Licencier un collaborateur : entretien avec Hafed Imam, Avocat au barreau de Casablanca

La moindre erreur d’appréciation et de suivi peut transformer un licenciement disciplinaire normal en licenciement abusif.
L’acte de licenciement est souvent délicat pour l’employeur qui risque une lourde sanction du juge si la procédure prévue par la loi n’est pas respectée. Hafed Imam, avocat au barreau de Casablanca, explique les principaux points à surveiller.
Quelles erreurs observe-t-on généralement en matière de licenciement ?
Le licenciement disciplinaire d’un salarié n’est pas toujours une mesure facile à prendre pour un manager, car il s’agit d’un terrain miné où la moindre petite erreur d’appréciation et de suivi peut aboutir sur un licenciement abusif qui donne droit à l’attribution d’indemnités au salarié licencié. Ceci étant, en tant que praticien, les erreurs les plus communes en matière de licenciement disciplinaire concernent l’irrespect de la procédure de licenciement prévue par les dispositions des articles 62 et suivants du code du travail. En effet, le non-respect de cette procédure entraîne de facto la qualification de licenciement abusif sans prendre en considération les motifs qui ont justifié la sanction disciplinaire, et ce, d’autant plus que les positions de la Cour de cassation marocaine sont assez explicites et mettent l’accent sur le respect littéral de cette procédure.
Quelle est justement la procédure à suivre en matière de licenciement ?
La procédure est expliquée en termes clairs par les dispositions du code du travail et peut se résumer comme suit :
– Donner au salarié la possibilité de se défendre à travers un entretien préalable dans les 8 jours qui suivent la découverte des faits imputés au salarié. Il est à noter que lors de cet entretien le salarié peut se faire assister par le délégué du personnel ou le représentant syndical de son choix et que cet entretien doit faire l’objet d’un PV signé par les parties. Ceci est le scénario idéal, mais la réalité peut cacher plusieurs imprévus comme le fait pour le salarié de refuser l’entretien ou de signer le PV, dans ces cas-là il est impératif de recourir à l’inspecteur du travail.
– Après l’entretien l’employeur doit prendre sa décision par rapport au salarié objet de la procédure disciplinaire. La lettre de licenciement doit nécessairement être notifiée au salarié dans les 48 heures qui suivent la prise de la décision. A cet égard, il est à signaler que les positions jurisprudentielles marocaines récentes obligent l’employeur à terminer la procédure en entier dans les 8 jours qui suivent la découverte des faits reprochés au salarié. Autrement dit, l’entretien préalable et la notification de la décision de licenciement doivent être réalisés dans les 8 jours de la découverte des motifs. Ce qui est assez court comme timing et implique un suivi accentué de la procédure. Il est impératif aussi que le PV de l’entretien soit joint à la lettre de licenciement et que celle-ci comporte quelques mentions obligatoires prévues dans les articles 64 et 65 du code du travail. Enfin il est tout aussi impératif d’envoyer une copie de la lettre de licenciement pour clore la procédure.
Quand faut-il le faire ?
Difficile de répondre à cette question, c’est toujours une décision douloureuse à prendre, notamment si le salarié a passé beaucoup de temps dans une entreprise. Mais pour rester objectif, un licenciement disciplinaire intervient lorsque le salarié a commis une faute grave ou une faute lourde.
La faute du salarié est considérée comme grave dès lors qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Le ou les faits doivent être directement imputables au salarié. La faute grave entraîne le départ immédiat du salarié.
La gravité de la faute est appréciée en fonction des circonstances propres à chaque fait. La faute grave peut être reconnue même si la faute est commise pour la première fois. Le code du travail donne une liste indicative de faits qui peuvent être considérés comme des fautes graves dans son article 39.
La faute du salarié est considérée comme lourde lorsqu’elle est commise dans l’intention de nuire à l’employeur. C’est à l’employeur d’apporter la preuve de cette intention de nuire. À défaut, la faute lourde ne peut pas être reconnue. Elle peut être reconnue notamment en cas de concurrence déloyale ou lors d’une grève (par exemple en cas de dégradation, violence, séquestration ou lorsque le salarié empêche délibérément d’autres salariés non-grévistes de travailler). En cas de faute lourde, l’employeur peut obtenir des dédommagements.
Peut-on par exemple licencier un employé pour mésentente ?
La mésentente peut dans certains cas justifier le licenciement d’un salarié. En effet, une mésentente profonde peut entraîner une perte de confiance qui peut rendre l’exécution du contrat de travail impossible. Ceci étant, il faut préciser que la mésentente ne peut être considérée comme un motif de licenciement que si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié qui rendent la relation de travail impossible et qui peuvent porter atteinte à l’entreprise (insultes). Comme le salarié qui publie des communiqués sur les réseaux sociaux dénigrant et critiquant l’entreprise. Ceci étant, il est toujours préférable d’éviter de licencier un salarié sur la base d’une mésentente, les juges marocains ont tendance à considérer de façon limitée ce qui peut constituer un motif justifiant le licenciement.
Le refus d’exécution d’une tâche particulière ou le refus d’une mutation peuvent-ils également motiver un licenciement ?
Pour le refus d’exécution d’une tâche, il est à préciser que si la tâche fait partie des missions coutumières du salarié ou fait partie de son descriptif de poste, le refus injustifié peut être considéré comme une faute grave. Pour la mutation, si elle est fondée, le refus par le salarié de la mutation peut être considéré comme un abandon de poste. Ceci étant, il faut toujours être prudent et procéder de façon progressive, car il n’y a pas de modèle, chaque cas de licenciement est à part avec ses propres spécificités.