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Au Royaume

SMIG intellectuel

Le débat qu’a suscité la dernière annonce du gouvernement d’augmenter le SMIG est révélateur, malheureusement, de l’état encore primaire de la conception largement répandue au Maroc de la notion de création de richesses, de l’acte d’entreprendre et de l’approche qu’ont certains chefs d’entreprises de la compétitivité.

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On se rappelle qu’au lendemain de cette annonce, le secteur privé, scandalisé par la mesure, avançait pour sa défense un argumentaire qui s’articulait en gros autour de la dichotomie compétitivité-charges salariales.

En résumé, le raisonnement ainsi exposé consiste à dire qu’une hausse du SMIG représente une charge supplémentaire pour l’entreprise, ce qui met en danger sa compétitivité et, de manière globale, constitue une grande menace sur toute l’économie puisque sans compétitivité point d’investissement et sans investissement il n’y aura pas de création d’emplois.

Certes, il y a des secteurs qui sont depuis toujours sensibles au coût du facteur travail. Mais ce n’est pas une fatalité. Le problème de ces secteurs, comme le textile par exemple, c’est qu’ils sont restés sur le même schéma depuis des années au moment où des pays concurrents ont migré vers d’autres. Vendre de la minute pas cher a fait recette dans les années 70 et 80 mais plus maintenant.

D’ailleurs, pour rester dans l’exemple du textile, l’avantage qu’on croyait avoir s’est vite avéré être une des grosses faiblesses du secteur dès que les donneurs d’ordre se sont tournés vers d’autres fournisseurs. Les bas salaires ne peuvent pas constituer un avantage comparatif durable pour le Maroc, du moment que d’autres pays peuvent le faire. On l’a vécu avec la Chine, la Tunisie, l’Egypte. On le vivra encore à partir du moment où des pays africains commenceront eux aussi à bénéficier des transferts de savoir-faire et des investissements étrangers. A contrario, l’évolution formidable de secteurs nouveaux comme l’aéronautique par exemple ou l’offshoring démontre parfaitement que le Maroc peut se positionner durablement non pas grâce à ses bas salaires mais à la technicité, à la qualification et à la productivité de sa main-d’œuvre indépendamment de son coût.
Le secteur privé doit, et c’est son rôle, batailler, taper sur la table pour arracher les concessions et obtenir des avantages qui lui permettent de pérenniser son activité et ses profits. Sauf qu’il ne doit plus perdre son énergie à défendre une cause perdue d’avance. Il n’est pas sensé de continuer à vouloir bâtir la performance et la compétitivité de notre économie presque exclusivement sur les bas salaires. Car à terme, en plus de perdre facilement cet avantage, on se retrouvera avec de la main-d’œuvre non qualifiée, des millions de bras inemployables et vivant dans des conditions misérables. C’est là la vraie menace, pas seulement sur la compétitivité des entreprises mais sur le pays en entier…