage de l’euro donnerait une impulsion à l’investissement productif et aux exportations et permettrait le réajustement de l’économie tout entière
par l’intermédiaire des prix et des coûts.

Les exportations marocaines sont sur une tendance baissière depuis plusieurs mois ; le démantèlement, début 2005, de l’accord multifibres, était programmé depuis plusieurs années ; tous les analystes prédisaient un impact négatif grave sur nos exportations de textile si aucune mesure de fond n’était prise.
Avec l’ouverture des frontières, d’autres menaces pèsent sur les secteurs industriels marocains qui n’ont que des avantages compétitifs fragiles – faible valeur ajoutée locale, valeur ajoutée artificiellement gonflée par la protection douanière, ou valeur ajoutée importante mais non compétitive au niveau international (voir l’étude McKinsey et les analyses des opérateurs économiques et chercheurs marocains).
Agir sur les facteurs de coûts et chercher de nouveaux créneaux où l’on dispose d’avantages compétitifs
Resteraient les industries et les services où le Maroc a des atouts structurels : l’atout de la nature (produits agricoles, produits de la mer, mines, tourisme), l’atout de la proximité géographique par rapport à l’Europe (tourisme, délocalisations de certains services, petites séries pour certaines industries, fabrication de produits ne pouvant subir beaucoup de transport), ou encore l’atout des savoir-faire spécifiques (artisanat, produits innovants).
Les produits industriels ou de service, où le Maroc n’a pas d’avantages compétitifs particuliers, pourraient disparaître progressivement de nos secteurs économiques.
La compétition mondiale impose à chaque pays de défendre ses acquis par une perpétuelle dynamique de veille et de changement des paramètres économiques nationaux (fiscalité, taux de change de la monnaie nationale, aides publiques, adaptation de l’enseignement, soutien à la recherche…). Dans ce cadre, nous allons assister, de plus en plus, à des «batailles» économiques entre différents pays pour préserver, ou accroître, leurs parts de marché, leurs emplois et les équilibres de leur commerce extérieur.
Quelles sont alors les options qui s’offrent au Maroc ? Certainement, plusieurs, dont celles ci-après :
z Améliorer sa compétitivité par les facteurs de coûts (énergie, transport, productivité, fiscalité et charges sociales sur les salaires,…) : chantier difficile qui imposerait de remettre en cause un certain nombre d’acquis. La fiscalité et les charges sociales sur les salaires seraient probablement les premiers chantiers de fond à lancer.
z Améliorer sa compétitivité par une nouvelle politique réaliste du taux de change du dirham.
z Chercher de nouveaux créneaux dans lesquels nous pourrions avoir des avantages compétitifs.
z Réagir de manière dynamique à la compétition mondiale, en fonction de l’évolution de notre économie, de nos exportations, de nos importations, et également en fonction des évolutions des politiques économiques des autres pays,…
La décision aurait dû être prise avant, par touches successives
pour en amortir les effets
Dans la situation présente, il me semble qu’un réajustement progressif du dirham par rapport aux principales devises serait une réelle nécessité afin de retrouver une nouvelle dynamique industrielle, de donner une impulsion à l’investissement productif dans notre pays et aux exportations nationales.
En effet, actuellement qu’est-ce qui justifie objectivement, au Maroc, le fait que le dirham s’apprécie vis-à-vis du dollar ou de l’euro ?
N’avons-nous pas intérêt à nous libérer du lien actuel avec le panier de devises centré sur l’euro ?
N’avons-nous pas intérêt à suivre notre propre logique et réalité économique au lieu d’être dépendants, pour le cours de change du dirham, des différentes décisions économiques des pays étrangers ?
Les analystes, qui mettent en avant l’impact négatif «mécanique» qu’aurait une dévaluation du dirham sur la dette et les importations nationales, ont principalement raison sur le timing de cette décision, dans le sens où la décision aurait dû être prise bien avant, par touches successives, afin d’amortir ses effets négatifs et les rendre plus «soft», plus naturels.
Ces impacts négatifs devraient être analysés dans le temps, dans le sens où l’augmentation du coût des importations doit avoir pour effet une baisse de ces importations, un réajustement de la consommation locale, un développement des industries marocaines travaillant pour le marché local et pour l’export et un développement des industries de services à l’export (tourisme, centres d’appel,…)
Par contre, si aucune décision n’est prise dans le sens du réajustement, il est à craindre que la situation ne s’aggrave et que des décisions encore plus douloureuses ne soient à prendre par la suite. Nous ne serions certainement ni le premier ni le dernier pays à réajuster sa monnaie.
Bien sûr, le réajustement du dirham ne peut, à lui seul, résoudre la problématique de développement actuelle : d’autres mesures soit d’accompagnement du réajustement (TVA pour le marché local, droits de douane sur les intrants, charges sociales, SMIG régional…), soit simplement d’encouragement des investissements industriels seraient à prévoir.
A travers le réajustement du dirham, ce qui serait visé, en fait, ce serait le réajustement de l’économie marocaine tout entière, par l’intermédiaire des prix et des coûts