Au Royaume
Un passionné de l’électronique à la tête de Casashore
Très jeune, Mohamed Lasry est attiré par l’électronique. Il finira avec un
doctorat en semi-conducteurs.
Directeur qualité à ST Microelectronics en 1989, il en deviendra le DG en 1998.
En 2007, la CDG l’appelle pour mettre sur orbite Casanearshore, élément clé
de la stratégie offshoring du Maroc.

La démarche aisée, le visage avenant, le sourire rassurant et le mot précis. Voilà l’impression première qui se dégage au contact de Mohamed Tajedine Lasry. Un homme sans malice à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession. S’il ne nie pas être un bon meneur d’hommes, il se veut un décideur «à visage humain». «Oui, diriger des hommes avec l’obligation d’obtenir des résultats s’embarrasse difficilement de considérations sentimentales. Mais cela n’est pas toujours synonyme d’être sans cÅ“ur. Au contraire, je suis partisan de l’approche qui consiste à valoriser l’homme pour le pousser à se dépasser. La manipulation devrait être bannie des méthodes de travail et du lexique des décideurs sauf… exception. Car il peut en exister, ne nous leurrons pas non plus», explique-t-il.
Voilà la philosophie d’un homme qui veut envisager la gestion des ressources humaines autrement, et pas seulement pour des raisons morales, explique-t-il, mais aussi pour des raisons d’efficacité. Mais Mohamed Tajedine Lasry ne s’est pas occupé dès le départ de gestion des ressources humaines. D’ailleurs, les études qu’il a choisies de suivre ne l’y préparaient pas spécialement. Mohamed Lasry refuse de se laisser enfermer dans une classification sommaire ni dans des archétypes selon lesquels un dirigeant est, forcément, soit autoritaire, soit paternaliste, soit hésite entre les deux.
Enfant, il était plutôt manuel et, très tôt, il a commencé à s’emparer des appareils électroniques en panne pour tenter de les remettre en marche. Sa grande capacité d’adaptation, il la doit au fait que sa famille a migré à travers le pays au gré des nominations de son père, employé de la Sûreté nationale. Troisième enfant d’une fratrie de huit frères et sÅ“urs, il est né au quartier des Habous à Casablanca, en 1956, et, tout de suite commencera une transhumance qui va le conduire dans plus d’une dizaine de villes du Maroc.
La qualité a été son premier grand dossier professionnel
C’est à Marrakech, en 1976, qu’il obtient un Bac «D» à la Mission française. Par la suite, il ne fera pas comme tout le monde puisque, parti étudier à Toulouse, il n’optera ni pour les classiques «prépas» ni pour le circuit des écoles d’ingénieurs. Il s’inscrira, tout simplement, à la Faculté des sciences de Toulouse o๠il obtient une maà®trise en «électronique et automatisme». Puis, ce sera un doctorat dans la spécialité des semi-conducteurs, à l’Institut polytechnique de la même ville, qui va couronner son parcours académique, en 1984.
Tout de suite après, il est de retour au Maroc pour y chercher un travail. Il abandonne l’idée d’enseigner et se fait recruter par la SFRM composants électroniques qui deviendra plus tard, en changeant de mains, ST Microelectronics. M. Lasry y est affecté au contrôle de la qualité. En 1988 va s’offrir à lui une occasion qui va totalement changer le regard qu’il porte sur le secteur dans lequel il travaille : son employeur prend en charge des stages dans des pays asiatiques, ce qui lui permettra d’aller voir ce qui se passe en Malaisie et à Singapour. C’est là qu’il commencera à mesurer la différence entre l’activité de sous-traitance et la vraie industrie de la micro électronique. Cela lui servira plus tard, quand il prendra la présidence de ST Microelectronics. Mais il devra encore franchir plusieurs étapes.
En 1989, il est nommé directeur de la qualité de l’usine marocaine. Il fait ses premières apparitions dans les comités de direction et commence à animer des séminaires sur la qualité, domaine qui en est encore à ses débuts au Maroc.
Un des artisans du développement de ST Microelectronics
Jusque-là , les postes qu’il occupe sont très techniques avec les premières lignes automatiques du secteur, même si l’unité compte près de 400 personnes et dégage une valeur de production de 11 millions de dollars (plus de 100 MDH à l’époque). Cependant, Mohamed Lasry se souvient avoir accompagné les phases importantes de mise en place de procédures. Ainsi, en quelques années, des promotions entières de techniciens des IST recrutés par ST Microelectronics participent à la mise à niveau de la production et de la productivité, permettant à la société de s’aligner sur les coûts des pays asiatiques. Mohamed Lasry donne cet exemple : «Entre 1990 et 1992, nous sommes passés d’un délai d’installation d’une machine de 6 semaines à deux heures. Par ailleurs, on a aussi compris qu’il ne fallait pas mettre des ouvriers devant des machines… automatiques ! Cela paraà®t une évidence aujourd’hui, mais nous mobilisions du monde pour des postes totalement inutiles».
Quoi qu’il en soit, en 1992, Mohamed Lasry devient directeur opérationnel de l’entreprise. Mais en 1996, il quitte ST Microelectronics pour un poste de DG à la société de câblage Cabelec, une entreprise de 400 personnes et qui en comptera 600 deux années plus tard, pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 250 MDH.
En 1998, son premier employeur lui fait une belle proposition : le poste de DG avec la charge de veiller à la construction du nouveau site qui va s’étendre sur 18 ha. Un projet de 70 millions de dollars (560 MDH) pour la seule construction et de 100 millions de dollars (800 MDH) pour les équipements. Il fallait réaliser le tout en 18 mois, ce qui fut fait puisque l’unité avait été livrée en 2000. ST Microelectronics Maroc, dont Mohamed Lasry prend la présidence entre 1998 et 2007, emploie 4 500 personnes et produit désormais de la valeur ajoutée.
Mohamed Lasry aura eu un autre défi à relever en 2004 : la construction, à Rabat, du premier centre de design de circuits intégrés pour un coût de 14 millions de dollars (112 MDH). Aujourd’hui, le centre est opérationnel et emploie 200 ingénieurs, explique-t-il. Mais Mohamed Lasry quittera une nouvelle fois la société, en 2007, appelé par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) pour mettre sur orbite le Casaneashore, vitrine de la stratégie offshoring du Maroc. Une lourde tâche eu égard aux ambitions du pays dans ce domaine. Mais, connaissant bien ce domaine, il semble bien préparé pour mener ce projet à bon port.
