Inventer de l’adulte

Inutile de nous voiler la face, la délinquance, sous ses formes les plus intolérables, est devenue la forte tentation d’une bonne part de la jeunesse. Elle cible aussi bien les privilégiés et les nantis que les déshérités vulnérables. En somme, tous les adultes, sans discrimination positive ou négative. Ceux-ci ripostent par l’indignation, le découragement ou la punition. Le plus grave, c’est que nous n’assistons pas à un conflit de générations, où chacune chercherait à imposer à l’autre ses valeurs, mais à une rupture entre les générations, où les adultes s’engoncent dans leur morale étriquée, tandis que les jeunes, désorientés, faute de repères intériorisés, s’abandonnent à la violence pour affirmer leur existence. On n’en serait pas à cette extrémité si les parents ne tendaient pas à se dérober à leur devoir premier, qui est éducatif. On aurait évité ces dérives juvéniles et coupables si notre enseignement, devenu excessivement utilitaire, n’avait pas cessé de se préoccuper d’éveiller à la conscience morale, d’imposer les règles de la vie commune. A cause de cela, le problème de la relation entre les générations forme un trou noir dans notre société. Toutes les passerelles doivent être réinventées pour reprendre le dialogue avec les jeunes. Inventer de l’adulte là où il n’existe plus. En finir avec nos complaisances, nos lâchetés démagogiques, notre peur de notre jeunesse. Car je crains que nous n’ayons construit plus de places de prison pour les jeunes de nos villes que de lieux d’apprentissage de la vie adulte.