Les informations à caractère stratégique doivent être protégées

Dans beaucoup d’entreprises, la rétention d’information est encore synonyme de pouvoir. Une charte de la confidentialité fixant la hiérarchie des informations est un outil important.
Tout culte du secret motivé par le souci de protéger des informations vitales est sain et nécessaire pour l’entreprise. Il existe les informations qui concernent l’avenir de l’entreprise, entre autres sa stratégie, ses lancements de marque, les résultats de sa recherche développement…
Il y a également d’autres domaines ou la confidentialité est requise : notamment la rémunération des employés ou encore leur situation personnelle. Mais il existe aussi une dérive synonyme de désinformation ou encore de simple rétention.
Nawal Jai, consultante senior chez LMS ORH, nous explique ces aspects et surtout comment les gérer.
Est-ce que le «culte» du secret est présent dans les entreprises marocaines, et dans quelle proportion ?
Avant toute chose, il me paraît nécessaire d’établir une nette distinction entre «secret» et «discrétion». A mon avis, on devrait parler de «secret» pour toute information vitale dont la divulgation peut générer un impact important sur l’entreprise. Il peut s’agir d’une recherche et développement portant sur un nouveau produit, d’une campagne publicitaire en cours de préparation, d’une nouvelle politique de prix… Tout culte du «secret» de cette nature est tout à fait sain et nécessaire, et on le retrouve dans les entreprises marocaines, bien heureusement.
Mais il existe une certaine dérive de ce «culte» du secret : c’est la désinformation interne ou externe, la rétention d’information (sous prétexte qu’elle est secrète) ou encore la tendance à tout considérer comme étant secret… Ceci peut avoir un impact négatif sur le climat social, la fluidité de la circulation de l’information et, in fine, sur l’efficacité de l’entreprise.
Est-ce culturel ?
Certaines entreprises, et on peut citer par exemple Apple au niveau international, ont une forte culture du secret. Nous sommes dans le secteur des technologies, à forte concurrence et dans une entreprise cotée en Bourse ou, en effet, toute information qui filtre peut avoir un impact considérable sur sa valeur. Toute l’entreprise s’est structurée de manière à gérer la circulation de l’information : badges d’accès à chaque service, bureaux protégés par des codes… Chez nous, je pense que l’on peut difficilement dire que le «secret» est culturel. D’autant plus que la discrétion, elle-même, n’est pas naturelle, ni acquise…
Et c’est probablement en raison de notre faible discrétion que les entreprises maintiennent carrément «secrètes» des informations qui, somme toute, auraient pu être partagées en interne, si les personnes concernées pouvaient rester discrètes.
Ce qui est en revanche culturel dans nombre d’entreprises marocaines, c’est malheureusement la rétention d’information qui est encore synonyme de pouvoir.
Y a-t-il selon vous des sujets qu’il est important de maintenir secrets en entreprise ?
Il existe, comme cité précédemment, les informations qui concernent l’avenir de l’entreprise, entre autres, sa stratégie, ses lancements de marque, les résultats de sa recherche développement…
Il y a également d’autres domaines ou la confidentialité est requise : notamment la rémunération des employés ou encore leur situation personnelle. Ici encore, l’information doit être tenue confidentielle par la direction des RH ainsi que les décideurs impliqués dans les décisions portant sur la masse salariale… En revanche, on ne peut pas interdire à un employé de partager des informations sur sa propre rémunération…
Comment gérer ces aspects ?
Ce qui manque souvent dans l’entreprise est une «charte de confidentialité et de communication» qui puisse déterminer quels sont les sujets à partager totalement ou partiellement. Qui est habilité à s’exprimer au nom de l’entreprise ? Quelles sont les informations à partager avec les collaborateurs et sous quelle forme ? Quels sont les «champs réservés» ?… Cette réflexion est cruciale à mon sens pour éviter la «Radio moquette» et les bruits de couloirs, ou encore la diffusion d’informations inappropriée…
Avez-vous une anecdote à ce sujet ?
Il y en a des tas, mais je les garderai secrètes. Il m’est souvent arrivé de participer à des réunions ou toutes les personnes autour de la table avaient eu vent (sous le sceau du secret) d’une information qui avait circulé selon le mode du «téléphone arabe», avec l’ensemble des distorsions que l’on peut imaginer…
Dans ces réunions, le directeur général n’était jamais conscient du degré d’information de ses collaborateurs car il n’avait jamais imaginé que tout ce qui se passait dans son entreprise était diffusé par «Radio moquette». Peu à peu, les collaborateurs n’ont plus fait confiance en leur directeur général puisque ce dernier, notamment pour préserver le climat social, présentait une vérité maquillée, sans être conscient que toutes les personnes autour de lui étaient déjà informées, d’une autre vérité, peut-être la bonne. Ils ont tous vécu cela comme un manque de confiance à leur égard et la confiance en a pris un certain coup…