Les ressources humaines dans l’offshoring, un défi de tous les jours

Les professionnels du secteur rivalisent d’ingéniosité pour séduire des profils
de plus en plus rares. Parmi les arguments avancés, les plans de carrières.
La fidélisation des compétences, un défi permanent.

S’il est un secteur d’activité où la course aux profils bat son plein, c’est bien celui de l’offshoring. Organisé autour de l’ITO (offshoring informatique), les centres d’appel et, dans une moindre mesure, le BPO (paie, facturation, comptabilité ou encore marketing en offshoring), ce secteur emploierait plus de 70 000 personnes pour un chiffre d’affaires de plus de 7 milliards de DH (chiffres de 2013). Selon l’Association marocaine de la relation client au Maroc (AMRC), le besoin en ressources humaines dans ce secteur s’élève à environ 10 000 personnes chaque année. D’après la dernière enquête de l’Anapec, rien qu’entre 2013 et 2015, près de 15 000 personnes devraient être recrutées dans ce secteur. A lui seul, il représente 15% du besoin national en recrutement à l’horizon 2015.
Une aubaine pour les chercheurs d’emploi au Maroc, dira-t-on. Hélas, le défi à relever est beaucoup plus élevé qu’il ne le paraît à première vue. Les profils se raréfient et la course au recrutement s’intensifie. Le président de l’AMRC, Youness Chraibi, ne cesse de répéter, dans ses différentes sorties médiatiques, que «le bassin de l’emploi n’est pas au diapason avec le positionnement actuel du pays : celui des prestations à forte valeur ajoutée haut de gamme». Malgré l’essoufflement de l’offre de main-d’œuvre, les grandes structures continuent d’investir au Maroc. A l’exemple d’Intelcia, qui a inauguré, en mai dernier, un nouveau site à El Jadida de 250 emplois. Ce qui porterait le total des effectifs de l’entreprise à plus de 3500 personnes. Un exploit réalisé en 5 ans d’existence seulement. Comment ces structures réussissent-elles encore à attirer les profils ?

Recrutement :
les entreprises optent pour le parrainage

C’est le maillon faible du secteur ! A l’arrivée, en 1999, des premiers opérateurs de l’offshoring au Maroc, les cabinets de recrutement étaient très sollicités. «Aujourd’hui, de moins en moins d’entreprises font appel à ces intermédiaires», souligne Othmane Loutfi, directeur  général de moncallcenter.ma. Externalisé au début, le recrutement est désormais pris en charge en interne afin d’en maîtriser tous les aspects. A commencer par l’image véhiculée au moment du recrutement. Les salons et foires dédiés à l’emploi sont particulièrement prisés pour leur capacité à permettre aux entreprises opérant dans ce secteur d’aller à la rencontre des chercheurs d’emploi. Les opérateurs du marché n’hésitent plus à investir dans des stands haut de gamme transformés pour l’occasion en bureaux de recrutement où se succèdent les prétendants.
Des journées portes ouvertes sont régulièrement organisées. Visites guidées, jeux de questions-réponses sur les perspectives de carrière et les grilles salariales avec, à la clé, des entretiens individuels pour les plus motivés. La technique la plus utilisée cependant reste de loin celle des parrainages. Qui de mieux placé, en effet, pour vendre l’image de l’entreprise qu’un salarié motivé par la prime de parrainage. Internet est aussi largement utilisé pour recruter. Webhelp, opérateur installé depuis 2002 au Maroc, en a fait un canal majeur de son recrutement à travers le site www.recrute.webhelp.ma. Le site connaît un franc succès depuis sa création avec
289 985 visites, 189666 utilisateurs, 1 422 457 pages vues, 800 recrutements et 35 000 abonnés à la Newsletter.

Rémunération :
les salaires évoluent peu dans le secteur

A améliorer ! Car si les salaires étaient alléchants à l’arrivée des premiers opérateurs de l’offshoring au Maroc, ils n’ont pas beaucoup évolué depuis. Pour certains postes, le salaire est de 3800 dirhams en 2011 contre 3 300 DH 10 ans auparavant. Pour d’autres «spécialités», le salaire atteint facilement les 7500 DH. De manière générale, les salaires dans les opérations de réception d’appels sont moins importants que ceux en appels sortants où le salaire peut parfois dépasser, primes incluses, les 10 000 dirhams par mois. Cependant, le stress est plus présent, à quelques exceptions près, en vente ou recouvrement (émission d’appels) qu’en service client ou support technique (réception d’appels).
Une charte des bonnes pratiques RH, établie il y a quelque temps, engage les entreprises signataires à ne pas se lancer dans une guerre d’augmentations des salaires au moment du recrutement. Ce «Gentlemen agreement» fait office de rempart contre les coups bas et abus et prévient contre la surenchère salariale. C’est une preuve que l’offshoring est arrivé à maturité et qu’il peut s’organiser. A en croire les professionnels interrogés, certes le salaire est intéressant pour les candidats, mais ce sont plus les possibilités d’évolution qui attirent davantage les profils pointus.

Plan de carrière :
le turnover force
les entreprises à privilégier la mobilité interne

Peu d’entreprises acceptent volontiers de parler de leur turnover. Dans ce secteur, il est très élevé: environ 40% sur les activités commerciales. Parfois, il atteint les 75% (sur les opérations d’annuaires téléphoniques). Mais il a tendance, depuis quelques années, à se stabiliser. Au terme ‘‘turnover’’, les professionnels préfèrent de plus en plus celui de «durée de vie» des salariés. Celle-ci serait en moyenne de 24 mois. Pour la prolonger davantage, les opérateurs de ce secteur investissent dans leurs ressources humaines. Preuve en sont les chiffres en matière d’avancement interne.
Pas moins de 85% des managers chez Accolade sont issus de la promotion interne. Ce taux s’élève à 97% chez Intelcia et 98% à Webhelp.
Pour les chercheurs d’emploi, la promotion interne est un des facteurs décisifs dans le choix d’une entreprise. Les recruteurs le savent et agissent en conséquence. «Le talent management fait partie de nos méthodes de management: nous sommes très actifs sur la détection de nos talents de demain. Notre nouvelle signature est d’ailleurs : Webhelp, votre talent, notre expertise», partage Philippe Broutin, directeur général de Webhelp. Pour y arriver, dès le recrutement, les profils sont pris en charge : formations, évaluations continues et contrôle, qualité des prestations servies sont au menu.
Des «acting as» sont même parfois nécessaires. Des périodes test durant lesquelles un salarié occupe un poste de responsabilité. Un avant-goût pour le prétendant au poste et une opportunité d’évaluer ses compétences managériales pour ses responsables.

Fidélisation : le bien-être, un argument incontournable

Fini le temps où seuls les restaurants d’entreprises étaient avancés comme arguments pour fidéliser les salariés. Les sociétés opérant dans l’offshoring rivalisent de nouveautés. Il y a quelques années déjà, les premières entreprises s’offraient le luxe de proposer des crèches d’entreprise, ou, à défaut, des subventions pour des crèches externes. Rien n’empêche d’être parent et prendre soin de son corps, tout en travaillant. Salles de sport et fitness clubs sont aujourd’hui érigées en arguments incontournables dans leurs politiques RH. Quant au traditionnel transport du personnel, il est gratuit presque dans toutes les structures qui le proposent. En parallèle, des programmes d’animation très chargés sont gérés au quotidien : incentives, voyages, challenges, concours, cadeaux, bons d’achat, etc. Tous les moyens sont bons pour combattre le stress et prévenir les malaises sociaux.