Les clans en entreprise : Avis de Abderrahmane Mokhtari, Directeur des RH au ministère de l’emploi

«On est dans un clan par sécurité et par affinité ; dans un réseau c’est pour l’avancée dans l’échelle sociale».

Au préalable, il faut dire que le clan tout comme le réseau constituent des lobbies efficaces dans les entreprises et dans toutes les organisations. La limite entre les deux est souvent invisible. Aussi bien le clan que le réseau sont composés de personnes ayant grosso modo la même culture, appartenant à la même catégorie socioprofessionnelle, à la même ethnie (fassi, soussi, rifain…), au même parti ou syndicat… La seule différence qui me paraît importante est que lorsqu’on est dans un clan, on l’est par réflexe de sécurité et par affinité, alors que dans un réseau l’intérêt pour les membres c’est d’utiliser le rapprochement avec d’autres personnes pour engranger les dividendes en termes d’avancée dans l’échelle sociale (recrutement, promotion, business…).

Ce qui réunit les membres d’un clan c’est la langue, la pratique ou non de la religion, des penchants pour le sport, l’âge, l’ethnie ou le consensus pour faire face à des personnes (la hiérarchie par exemple) ou à des situations données.

Certains diront que lorsque le clanisme est très implanté dans une organisation, il pourrait handicaper la performance de l’entreprise si le choix des collaborateurs se fait sur la base du seul critère d’appartenance à un clan déterminé. Je pense qu’il n’y a pas de mal que ces critères entrent en ligne de compte pour le choix des collaborateurs, d’autant plus que la compatibilité d’humeur, facteur important pour cimenter les relations de travail, est l’un des traits caractéristiques du clan. Vous pouvez avoir des gens compétents autour de vous mais s’il n’y a pas cette affinité, cette complicité, ce sentiment de confiance, il y aura toujours des dysfonctionnements.
Par ailleurs, un bon manager ne se contente pas uniquement de détecter les compétences, leur assigner des objectifs précis tout en mettant la motivation et la pression… D’autres facteurs peuvent venir perturber les calculs (différence de culture des groupes du travail, manque d’affinité, intolérance …). Le bon manager à mon avis est celui qui a le flair de mettre en musique des compétences, des affinités, des compatibilités d’humeur, des cultures, des attitudes….

Il reste que pour bien verrouiller un dispositif de gestion où les clans sont bien constitués, un manager averti doit repérer les leaders et les impliquer dans des formules gagnant/gagnant.

C’est une évidence, il n’y a pas d’organisation sans clans. Les gens vivent dans une entreprise et automatiquement ils ont des réflexes sociaux (se rapprocher et fréquenter celles et ceux avec qui on a des affinités). Cependant, un clan qui ne se retrouve pas dans une organisation aura tendance à perturber la bonne marche des choses (ralentir la cadence, mettre des bâtons dans les roues, etc.). Mais je crois que les bons managers savent que la meilleure arme pour combattre cela n’est pas l’exclusion ou la sanction/punition. Pour circonscrire les effets pervers du clanisme dans une entreprise, il faut de la communication, beaucoup de pédagogie et bien entendu de la formation pour que les salariés comprennent que les intérêts communs aux clans n’ont de chance de se concrétiser qu’en se fondant dans l’intérêt général de l’organisation.