Mobilité externe : Avis de Malgorzata Saadani, Directrice d’ANC Communications

«Il faut penser à  changer de structure quand on sent avoir bouclé un cycle de progrès professionnel»

Pour certains, changer d’entreprise reste un virage difficile à entreprendre. Age, situation personnelle difficile ou manque d’ambition, plein de raisons peuvent exister. Mais c’est souvent l’incertitude qui amène les individus à ne pas pendre de «risques». Malgorzata Saadani, coach international certifiée ICC et directrice d’ANC Communications, apporte un éclairage sur ces raisons.

Quelles sont généralement les raisons qui poussent les individus à avoir peur de changer entreprise ?

Les raisons peuvent être multiples : la première c’est tout simplement la satisfaction de la situation actuelle, notamment quand l’employé est content de ses conditions salariales, de la sécurité (durabilité) de son emploi, des perspectives d’évolution de carrière, du prestige dont jouit l’entreprise, de l’ambiance sociale qui y règne, des contacts intéressants tant avec les collègues et la hiérarchie qu’avec les clients ou fournisseurs. Certaines raisons peuvent aussi être liées à la situation personnelle d’un salarié, comme par exemple ses projets familiaux qui nécessitent une certaine stabilité, l’imminence du départ à la retraite ou encore ses engagements financiers à long terme tel un crédit immobilier. Et si en plus la situation sur le marché de travail est difficile, et donc les perspectives de ré-embauche ne sont pas assurées, les conditions seront réunies pour inciter l’employé à préserver le statut quo.

La mobilité est-elle tant redoutée par les Marocains ?

A mon avis, il faut éviter les constatations trop simples. Pour affiner l’analyse, j’y verrais trois groupes de facteurs: ceux liés à l’employé en tant qu’individu (son niveau d’instruction et des compétences particulières, sa situation familiale, ses ambitions personnelles et son rapport personnel au changement), ceux liés à l’entreprise (sa responsabilité sociale, sa réputation et les conditions de travail qu’elle offre à son staff) et ceux liés au marché du travail dans son ensemble. Si un salarié n’a pas de compétences rares, s’il travaille pour une société sérieuse et si le taux de chômage global est important, la réticence liée à la mobilité est tout à fait compréhensible.
Si un éminent expert travaille dans une structure où il est constamment sous pression excessive et s’il n’y trouve pas de perspectives de carrière suffisamment motivantes, il peut envisager la mobilité facilement et sous un aspect positif.

Souvent, c’est la peur de l’inconnu qui est à l’origine de la réticence, comment la surmonter ?

La peur est une émotion forte, l’une des émotions dites primaires qui nous renseignent sur le danger et permettent de nous en préserver. La peur rationnelle et motivée nous empêche d’agir précipitamment et le regretter après, et dans ce contexte elle n’a pas à être combattue. Par contre, lorsqu’un employé se trouve dans une situation défavorable au sein de son entreprise, en subissant par exemple de mauvais traitements, la manipulation psychologique voire le «chantage à l’emploi», prendre du recul et évaluer sa situation peut lui donner du courage pour oser le changement et finalement améliorer sa situation. La meilleure façon de le faire c’est d’en parler avec une ou plusieurs personnes de confiance, expérimentées et non engagées dans les relations trop proches sur son lieu de travail actuel, et de faire des recherches sur les situations comparables. Et, surtout, consacrer le temps nécessaire à cette réflexion et laisser mûrir les idées.
Aussi, il me semble important de rappeler que si le changement a lieu, il doit être décidé en toute autonomie par la personne concernée et non pas imposé par ses conseillers, parce que c’est elle qui en subira ensuite les conséquences (positives ou négatives). Il faut aussi être conscient que chaque changement comporte une partie de risque relatif aux choses imprévisibles. L’accepter et en tenir compte aide à aborder la mobilité professionnelle avec plus de sérénité.

L’âge, par exemple, est-il un critère déterminant dans l’hésitation ?

C’est l’un des critères importants, mais peut-être pas déterminants. Une personne d’âge mûr a souvent plus de difficultés à retrouver l’emploi à la hauteur de ses ambitions, vu son acquis professionnel souvent très riche et les attentes salariales élevées, ou bien au contraire lorsqu’elle est dépassée sur le plan technologique. Sans parler de la discrimination à l’embauche liée à l’âge qui existe et qu’on ne peut pas nier. Toutefois, beaucoup dépend de son historique, de son réseau personnel et de l’attitude par rapport au changement.

A votre avis, faut-il souvent changer d’entreprise ?

Aussi souvent que la situation l’exige. Parfois, cela dépend de nous et parfois non (lorsque la société fait faillite, se délocalise ou change radicalement de profil d’activité). Quand nous sentons que nous avons bouclé un cycle de développement et de progrès professionnel, que la routine et l’ennui font baisser notre motivation, ou que les conditions de travail se dégradent (stagnation de la rémunération, difficultés des relations personnelles sur le lieu du travail), nous pouvons réfléchir aux opportunités du changement et nous y préparer concrètement.
En même temps, le changement régulier n’est pas une obligation : si un employé est parfaitement satisfait dans son entreprise (et vice versa), il peut aisément y passer toute sa carrière. Mais les cas d’une telle fidélité sont de plus en plus rares de nos jours. Si nous changeons d’entreprise après quelques années de travail, c’est tout à fait compréhensible et naturel. Par contre, si le changement a lieu tous les ans, il faudra nous attendre aux questions à ce sujet de la part de notre futur employeur.