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Au Royaume

Une femme à  poigne dans un métier dominé par les hommes

Née avec une cuillère d’argent dans la bouche, elle ne se laisse pas tenter par la facilité et décroche un double MBA.

A 31 ans, elle devient le patron de la Société des eaux minérales d’Oulmès.

En 2003, elle décroche la licence d’embouteillage des boissons du groupe PepsiCo.

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Miriem Bensalah Chaqroun est une femme attachante. Ses traits juvéniles ont quelque chose de désarmant et elle dégage une telle dose de candeur que l’on a du mal à imaginer cette femme de 42 ans en patron de la Société des eaux minérales d’Oulmès (Oulmès, Sidi Ali, Pepsi, Mirinda).

De fait, elle est profondément humaine, naturelle et spontanée, et se confie volontiers dès qu’elle est mise en confiance. Mais, sait-elle, à l’instar de tous ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche, que sa situation suscite envie et concupiscence ? Certainement. Malgré tout, elle n’en a cure et en parle d’ailleurs sans complexes. «Oui, j’ai vécu dans l’aisance, mais ce qu’on ignore, c’est que j’ai été élevée selon les principes qui placent le travail, le mérite et l’effort comme les valeurs les plus sûres et les plus précieuses au monde. Mon défunt père nous a inculqué aussi, à mes sœurs et frère, un attachement sans faille aux traditions, à la simplicité et à la modestie», confie-t-elle.

Brevet de pilote et Trophée Aïcha des gazelles
Née en 1962, marocaine jusqu’au bout des ongles, Mme Bensalah est très attachée à ses racines de Tafourhalt (30 km d’Oujda), village qui a vu naître son père et où la famille se rendait fréquemment depuis sa tendre enfance. Encore aujourd’hui, elle y fait volontiers des virées, tout comme à Ouarzazate, où elle va se ressourcer, le temps d’un week-end, loin de sa vie de femme d’affaires devant veiller au fonctionnement de l’entreprise qu’elle dirige «de main de maître», selon ses collaborateurs. Les eaux minérales d’Oulmès, filiale d’Holmarcom (dont elle est également administrateur), est, rappelons-le, une société cotée en Bourse qui dégage un chiffre d’affaires de 600 MDH (en 2004) et emploie près de 900 personnes. C’est dire que ce n’est pas une mince affaire.

De son enfance, elle garde un souvenir heureux et cela n’a rien à voir avec l’argent ni avec les allées ombragées de la villa paternelle du quartier Anfa, à Casablanca, les enfants étant surtout sensibles aux attentions dont les entourent leurs parents. Très tôt, elle s’initie aux sports et s’entiche de la chasse, violon d’Ingres de son père. Et ce n’est pas un hasard si, par exemple, elle dirige la seule équipe marocaine qui a remporté, en 1993, le Trophée Aïcha des gazelles.

Miriem Bensalah est aussi amoureuse de l’aviation et s’est fait un point d’honneur de passer un brevet de pilote. «Le sport m’a appris à me dépasser sans rien avoir à prouver. Et je pense que les gens qui veulent montrer ce qu’ils valent, à tout prix, souffrent secrètement d’une trop forte peur de ne pas réussir». Cet état d’esprit l’a d’abord servie pendant ses études, qu’elle a effectuées sans encombre. Après un bac économie, Mme Bensalah Chaqroun poursuit son cursus supérieur en France, à l’Université Paris Dauphine et ensuite aux Etats-Unis où elle obtient un double MBA en finances et management international, en 1986.

Procédurière, elle prend le soin de trancher quand il le faut
De retour au Maroc, elle intègre le département «Titres et participations» de la SMDC, banque du groupe familial, avant de s’essayer à la gestion du patrimoine paternel. Elle rejoint par la suite la Société des eaux minérales d’Oulmès, où elle s’initiera à l’industrie, de 1989 à 1993, avant de prendre la tête de l’entreprise, à 31 ans. C’est que, dit-elle, «il fallait s’initier et gravir les échelons avant d’être sérieusement préparée à prendre la relève». Mais, entre-temps, elle a vécu des évènements douloureux. En 1993, son père décède. Et comme un malheur ne vient jamais seul, elle perd, en 1994, une de ses sœurs dans l’accident de l’ATR à Agadir. Elle s’en souvient avec une grande émotion.

Pas très facile à supporter, mais Miriem Bensalah est aussi une femme à poigne, ce qui lui a permis de franchir ce cap difficile. Cette fermeté n’est pas en contradiction avec sa nature, car c’est une femme de cœur qui a de l’esprit et qui ne se prive pas de s’en servir. «Mon secret est, peut-être, le fait que ma satisfaction se nourrit surtout de la joie que je donne aux autres. Du moins, je veux le croire, et c’est ce qui me décide toujours à mettre ma cérébralité au service de ma sensibilité . On peut le dire comme cela», explique-t-elle.

Son autre conviction est qu’il faut choisir les hommes et les femmes qu’il faut là où il faut, en définissant leurs missions et en leur déléguant les pouvoirs qui vont avec. Elle sait y faire en matière d’animation des personnes et le Festival de Casablanca qu’elle préside en a été un exemple : ses collaborateurs l’avaient baptisée, le temps de l’événement, «Mme Giga».

Aujourd’hui, l’une des grandes satisfactions de «Mme Giga» est d’avoir mis en place «une structure managériale qui n’a rien à envier aux multinationales». Cela n’a pas été sans mal et Miriem Bensalah se souvient, entre autres, du mouvement de grève qui avait mis en péril l’entreprise, il y a de cela quelques années.

Depuis, du chemin a été parcouru, notamment avec l’obtention de la licence d’embouteillage et de distribution des boissons du géant américain PepsiCo. Signé en février 2003, le contrat prévoyait une période de 12 mois pour la construction d’une nouvelle usine de 40 000 m2. Moins de six mois plus tard, plus précisément le 15 juillet, les premières bouteilles de Pespi sortaient de l’usine. Un défi personnel de Mme Bensalah qui explique «qu’il ne fallait pas rater la haute saison». De cette femme de caractère on dit aussi qu’elle est procédurière, mais qu’elle prend soin de trancher. «Très souvent, une mauvaise décision coûte moins cher que l’absence totale de décision», explique-t-elle.