Les clans en entreprise assurent la satisfaction des besoins socio-affectifs

Les guerres des clans apparaissent parfois comme une flambée des rivalités interpersonnelles dans des situations où l’organisation est défaillante.
Ils peuvent agir en conformité avec les attentes patronales, voire leur prêter appui.
La formation de clans est un bon baromètre de la vie sociale de l’entreprise.
Pour le sociologue Mohcine Benzakour, la formation de clans est naturelle dans toute organisation. Un phénomène qui repose, au départ, sur des notions affectives. Il estime que l’important est que les conflits ne dégénèrent pas au détriment du fonctionnement de l’entreprise.
Comment analysez-vous le phénomène des clans dans les entreprises ?
Les groupes informels sont les regroupements d’individus formés au sein d’une organisation sans que leur réunion n’ait été prévue par «l’autorité formelle», qui relève de la structure hiérarchique telle qu’instaurée par la direction de l’entreprise. Constituées à partir d’affinités mutuelles, les relations interpersonnelles qui ont cours dans ces groupes invisibles -mais non moins réels- assurent la satisfaction de besoins socioaffectifs et/ou politiques. Ces groupes peuvent agir en conformité avec les attentes patronales, voire leur prêter main forte. Ils peuvent aussi prendre forme en réaction à un climat d’incertitude qui motive ses membres à tenter de reprendre le contrôle de leur environnement. Le groupe informel se distingue des groupes formels de l’organisation par le fait que sa façon de fonctionner n’est pas régie par des règles explicites, mais dépend essentiellement des intérêts et de la personnalité de ses membres et de sa capacité à façonner les attitudes et les comportements des travailleurs. Selon les objectifs qu’il poursuit, un groupe informel peut être une clique, un clan, une faction…
Comment fonctionnent les relations entre les différents groupes ?
Les processus d’influence sont relatifs aux changements d’opinions, d’attitudes et de conduites qu’entraîne, pour un individu (ou un groupe), le fait d’être conforté à celles d’autrui.
L’influence a d’abord été analysée comme un processus de pression sociale entraînant la conformisation et la soumission à l’autorité; mais elle a été conçue par la suite, à partir du phénomène de l’influence minoritaire, comme résultant de mécanismes de régulation liés au consensus et au conflit et pouvant aboutir à l’innovation.
Les «guerres des clans» apparaissent donc comme l’exacerbation des rivalités interpersonnelles dans des situations où l’organisation et les valeurs sociales du travail sont défaillantes. Il se révèle que ces «défauts» et cette «guerre» sont exploités pour camoufler et éviter la contestation de stratégies politico-économiques douloureuses dans lesquelles dirigeants et salariés sont impliqués à des niveaux divers.
De ce point de vue, l’influence apparaît comme une forme de négociation (tacite) dans la mesure où les processus d’influence sociale ont lieu dans le cadre d’une interaction où chaque membre du groupe a de bonnes raisons de résoudre le conflit ou le désaccord. Chaque type d’influence correspondrait donc à un type particulier de négociation, à une façon particulière de faire face au conflit.
Dans quelle mesure ce type de regroupement influe-t-il sur la vie de l’entreprise?
L’appartenance à un groupe informel permet d’avoir accès à plus d’informations privilégiées. Le groupe fournit des informations supplémentaires à ses membres, ce qui tend à augmenter leur sentiment de maîtrise de l’environnement. Le phénomène de rétention de l’information par les membres du groupe informel porte à croire que l’information avantageuse ou menaçante pour les membres sera conservée au sein du groupe. Quant à la déformation de l’information qui permet d’écarter des acteurs en concurrence avec son groupe pour l’obtention ou le contrôle de ressources organisationnelles, elle peut prendre la forme de distorsion de l’information ou de diffusion de fausses rumeurs. Cependant, le groupe informel ne déforme pas plus les informations que les autres membres de l’organisation. En ce sens, son rôle politique est beaucoup moins actif que les coalitions de travailleurs formées dans le but d’atteindre des objectifs organisationnels spécifiques.
Et les problèmes que génère le clanisme ?
Ils sont assez fréquents et se présentent sous plusieurs formes. Par exemple, une secrétaire qui entrave l’accès aux outils bureautiques, un responsable d’équipe qui se voit interdire par le chef de service toute présence dans les bureaux après 10 h du matin, au motif qu’il devrait être sur le terrain…
Des divergences peuvent survenir à propos de l’attribution des congés ou des primes, de la fixation des horaires, de la répartition du travail. Il peut aussi y avoir de la violence interne (entre collègues, au sein des services) ou externe (entre les usagers et les agents).
Comment peut-on agir quand on fait face à ce type de situation ?
Il faut chercher à négocier. Cette négociation peut être basée sur plusieurs types de stratégies : la coercition qui peut prendre l’aspect de la menace, du bluff, de la surenchère, d’un comportement agressif, de la rupture ; la dissimulation, fondée sur la manipulation et la rétention d’information ; la persuasion qui repose sur des attitudes visant à montrer sa détermination, à séduire, à souligner les contradictions internes de l’adversaire ; l’accommodation qui consiste à rechercher les points d’accord, à reporter les questions épineuses, à marchander les propositions, à jouer sur les relations interpersonnelles… Tous ces comportements font appel à des attitudes et des comportements.
Et la meilleure performance lors d’une négociation est obtenue par la recherche des intérêts communs, selon le modèle la «rigidité flexible» (rigide sur les buts et flexible sur les moyens).
Avez-vous vu des cas de lutte de clans arriver à des situations inquiétantes ?
Oui, j’ai vu des cas où ça a complètement altéré le fonctionnement de l’entreprise. Cela conduit à l’arrêt de travail, à la destruction de la vie sociale d’une entreprise. On s’insulte, on se jette des accusations… Un manager doit être conscient qu’un clan peut être un bon baromètre du climat social d’une entreprise et non pas perçu comme une attaque personnelle contre son management.