Ahmed El Meslouti : «Le seul point positif dans le débauchage, c’est qu’il pousse les entreprises à revoir leur système de fidélisation»

Ahmed El Meslouti, Directeur associé du cabinet Efficience RH.
Quoi qu’on dise, le débauchage reste malheureusement une pratique très courante contre laquelle les entreprises ne peuvent pas lutter.
Par exemple à Tanger, là ou j’exerce, le problème s’est posé depuis le lancement de la zone franche et s’est surtout accentué avec l’arrivée de grands groupes étrangers. Pour preuve, certains entretiens de recrutement s’effectuaient dans des grands palaces de la ville et certains DRH et recruteurs n’hésitaient pas à emboîter le pas aux entreprises qui organisaient des événements pour leur «chiper» quelques candidats. C’est pour dire que les pratiques étaient malsaines.
Pour ce qui est des profils, la bataille concernait principalement les techniciens et les postes d’encadrement.
Certaines entreprises, notamment celles installées dans la zone franche, ont essayé d’y remédier en mettant en place une charte d’éthique pour freiner le phénomène.
Pour moi, le seul point positif dans cette pratique, c’est qu’elle pousse les entreprises à revoir leur système de fidélisation. A quelques rares exceptions, les entreprises qui ne souffrent pas de ce phénomène sont celles qui ont renforcé leur culture d’entreprise.
Par ailleurs, le débauchage n’a rien d’illégal s’il est fait dans les règles. Le salarié démarché doit démissionner en respectant le préavis pour pouvoir s’engager dans une nouvelle structure.
Pour se protéger de ces départs, les employeurs prévoient des clauses de non-concurrence dans les contrats de travail. Dans beaucoup de pays, la législation du travail ne fait pas directement référence à cette clause, mais elle définit un cadre général pour les relations contractuelles entre l’employeur et le salarié. C’est donc dans le contrat que l’employeur insère des clauses de sauvegarde. Il en va ainsi au Maroc.
Cette disposition reste soumise à l’appréciation de l’employeur. Elle est pour lui un moyen d’éviter que ses bons éléments quittent subitement la société. Grosso modo, elle a un effet dissuasif pour les cadres souhaitant aller voir ailleurs. Mais dans la pratique, aucune des deux parties ne respecte cette clause. Pour les entreprises, ce n’est que peine perdue parce qu’elles ont très peu de chance d’avoir gain de cause devant un tribunal, ici comme ailleurs.
Pour être précis, la clause ne doit pas porter atteinte à la liberté de travail du salarié. Généralement, pour éviter des revers, les entreprises prévoient dans le contrat des indemnisations pour que le salarié puisse supporter la diète sans trop de difficultés. Il n y a pas de règle en la matière. Le montant est laissé à la discrétion des deux parties. Mais là aussi, il arrive très rarement que la clause soit respectée, aussi bien par l’employé que par l’employeur.