Télétravail : Entretien avec Réda Taleb, DG d’Officium Maroc

Des enquêtes montrent que le taux de télétravailleurs est compris entre 20 et 30% en Europe et en Amérique du Nord n Ce système nécessite une solide organisation.
n Pour garder les liens, une présence périodique au bureau est indispensable.
De plus en plus, le travail à distance s’impose dans nombre d’organisations. C’est moins de formalisme et plus de flexibilité et d’autonomie pour les salariés. Le présentiel n’est pas pour autant délaissé.
Retour sur les principales dimensions de cette forme de travail avec Réda Taleb, DG du cabinet Officium Maroc et président de l’Observatoire marocain des pratiques du management (OMPM).
Le télétravail est une démarche qui a du mal à s’implanter dans nos organisations. Pourquoi ?
La culture du travail à distance (télétravail) est relativement récente dans la vie des organisations. Il a été favorisé par l’apparition des nouvelles technologies. Il pose fondamentalement le souci du contrôle du travail qui, dans certaines organisations et métiers, est encore intimement lié à l’effort et non au résultat. Le fait que le salarié ne soit pas présent pose donc le souci de savoir s’il concacre réellement le temps qu’il faut à son travail ou pas. Dans les métiers intimement liés au résultat (cas de la force de vente par exemple), le télétravail est largement répandu.
Etes-vous pour ce genre de flexibilité du travail ?
Cela dépend largement du métier et du secteur d’activité. L’avenir de l’entreprise sera nécessairement porté par des modes d’organisation et de travail différents de ceux que nous avons connus jusque-là. Les technologies favorisent aussi fortement ce mode de travail : au-delà de la polémique au sujet des opérateurs téléphoniques qui ont bloqué le VoIP (canaux multimedia), force est de constater que ce type de solutions (gratuites pour la plupart) a quand même révolutionné la donne.
Ceci étant, pour plusieurs métiers, le fait d’être présent physiquement est indispensable, ne serait-ce que par moment. D’ailleurs, la dernière étude d’Officium Maroc faite dans le cadre de l’Observatoire marocain des pratiques de management (OMPM) a fait ressortir que plus de 60% des managers marocains sont impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans un fonctionnement en mode projet avec des équipes multifonctionnelles. Le présentiel s’impose donc dans ce cas de figure.
Quels sont les exemples que vous avez pu observer localement en matière de travail à distance ?
Selon notre expérience, le télétravail est fortement favorisé dans deux cas de figure : les métiers qui requièrent une certaine expertise (cabinets de conseil, architectes…) et dans les multinationales ou les entreprise multi-site, qui ont mis en place des techniques et de l’infrastructure favorisant le travail à distance (d’un site à l’autre), ce qui a du coup été favorable pour le travail de pratiquement n’importe quel endroit (chez soi, une chambre d’hôtel, un autre site de la même entreprise…).
Quels sont les métiers ou les activités pour lesquels on peut opter pour cette démarche ?
Les métiers à forte composante commerciale (avec/chez le client) ou ceux nécessitant un travail d’expert (qui n’a pas besoin nécessairement de travailler avec les autres). Cette forme d’organisation permet aux commerciaux d’être plus souvent en clientèle, aux techniciens de maintenance d’intervenir sur leurs équipements à distance, ou encore aux cadres dirigeants de rester en contact avec leurs équipes quand ils sont en déplacement.
L’entreprise peut-elle perdre sa culture d’entreprise ?
Les éléments définissant la culture d’une entreprise sont nombreux. Les éléments physiques (locaux, mobilier…) en font partie. Le fait de favoriser, ou pas, le travail à distance en fait partie : il ne s’agit donc pas de risque de perte de culture, mais plutôt d’un élément pouvant lui-même influencer, voire définir la culture de l’entreprise.
Bien entendu, le télétravail a beaucoup d’avantages s’il est bien organisé. On peut citer, notamment, l’efficacité, le fort sentiment d’appartenance à l’entreprise, la flexibilité ou encore la réduction des charges de structure pour l’entreprise et des frais de transport pour les salariés.
Le télétravailleur bénéficie-t-il des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise ?
Oui. Le lien de subordination employeur-employé est ce qui définit les droits et avantages. Le reste des éléments font davantage partie des actes de management et des choix internes de compétitivité et d’équité de la relation avec les salariés. Certains sujets par contre deviennent un peu plus compliqués : le cas des accidents de travail, par exemple, quand le salarié subit un préjudice en situation de télétravail.
n Est-ce que l’employeur doit préciser des clauses spécifiques au télétravail dans le contrat de travail ?
Le lieu de travail doit être encadré dans le carré de la relation contractuelle. Ceci étant, la loi n’a pas nécessairement été pensée, à la base, pour intégrer cette notion. Le juge a donc la latitude de l’interprétation et de l’assimilation à des situations plus conventionnelles en cas de souci spécifique.