E-learning : Questions à Abdelilah Sefrioui,  Consultant et DG du cabinet Axe RH

«Il n’existe pas de cadre réglementaire et incitatif pour ce mode de formation»
– La Vie éco : Vous développez depuis quelques années des formations blended mais aussi à distance, pensez-vous qu’il existe un réel besoin aujourd’hui ?
– En réalité, le besoin a toujours existé. Il faut rappeler que l’utilisation du e-learning, développé d’abord dans les pays industrialisés, s’est imposée pour optimiser les coûts de la formation, toucher des cibles lointaines géographiquement et s’affranchir d’autres contraintes comme la disponibilité des apprenants, l’absentéisme en formation présentielle… Au Maroc, ces contraintes ont toujours existé et se posent avec plus d’acuité que dans ces pays. Donc le besoin est réel mais il reste à en prendre conscience et à y répondre.
– Pourquoi les entreprises autant que les participants n’arrivent pas à intégrer cette démarche ?
– Comme je le disais, c’est d’abord un processus de prise de conscience et de volonté de reconsidérer et de remettre à plat tout le dispositif d’apprentissage et de développement des compétences, bref, de casser les routines organisationnelles en place depuis des décennies où le seul moment où l’on réfléchit à la formation, c’est lors de l’élaboration du plan de formation à présenter à l’OFPPT. Aujourd’hui, dans l’écrasante majorité de nos organisations, nous baignons encore dans l’illusion que l’unique modalité de développement des compétences est la formation en présentiel. Or, celle-ci a déjà montré ses limites depuis très longtemps : coût, durée, offre limitée… Dans la réalité, les collaborateurs, n’ayant pas d’offre interne en e-learning, vont satisfaire leurs besoins individuels en allant consulter des tutoraux sur le web.
– Sommes-nous encore en retard par rapport à d’autres pays similaires au nôtre ?
– Les études comparatives entre pays en développement sont très rares. La plus récente est celle de l’UNESCO qui traite de l’utilisation de e-learning dans le secteur de l’enseignement. Cette étude montre les progrès significatifs enregistrés en Inde. Nous avons en effet enregistré aujourd’hui un retard préjudiciable, car il n’existe pas de cadre réglementaire et incitatif dans ce domaine : un contenu en e-learning acheté n’est pas remboursé par l’OFPPT. De la même manière, l’offre actuelle se limite à quelques opérateurs, pour la plupart qui vendent un contenu standard à partir de plateformes étrangères.
– Pensez-vous que le e-learning a de l’avenir ?
– Nous avons la conviction et nous l’avons démontré que le e-learning se justifie autant sinon plus dans des pays comme le Maroc que dans les pays industrialisés qui ont moins de contraintes budgétaires et techniques que nous pouvons avoir au Maroc. Nous avons pu prouver, en effet, dans le contexte de beaucoup d’entreprises du secteur privé, que des contenus spécifiques peuvent optimiser tout le dispositif de développement des compétences. Nous avons, par les références produites pour le compte de ministères ou d’ONG que des contenus sur mesure permettent de toucher des cibles très éloignées géographiquement, optimiser les délais des programmes et des projets. C’est dire que le e-learning a une véritable utilité sociale dans notre contexte, à condition d’accepter de remettre en cause toutes nos approches dans ce domaine.