Comment annoncer une décision impopulaire

Licenciement, gel des salaires, rupture d’un contrat commercial, abandon d’un projet, fermeture d’un site…tout est dans la manière. On peut toujours impliquer les collaborateurs ou la hiérarchie pour que l’échange soit fructueux.

Licenciement, gel des salaires, rupture d’un contrat commercial, abandon d’un projet, fermeture d’un site… Parfois, annoncer des mauvaises nouvelles s’avère périlleux et laisse des traces indéniables auprès des équipes.
Par exemple, Khadija Boughaba, DG du cabinet Invest RH, se souvient parfaitement du plan social qu’elle a vécu il y a quelques années lorsqu’elle était encore cadre RH dans un établissement public. «La pression était trop forte du fait que beaucoup d’inquiétudes pesaient à cette époque. Le plus pénible? C’était de faire comprendre à certains qu’ils ne faisaient plus partie de l’entreprise. C’était en quelque sorte avoir leur sort entre nos mains», dit-elle.

Quels que soient le niveau de connaissance technique et l’état d’esprit (confiance en soi ou peur de l’incertitude), on n’est jamais à l’abri d’un mauvais choix, aujourd’hui plus qu’hier eu égard au changement continu de l’environnement de l’entreprise.
Première des choses à faire quand un problème survient: il faut oser l’annoncer soi-même au (x) concerné (s), car éviter la confrontation peut avoir des conséquences plus graves que le mal lui-même. L’idéal est de choisir le bon moment pour le faire. Trop tard ne ferait qu’engendrer des rumeurs et empirer la situation. Parler plus tôt fait aussi courir le risque d’affoler tout le monde.

Ainsi, Youssef Jermoumi, DG du cabinet IP Expert, a dû attendre le bon moment pour le faire pour ne pas tomber dans le désarroi et l’incompréhension des collaborateurs. «Quand on vit une crise financière, il faut savoir sécuriser tout son entourage. Le cadre et l’opportunité doivent bien entendu être choisis, mais l’information doit être donnée en toute clarté et en toute transparence. En fait l’important, c’est que l’information ou décision doit être bien argumentée. Il s’agit donc de dire voilà la décision et voilà pourquoi. Quand il a fallu annoncer le gel des salaires et la suppression des primes, il a fallu bien évidemment expliquer le pourquoi, le tout en assurant que ce n’est que partie remise. Une fois la situation financière équilibrée, tous les acquis seront redistribués. C’était chose faite», raconte t-il.
Pour sa part, Amine B., un autre dirigeant, a vécu une expérience encore plus extrême, en l’occurrence l’enfer de la faillite. La société de confiserie qu’il a reprise et dirigée pendant des années a plongé il y a presque cinq ans à cause d’une opération de croissance externe mal cadrée. «Mon tort ? C’est peut-être le fait que je n’ai pas assez écouté mon entourage. J’ai eu droit à un lynchage de toutes parts, associés, partenaires externes et même ma famille à cause de mon entêtement», raconte t-il.

Situation extrême peut-être, mais révélatrice du caractère implacable de ces défaillances d’entreprises. Une faillite c’est, le plus souvent, un drame pour le manager qui avait la responsabilité de l’entreprise : perte de confiance en soi, qui peut aller jusqu’à la dépression nerveuse … Il faut dire aussi que dans les mentalités, on ne conçoit pas que prendre des risques, c’est effectivement risquer d’échouer. Et que l’échec n’a rien de honteux ! C’est plutôt un défi capital à relever.

La négociation permet de trouver des solutions ensemble et de renforcer la cohésion

De toute manière, Jihane Labib, coach et présidente de l’association Maroc Coaching, recommande de laisser exprimer les inquiétudes.  «Plutôt que de refréner les réactions qui ne vont pas manquer d’éclater, laissez les collaborateurs exprimer leurs interrogations, leurs craintes, voire leur colère».

Dans tous les cas, on peut toujours impliquer les collaborateurs ou la hiérarchie. Cela ne signifie pas qu’il faut opter pour une décision collégiale à tous les coups pour fuir ses responsabilités, mais qu’un échange peut toujours être fructueux.  Mieux, il permet de neutraliser les préjugés et de renforcer l’engagement des uns et des autres. A défaut de pouvoir bénéficier de ce soutien interne ou pour des raisons de confidentialité, une assistance extérieure est souvent nécessaire.

En définitive, le danger, le seul, c’est de s’enfermer dans sa tour d’ivoire. «N’hésitez pas à demander leur avis aux salariés, poursuit la coach. Cela ne vous rendra pas la tâche plus difficile, comme le redoutent souvent les managers. Au contraire, la négociation permet souvent de trouver des solutions ensemble et de renforcer la cohésion des équipes». Toujours est-il que la franchise est de mise dans l’annonce avec l’art et la manière de le faire. «Il faut écouter son interlocuteur, connaître son état d’esprit…S’il n’a pas la maturité et l’expérience pour comprendre, ce n’est pas forcément bon de lui annoncer une mauvaise nouvelle», souligne Mme Boughaba. Apprécier un collaborateur, c’est l’aider à assumer ses responsabilités avec l’aide du manager. Comme pour l’éducation des enfants, il faut du temps pour responsabiliser et faire adhérer ses collaborateurs aux décisions, bonnes ou mauvaises soient-elles.