Slim Kabbaj : «Le besoin de se protéger peut pousser à projeter une image négative»

Une image se construit ou se défait dans le temps, c’est la récurrence des petits détails qui met les projecteurs sur une personne. Les habitudes, les croyances, les valeurs, les conditionnements, les mauvais apprentissages, les pensées sont des points sur lesquels il faut agir.
Un mot de travers, un échange brutal, une attitude négative…, il suffit d’un rien pour se coller une mauvaise image. Parfois, elle peut constituer un frein à une carrière. Slim Kabbaj, président d’IS Force, (Institut supérieur de formation de consultance et d’expertise), explique comment rebondir lorsqu’on traîne des casseroles.
La valorisation ou la dépréciation d’une personne se joue parfois sur des détails. Pourquoi ?
Dans une organisation, tout ce qui est perçu d’une personne correspond à de la communication. Et donc les petits détails sont remarqués, particulièrement s’ils sont récurrents et finissent par traduire des signes indicateurs critiques : problème de valeur et de confiance, problème de caractère, de tempérament et d’attitude, manque de rigueur et de discipline. Dans ce cas-là, oui ! Cela peut nuire à l’image de la personne et à sa carrière. Dans le cas où ces détails sont ponctuels, le temps, la performance et la persévérance se chargeront d’ajuster la perception des autres, notamment celle de la hiérarchie chargée de l’évaluation.
Faut-il en parler ou non lors des entretiens de recrutement ?
Dans les deux cas, il vaut mieux éviter d’en parler lors d’un recrutement ; car l’on se met tout de suite en position de faiblesse et on instille la
défiance. C’est pour cela d’ailleurs que la prudence est recommandée lorsqu’il y a une question du type «quel est votre point faible» ou «quelles sont les situations que vous ne savez pas gérer». Clairement, loin de toute situation de challenge, recrutement ou autre, si le problème d’image est sensible et chronique, il est préférable d’y faire face objectivement.
Comment agir lorsqu’on traîne constamment une mauvaise réputation ?
L’idéal serait de réagir avant d’avoir la réputation «d’avoir beaucoup de casseroles», autrement elle vous précédera là ou vous allez dans l’entreprise, et les bruits de couloir sont tenaces, ainsi que le «téléphone arabe». Sinon pour rebondir, trois scénarios me semblent possibles :
– convaincre sa hiérarchie que les critiques ne sont pas fondées et demander le bénéfice du doute le temps de faire réellement ses preuves ;
– faire des excuses en avançant sincèrement des problèmes personnels ou de management et faire des promesses de changement pour avoir une «seconde chance» ;
– changer d’entreprise pour recommencer à zéro en mettant cette fois-ci toutes les chances de son côté et éviter scrupuleusement de refaire les mêmes erreurs.
En tant que coach, vous arrive-t-il de travailler sur de pareils cas ?
Certainement. Les problèmes d’attitude, de communication, de gestion de conflits, d’intelligence émotionnelle, de leadership vertical ou latéral, d’esprit de décision, de discipline, de motivation, d’image et d’image de soi sont typiquement les sujets sur lesquels travaillent les coachs.
Pouvez-vous nous présenter quelques exemples ?
J’ai quelques exemples basés sur des problématiques de mauvaise communication et de préjugés.
Le premier est un client qui a demandé à être coaché pour améliorer sa communication parce que critiqué par son entourage. Il est apparu que la personne avait une mauvaise gestion de ses émotions avec un effet «cocotte-minute» régulier ; elle retenait tout à l’intérieur puis explosait à l’état limite de tension, de façon impulsive. Le travail a été axé sur la capacité à communiquer ses sensations avec calme et pondération, en valorisant les signaux émotionnels.
Dans le deuxième cas, un client était souvent en conflit avec ses collaborateurs et ses collègues, se sentant au fond de lui, peu respecté. Il devenait arrogant et blessant, prétextant intérieurement un besoin de se protéger et de s’imposer. Le travail a ciblé l’image de soi et la confiance en soi.
Un autre cas a nécessité un travail plus en profondeur, en groupe de formation. Il s’agit d’un client d’une grande intelligence cognitive, qui ne s’entendait jamais avec ses supérieurs hiérarchiques ; il en était à son cinquième travail en 8 ans. Cette personne avait mis beaucoup «d’arbres pour cacher la forêt» et montrait beaucoup de conditionnements. Il avait ainsi réponse à tout, accusant les autres et ayant raison contre tous. Après un cheminement complexe et évitant les multiples résistances et stratégies d’évitement, nous avons pu aborder et «vider» l’immense colère intérieure doublée d’une grande frustration, héritée de l’adolescence et de parents peu affectueux.
Quels sont les aspects sur lesquels vous agissez pour aider la ou les personnes à mieux rebondir ?
Les aspects sur lesquels on travaille apparaissent au fur et à mesure du processus : les habitudes, les croyances, les valeurs, les conditionnements, les mauvais apprentissages, les pensées, notamment les pensées automatiques, les inhibitions, les émotions, les états physiologiques, le fonctionnement du cerveau… A travers les exemples présentés ci-dessus et ce que nous savons des comportements humains, les cheminements sont multiples et variés, parfois inattendus. Cela dit, nous prenons comme hypothèse que la personne a de bonnes intentions, qu’elle a les ressources réelles ou potentielles, conscientes ou inconscientes, pour trouver les solutions ; notre rôle est alors de l’accompagner, de l’éveiller afin d’élargir son éventail des choix pour atteindre les objectifs qu’elle s’est donnés. Quand la dynamique est instaurée, la personne reprend son chemin personnel et professionnel, dans l’autonomie et la durée.