Assises de l’industrie : esprit es-tu là ?

On attendait des IIe Assises nationales de l’industrie qu’elles soient un grand forum consensuel confirmant les ambitions du Pacte Emergence et remettant l’industrie au cœur du débat public dans la perspective d’en faire une activité moderne, plus entreprenante et plus innovante. Il faut reconnaître que l’événement a pris les allures d’un show médiatique, d’un spectacle de sons et lumières ponctué de discours officiels, de témoignages de personnalités et conclu par la signature des conventions de partenariat : un cérémonial devenu un classique du genre. Tout cela est compréhensible mais cela ne dispense pas les chargés de la politique industrielle d’une réflexion évaluative ouverte sur toutes les parties prenantes appuyée par la diffusion d’une information actualisée, pertinente et crédible, gage d’une réelle transparence et vecteur d’un débat sérieux. Un vrai bilan qui respecterait l’esprit des Assises qui ne peuvent être assimilées à une simple opération de communication. Les enjeux du pacte sont trop importants pour les laisser à la seule appréciation des décideurs publics et privés.
Au-delà du choix des nouveaux métiers ou de l’amélioration du climat des affaires, deux objectifs du pacte sont cruciaux pour relever les défis : l’amélioration de la compétitivité des entreprises et la territorialisation de la politique industrielle.
En effet, le Maroc ne peut aujourd’hui compter sur des groupes industriels, communément appelés «champions nationaux», qui constitueraient ce qu’on appelle encore les «fleurons» ou les «fers de lance» de l’industrie marocaine. Nous n’avons aucun champion, présent dans des secteurs comme l’électronique, l’automobile ou encore l’aéronautique, qui donnerait au Maroc une place industrielle qui compte. Le problème ne réside pas aujourd’hui dans l’interrogation sur l’opportunité d’un patriotisme économique ou d’une forme de protectionnisme industriel pour faire émerger ces champions mais bien au contraire sur la force d’attractivité du Maroc pour faciliter la venue au Maroc de sociétés étrangères qui y créent de l’emploi. Toutefois, le dynamisme du tissu industriel local est un élément aussi (sinon plus) déterminant que l’aide publique à l’implantation des investissements étrangers.
L’appui au développement de structures industrielles locales plus petites, comme les PME ou les Entreprises de taille intermédiaire constitue un élément fondamental de la politique industrielle. Le Pacte national a fait de l’amélioration de la compétitivité des PME un objectif essentiel de sa démarche. Les outils définis à cette fin (Imtiaz, Moussanada, Fonds public-privé, Inmaâ) et la panoplie des autres mesures d’appui tardent à donner des résultats. Notre économie ne crée pas de nombreuses entreprises industrielles mais surtout elle ne parvient pas à les faire grandir. On constate aujourd’hui un déficit d’ETI. Ces entreprises peuvent être les grands groupes de demain. Les causes de cette faiblesse sont connues : effets des seuils sociaux, faiblesse des effets d’agglomération, insuffisante culture technique, peu de transfert d’innovation et surtout difficultés de financement. Les banques sont trop frileuses à l’égard de ces entreprises et peu de dispositifs sont prévus afin d’accompagner ces entreprises dans leur développement et d’améliorer l’accès des PME-ETI au marché financier. Par ailleurs, le Pacte national fait du développement de Plateformes industrielles intégrées le support-clé de sa politique d’attractivité territoriale. Quinze principaux chantiers ont été placés auprès d’aménageurs développeurs. L’état d’avancement des chantiers est très inégal, ce qui est, somme toute, naturel. Par contre, une politique d’attractivité industrielle territorialisée ne peut se réduire à la mise à disposition des entreprises de sites d’accueil, même s’ils sont normés aux meilleurs standards internationaux. L’attractivité de l’investissement est fortement conditionnée par la valorisation des autres atouts des territoires. Ainsi, la qualité des universités et des établissements de recherche est essentielle pour permettre aux entreprises de trouver les capacités de recherche et développement dont elles ont besoin. Il est donc essentiel que les régions disposent d’un système d’éducation et de recherche qui leur permette d’apporter une réponse dans les secteurs qui présentent une importance stratégique pour l’économie régionale.
La qualité de vie fait aussi partie des atouts des territoires ; une réputation qui permet aux entreprises de faire venir plus facilement des salariés, des chercheurs et des cadres de haut niveau. La promotion des savoir-faire locaux est également un moteur puissant pour la construction de l’image du territoire en matière économique et pour attirer les entreprises. Enfin, certains équipements peuvent se révéler cruciaux pour aider les entreprises à développer leurs projets. Demain, les régions vont constituer l’échelon le plus adapté pour concevoir une stratégie de développement cohérente et adaptée aux territoires. L’organisation de l’action industrielle doit donc s’adapter à ce nouveau contexte dans le cadre régional et prévoir de nouveaux schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services dans le domaine de la formation, des infrastructures et des transports. Le Pacte Emergence a encore devant lui bien des défis à surmonter. Les attentes à l’égard des entreprises et des acteurs locaux sont fortes, pour ne pas dire plus fortes encore qu’à l’égard de l’Etat. Ces deux sphères d’intervention, aux interactions évidentes, doivent impérativement répondre aux besoins de convergence et de synergie pour gagner le challenge du Maroc industriel.