Le décalage de la rentrée
On a fait attention ces vacances,
on n’est parti loin que pour quinze jours, le reste on l’a passé chez soi,
à bricoler, à recevoir la famille. Pourtant, on a dû se laisser aller inconsidérablement, un pot par-ci, une soirée par-là , on a claqué plus
de fric qu’on aurait dû. Sans compter que la hausse du prix de l’essence, mine de rien, ça a… pompé plus
de liquide qu’on ne pensait.
Alors, ça y est ? Vous êtes rentrés ? Enfin, pour certains d’entre vous… Et vous avez repris le chemin du bureau, de l’usine, de l’atelier, du magasin. Sans enthousiasme excessif. Mais sans trop traà®ner les pieds non plus : on est tellement content de reprendre de l’activité en ce temps o๠le chômage est à tous les coins de rue. Et puis, avez-vous écouté le discours des politiques? Les chantiers sont lancés, laissez le temps au temps… Juste un mieux de coordination et les résultats pointeront à un horizon pas lointain. L’impératif de la rigueur budgétaire ? Cela fait des années qu’elle fait partie du décorum. On a fini par s’en accommoder. Tout est question d’arbitrage dans l’affectation des maigres ressources, vous diront les initiés à ce langage ampoulé qui assène la vérité technocratique à mille lieux de vos préoccupations. Le premier ministre s’attelle à boucler la Loi de finances. Encore quelques retouches et la copie recueillera la satisfaction de tous. Les experts en conjoncture prévoient la fin du cycle de déprime. Ils vous reparlent même de reprise, qui est pour demain, quasiment à portée de main. Encore un peu de patience et on y est…. Des pertes d’emplois en perspectives ? Non, mais avez-vous entendu le message des syndicalistes à la sortie de leur rencontre avec le gouvernement ? Satisfaits à vous faire rougir de perplexité. Jamais une réunion ne s’est tenue dans un climat aussi consensuel et avenant. Alors, pour les oiseaux de mauvais augure qui vous annonçaient une rentrée chaude… ils peuvent attendre… Mais cette fameuse croissance forte et soutenue, ça fait combien de temps qu’on vous l’annonce pour… le trimestre prochain, le semestre prochain, l’année prochaine ? Et on marche, chaque fois. On y croit. Avec de moins en moins d’enthousiasme, il faut le dire. Et ces économistes, statisticiens et spécialistes de tout poil ne cessent pour autant de vaticiner sans relâche, apportant à l’appui de leurs prophéties raisonnements solidement charpentés, indices encourageants, démonstrations argumentées… Mais la croissance est toujours atone. Le doute s’installe dans nos esprits puisque rien ne vient confirmer ces prédictions si agréables : la production fluctue mollement ; le chômage ne régresse point ; l’Europe, notre client, a connu une année noire, comme elle n’en a pas vécu depuis longtemps… Rien d’exaltant dans tout cela. Mais attendez… attendez, vous n’allez pas entamer la rentrée sur le mode de la morosité ? Vous y avez baigné toute l’année. C’est vrai, pour vous, le problème de la rentrée, ce n’est pas tellement le probable remaniement ministériel ou l’hypothétique reprise de la croissance. Le problème, c’est tous les petits soucis quotidiens. Bien sûr, on a fait attention ces vacances, on n’est parti loin que pour quinze jours, le reste on l’a passé chez soi, à bricoler, à recevoir la famille. Pourtant, on a dû se laisser aller inconsidérablement, un pot par-ci, une soirée par-là , on a claqué plus de fric qu’on aurait dû. Sans compter que la hausse du prix de l’essence, mine de rien, ça a pompé plus de liquide qu’on ne pensait… Bref, on n’a pas fait de folies, bien sûr, mais le résultat est là , douloureux : on est fauché. Comme les blés. Et il faut préparer les gamins pour la rentrée des classes. Ils ont grandi, les bougres, c’est pas croyable ! Les chaussures sont trop petites et, de toute façon, déjà usées par l’aà®né. Le blouson, ça peut attendre un peu, à condition qu’il ne fasse pas froid trop tôt, mais les jeans, c’est maintenant, tout de suite, sauf à essuyer l’ire des enfants. On ne peut pas dire non toujours, pour tout. On sait qu’il faudra bien se laisser faire, pour un ou deux articles. Heureusement que la friperie est à portée de bourse. A l’école, une liste toujours trop longue de fournitures vous attend. On se surprend à se demander ce qui va être à la mode, cette année, comme trousse, comme classeur… C’est que les fabricants ont une imagination débordante pour créer les musts dont un gosse ne peut se passer ! Côté bouquins, pour la plus petite, ça va, les livres sont à des prix abordables, mais pour les deux grands, bonjour ! Pas très requinquant, tout ça. Non ? Enfin, comme disait un de mes copains : arrêtez de râler. Pensez à ceux pour qui septembre est un mois comme les autres… Il n’est pas synonyme de rentrée… parce que, tout simplement, il n’ y a pas eu de vacances de la dèche.