Gérer une équipe commerciale : Entretien avec Mohamed Bennouna DG du cabinet F2V

Parmi les qualités d’un manager commercial, une capacité d’analyse et de synthèse, le charisme et la présence. Il donne du temps à  la réflexion stratégique et ne se contente pas de faire de l’arithmétique.

Manager une équipe commerciale ne se résume pas à planifier, organiser, évaluer… Sachant que les objectifs sont toujours relatifs aux aléas du business, un manager d’une force de vente doit avant tout être bon pédagogue et donc savoir transmettre. Mohamed Bennouna, DG du cabinet F2V, parle de ce qui fait la différence chez ces managers.

Quelles sont les qualités d’un bon directeur commercial ?

Aujourd’hui, cette fonction moteur se doit de maîtriser l’ensemble des compétences que sont le savoir, le savoir-être, le savoir-faire et le savoir transmettre. Une combinaison de savoirs qui devrait être commune à tout «bon» manager, sauf que le manager commercial, dans son rôle de vendeur, se doit par définition d’être un très bon pédagogue et donc de savoir transmettre. Cela constitue un vrai facteur de différenciation. Il doit être doté d’une intelligence de bon niveau, concrète, avec une bonne capacité à mener une réflexion stratégique. Parmi les qualités attendues, une capacité d’analyse et de synthèse, sans oublier le charisme, la présence et un leadership naturel.

Quels sont les défis pour ces managers actuellement ?

Parce que c’est un rôle à la fois difficile et passionnant, nos managers doivent réapprendre à se donner le temps de réfléchir à leur orientation stratégique. Leur rôle est d’anticiper, de prévoir. Cela passe par retrouver du temps pour soi, à la fois pour respirer et s’oxygéner afin de digérer l’information, la laisser mûrir dans son esprit, et finalement retrouver de la sérénité et de l’efficacité. Pour cela, il s’agit de se réserver des plages dans son emploi du temps. Mais rester au bureau la porte fermée ne suffit pas, il faut sortir et, surtout, parvenir à se déconnecter totalement. Les nouvelles technologies nous conduisent à être partout à la fois mais nulle part sérieusement. Cela impacte la qualité de la réflexion stratégique, sans compter que le temps passé sur le canal online, même s’il est nécessaire, est autant de temps qu’on ne passe pas avec ses équipes.

Pensez-vous que le fait de manager une équipe commerciale est si différent du management de tout autre type d’équipe ?

Par expérience et pendant longtemps, j’ai moi-même cru à l’adage qui dit qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un cheval pour devenir un bon jockey. C’est peut être vrai dans d’autres fonctions, mais aujourd’hui je suis persuadé que dans le domaine commercial, il est indispensable d’être un bon commercial pour pouvoir manager correctement des commerciaux.
Si le management ne consiste qu’à relever les compteurs, on peut se passer de la maestria commerciale. Mais si le management consiste à doper la performance commerciale, je ne vois pas comment quelqu’un qui n’est pas capable lui-même de vendre peut prétendre aujourd’hui piloter des commerciaux. Ce métier est devenu trop difficile, trop complexe pour être encadré par des gens qui ne sont pas capables eux-mêmes de l’exercer avec talent.

Comment peuvent-ils composer avec leurs équipes ?

Tout comme la confiance, la proximité s’entretient sur la durée. Sans pour autant passer toutes les journées sur le terrain avec ses équipes commerciales, leur consacrer du temps est indispensable. Un investissement qui portera à coup sûr ses fruits, à condition de respecter certaines règles.
Ce métier nous impose de prendre de la hauteur afin d’être davantage dans la réflexion que dans l’action, cela ne doit toutefois pas nous couper de nos équipes. Certes, le lien humain est généralement de mise chez les commerciaux, mais n’oublions pas que la connaissance du catalogue produits/ services est et doit rester notre première attache avec le terrain. C’est par son intermédiaire que nos équipes tentent de répondre au plus près aux besoins de notre clientèle. Omettre ce grand principe et concentrer uniquement ses efforts sur la stratégie commerciale à adopter, sur les marges et le chiffre d’affaires à dégager, c’est risquer, à terme, de s’éloigner de sa force de vente et, plus largement, des attentes de ses clients.

Aussi, prévoyons d’organiser des festivités pour renforcer la cohésion des équipes. Le tout est de déterminer un thème qui colle avec les hobbies du plus grand nombre ou avec l’actualité du moment. Misons sur la simplicité qui est propice à la convivialité. Une soirée de football à l’occasion de la Coupe du monde peut très bien faire l’affaire.
En clair, osons, de temps à autre, nous confondre avec nos équipes.

Compte tenu de la difficulté à trouver de bons profils, sur quels critères doivent-ils se baser pour réussir les recrutements ?

Trouver des commerciaux, c’est possible. En trouver de bons, c’est une autre histoire.
Les bons profils sont déjà en poste. Et quand ils se libèrent, c’est très rapide. Leurs recherches ne durent pas plus de deux à trois semaines. Il faut être là au bon moment.
Pour autant, ce décalage entre l’offre et la demande s’explique aussi par le fait que les choses changent très vite, obligeant les professionnels à repenser le recrutement de commerciaux. L’entreprise doit s’adapter aux nouveaux profils des vendeurs, notamment à ceux de la génération Y «hyperconnectée», et avoir conscience de son rôle dans le développement de la culture générale de ses commerciaux afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des clients. Ces nouveaux enjeux incitent à mettre en place de nouvelles pratiques, tant pour recruter que pour fidéliser les meilleurs.
Je retiendrais trois critères déterminants pour réussir le recrutement de commerciaux: la capacité, la volonté et l’action.

Quand doit-on procéder à l’évaluation ?

Le mois de janvier est le moment idéal pour organiser les entretiens annuels d’évaluation de nos vendeurs. Au-delà de l’aspect «évaluation» du travail du commercial, cet entretien est aussi et surtout un moment d’écoute. Le partage du temps de parole (50% pour le collaborateur et 50% pour le manager) est l’un des critères d’un entretien réussi.
Ainsi, faisons parler notre commercial des difficultés qu’il a rencontrées durant l’année. Par ailleurs, demandons-lui s’il a des idées pour améliorer le fonctionnement de son service. N’évaluons pas l’attitude de notre commercial et restons factuel dans notre approche.
Demandons-lui, par ailleurs, s’il a obtenu le soutien qu’il attendait dans ses différentes missions. En effet, ces entretiens sont aussi le moment pour nous, managers, de nous remettre en question.