Deux poids, deux mesures !

Le gouvernement a décidé d’aider le textile en proie à  des difficultés majeures. Mais d’autres secteurs risquent de se retrouver bientôt sinistrés si l’Etat ne se préoccupe pas davantage de leur sort. Entre autres, l’agriculture, dont les acteurs ont le tort d’être désunis et de ne pas faire de vagues.

D’après un article paru cette semaine sur un journal hebdomadaire, Monsieur Jettou, premier ministre, aurait promis aux textiliens un soutien substantiel allant jusqu’à  régler leurs dettes bancaires.
Bravo monsieur le premier ministre! Et tant mieux pour nos amis du secteur du textile qui n’ont pas fini de faire les frais de cette calamiteuse mondialisation et tant mieux, surtout, pour les 200 000 salariés qui doivent leur subsistance à  l’industrie du fil.
Toutefois, il y a lieu de souligner (sans jalousie aucune) la politique de deux poids et deux mesures pratiquée par le premier ministre et l’iniquité qui se dégage de sa façon de traiter les problèmes d’un secteur à  l’autre.
En effet, bien d’autres secteurs économiques ont souffert de l’ouverture des frontières et de la concurrence étrangère déloyale, en plus d’autres facteurs compromettants, sans que la primature n’ait manifesté la moindre inquiétude.
Je veux parler évidemment de l’agriculture. Ce secteur est sans doute le premier à  être confronté à  une concurrence extérieure copieusement subventionnée, usant en plus du dumping et de la sous-facturation pour atténuer les taxes douanières à  l’entrée, ce qui rend le mal encore plus douloureux voire même asphyxiant.
Prenons l’exemple de cette campagne qui arrive à  son terme. L’hiver a été rude, le mercure est tombé à  -8° durant des semaines, la sécheresse sévit encore. Toutes les cultures, pratiquement, ont été touchées, des plantations ont brûlé, il faudra au moins deux ans pour certains créneaux avant de se refaire une santé. Qu’a fait le gouvernement de monsieur Jettou pour les agriculteurs? Rien, pas la moindre attention.
Pourtant, l’agriculture assure la sécurité alimentaire, souvent à  vil prix, au grand bonheur des consommateurs. Elle occupe directement ou indirectement 60 % des Marocains, elle offre 40 % des opportunités d’emploi. Elle est la source d’approvisionnement en matières premières de l’agro-industrie et enfin, elle régule l’exode vers les grandes agglomérations o๠le problème de la sécurité commence à  se poser avec acuité. Ce n’est pas rien, tout ça, monsieur le premier ministre!
Alors, pourquoi n’avez-vous même pas daigné recevoir les représentants de ce secteur, ne serait-ce que pour les consoler ? Pourtant la presse (que je remercie au passage) a longuement traité de la situation dans laquelle les agriculteurs se trouvaient. Même la télévision a montré des images des dégâts et les a rediffusées à  plusieurs reprises, sans parvenir à  déclencher une réaction des responsables dans l’espoir de rassurer les victimes, dont beaucoup ont tout perdu. Pourquoi l’agriculture est-elle donc marginalisée ? Peut-être parce que les opérateurs du secteur sont désunis et ne font pas de bruit ? C’est peut-être vrai ou peut-être l’agriculture ne contribue-t-elle pas assez dans le revenu du pays ? à‡a, c’est moins vrai.
Souvenons-nous que le taux de croissance prévisionnel lancé par le ministère des Finances au cours du mois de décembre 2004, en prévision d’une campagne agricole moyenne, était de 3,6%. Cinquante jours plus tard, quand le froid a fait son effet et que la sécheresse s’est confirmée, le taux a été revu à  la baisse pour tomber à  2,4%. Donc, en faisant un petit calcul simple, on s’aperçoit que l’agriculture intervient pour 33% dans le PIB. D’autre part, il suffit de constater la crise et le marasme dans lesquels se trouve le pays (conséquence de la sécheresse) pour apprécier l’impact de l’agriculture sur notre économie !
Faites l’effort, monsieur le premier ministre, de comprendre qu’on ne peut plus tenir dans les conditions o๠nous sommes.
Faites l’effort de comprendre que le monde rural o๠nous évoluons ne peut plus attendre un développement qui ne risque pas d’aboutir, au rythme actuel de votre administration.
Faites l’effort de comprendre qu’on ne peut tenir en face d’une concurrence étrangère féroce, avec des avantages conçus pour décimer notre économie déjà  précaire. Vous allez aujourd’hui assister le textile, c’est une excellente chose, mais demain, et après, que comptez-vous faire ? Le spectre chinois continue à  se dresser, contre tous, pour ne plus disparaà®tre; il compte contrôler, dans un proche avenir, 50% de l’économie planétaire. Franchement, est-ce qu’on peut se maintenir dans les 50% qui restent, parmi des puissances comme l’Europe, le Japon, le reste de l’Asie et les Etats-Unis ? Si vous y croyez, dites- nous comment vous pensez y parvenir, monsieur le premier ministre

Pour les opérateurs du secteur, l’agriculture a souffert des conséquences désastreuses de la météo mais subit aussi une concurrence extérieure qui recourt largement au dumping et à  la sous-facturation.