Automobile : la percée des marques asiatiques est structurelle

Pour peu que certaines marques asiatiques introduisent le diesel en voitures particulières et s’attaquent parallèlement au marché MPV, leur part de marché pourrait passer aisément à 60% et peut être même plus.
Si le marché du neuf est aujourd’hui en baisse de 15%, le marché de l’occasion issu des ré-immatriculations est en forte progression, passant ainsi de 12 000 à 34 000 unités entre 2008 et fin août 2009.
Mohamed Nadif, cadre commercial chez un concessionnaire.
Le marché automobile marocain a connu une croissance soutenue pour les voitures importées montées (CBU) entre 2002 et 2008. Cette croissance a été accompagnée d’une nouvelle reconfiguration de la répartition des parts de marché entre marques asiatiques et marques européennes.
La domination catégorique des marques européennes sur le marché marocain n’est plus dans l’ère du temps. En effet, la part de marché des marques asiatiques est passée de 12 à 44% en l’espace de 6 ans. Plusieurs raisons sont à l’origine de cette pénétration progressive, symptomatique d’un changement structurel en faveur de l’origine asiatique.
En premier lieu, le marché marocain devient un marché significatif pour les marques asiatiques en termes de taille et de volume. Il en a résulté un effort de repositionnement tarifaire accompagné d’un élargissement et d’européanisation de gamme.
Ce constat est vérifié par une croissance soutenue qui traduit une tendance lourde puisque la taille du marché est passée de 40 000 à 120 000 unités entre 2002 et 2008. Nombreux considèrent que cette croissance est imputée au processus du démantèlement entré en vigueur en mars 2003 en faveur des marques européennes au détriment des marques asiatiques. Or, dans un marché en croissance, et hormis certaines marques allemandes, nombreuses sont les marques européennes qui affichent une chute libre en termes de part de marché. Elles progressent certes en termes de volume mais moins bien que le marché. La croissance du marché est, en fait, la résultante de l’amélioration des indicateurs économiques vers leurs effets induits sur la répartition des revenus, la tendance baissière du TEG couplée à l’apparition de la LOA, l’accroissement des bases taxables sur les voitures d’occasion ainsi que le déficit chronique de la motorisation des ménages.
En second lieu, les marques asiatiques autrefois absentes du marché diesel en voitures particulières sont parvenues à accroître durablement leur part de marché en CBU. Ainsi, avant la levée des quotas en juin 2000 pour les marques asiatiques dans les pays de l’UE, elles étaient déjà prêtes à pénétrer le marché européen (le marché le plus diésélisé au monde) avec une gamme de voitures diesel à petite cylindrée couvrant 65 % de la demande et même le bas de gamme. Avant la levée des quotas, les marques asiatiques ne s’entêtaient pas à introduire des voitures diesel performantes en Europe du fait du contingentement imposé par l’Union Européenne. Leurs marchés significatifs sont essentiellement orientés essence, notamment le marché domestique pour des raisons environnementales et les marchés des Etats-Unis et du Moyen-Orient qui sont portés jusqu’ici sur la mécanique essence du fait du prix bas à la pompe. Dans un souci de compétitivité et pour légitimer l’intérêt pour la mécanique diesel, il a fallu attendre l’ouverture du marché européen fortement diésélisé pour réduire le coût unitaire grâce à l’effet volume. Par ailleurs, l’apparition concomitante d’une nouvelle technologie diesel dite de Common Rail (Rampe commune) a rendu les mécaniques diesel hautement performantes, silencieuses et moins polluantes. Grâce à cet apport technologique, la demande des consommateurs du marché domestique (Asie) est de plus en plus portée sur les voitures diesel. Au-delà des facteurs de compétitivité intrinsèques, caractéristique des marques asiatiques, l’ouverture du marché européen et l’accueil favorable de la nouvelle technologie diesel par le marché domestique, ont permis de capitaliser sur les économies d’échelle pour réduire davantage les coûts de facteurs.
En troisième lieu, le marché des véhicules 4X4 SUV (Super Utility Vehicle) dominé à 90% par les marques asiatiques a connu un engouement sans précédent de la part des consommateurs marocains. Ainsi, ce segment est passé de 1 500 à 7 000 unités par an entre 2004 et 2008, soit une progression de 370% en l’espace de 4 ans. Par ailleurs, le marché du Pick-up, qui est également la chasse gardée des marques asiatiques, a connu également une très forte croissance, passant ainsi de 2 800 à 6 500 unités par an, soit une progression de 132% entre 2002 et 2008.
La performance des marques asiatiques aurait été beaucoup plus importante durant cette explosion de la demande. En effet, nombreuses sont les marques asiatiques, particulièrement japonaises, qui demeurent absentes dans les segments diesel et bas de gamme. Il s’agit notamment des marques Mazda, Mitsubishi, Honda (présente uniquement en H1), Daihatsu et Subaru.
Il importe de souligner que les marques asiatiques sont également absentes dans un segment représentant plus de 10% de la demande nationale, soit environ 12 000 unités. Il s’agit du segment des véhicules utilitaires(S) genre Peugeot Partner ou Citroën Berlingo repositionnés, il y a quelques années, en voitures de tourisme dans les statistiques de l’AIVAM. Il est aujourd’hui professionnellement catalogué en tant que MPV (Multi Purpose Vehicle, véhicule à usage multiple).
Pour peu que certaines marques asiatiques introduisent le diesel en voitures particulières (65% de la demande) et s’attaquent parallèlement au marché MPV, leur part de marché pourrait passer aisément à 60% et peut-être même plus. Si le marché du neuf est aujourd’hui en baisse de 15%, le marché de l’occasion issu des ré-immatriculations est en forte progression, passant ainsi de 12 000 à 34 000 unités entre 2008 et fin août 2009. Cela signifie que la croissance est au rendez-vous malgré la crise.
(S) L’appellation utilitaire est appropriée.
Autrement, elle aurait été appelée Multi Purpose Car (MPC).